Annuaire UCL 1944-1948 : 279-281

Eloge funèbre du Professeur chanoine Havet

par le Pr E. Van Campenhout, le 12 juillet 1948

Dans la préface qu'il a bien voulu accorder à un des livres rédigés par Monsieur le chanoine Havet au cours de ces dernières années, Son excellence Monseigneur l'Evêque de Liège s'exprimait comme suit:
"Prêtre, vous avez voulu vous mettre au service des éducateurs, et en particulier de vos confrères, et vous envisagez toujours les questions posées et les solutions proposées sous l'angle religieux et dans le cadre de la législation ecclésiastique. Médecin, professeur émérite à la Faculté de Médecine, vous pouvez mieux que tout autre initier vos lecteurs aux multiples connaissances scientifiques pour assurer à l'enfant cette santé et cette vigueur corporelle, sans lesquelles il n'atteindra jamais l'idéal exprimé par le vieil adage: Mens sana in corpore sano".

C'est bien en effet ce double aspect qui caractérise et qui ennoblit la vie de celui dont nous pleurons aujourd'hui la disparition.

Né à Tournai le 21 avril 1866, Jules Havet eut une carrière médicale et universitaire d'une exceptionnelle fécondité. Formé à l'école de Carnoy où avaient germé tant de valeurs spirituelles dont l'Université s'enorgueillit à juste titre, il conquit brillamment son diplôme de docteur en médecine.

Pendant plusieurs années, il travailla cliniquement et scientifiquement au centre psychiatrique de Geel et il en devint le directeur. Pendant cette première période de sa vie postuniversitaire, malgré les nombreuses occupations inhérentes à sa situation et malgré l'éloignement, il ne perdit pas contact avec ses maîtres louvanistes et, pendant plusieurs années, il assura l'assistance aux travaux pratiques de dissection zoologique de son maître et ami, le regretté professeur Gustave Gilson.

En 1900, Jules Havet fut nommé chargé de cours, en 1902 professeur extraordinaire et en 1906 professeur ordinaire à la chaire d'histologie et d'embryologie. Après 37 années d'enseignement, il fut admis à l'éméritat et Son Excellence Monseigneur Ladeuze soulignait le souci constant de l'éducation morale de notre jeunesse qui animait le Professeur Havet et comment celui-ci avait toujours eu devant les yeux les deux objectifs, l'un scientifique, l'autre religieux, qui s'imposent à toute action professorale à l'Université catholique.

Tous ses anciens élèves se rappellent le zèle apostolique qui animait le savant professeur ; il n'enseignait pas seulement l'histologie et l'embryologie, il prêchait par la parole et par l'exemple la charité chrétienne et la générosité vis à vis des peu favorisés de ce monde.

C'est cet esprit de générosité qui le poussa à s'intéresser à l'évangélisation de la Russie dès la fin de la première guerre mondiale. Tout en continuant son professorat, il entra dans les ordres mais son ordination ne fut divulguée qu'au moment de son admission à l'éméritat. Il couronnait ainsi une vie de travail et de dévouement universitaire ainsi qu'une vie familiale pleine et heureuse, par la vie sacerdotale consacrée totalement à l'apostolat.

L'activité scientifique du Professeur Havet fût extrêmement diverse et importante et il m'est impossible d'insister ici sur l'intérêt de certaines interprétations et sur l'originalité de certaines conceptions. Comportant plus d'une trentaine de titres, la liste de ses publications démontre la spécialisation de leur auteur dans l'étude du système nerveux, particulièrement dans celui des invertébrés. N'hésitant pas à s'attaquer aux problèmes fondamentaux de la structure des cellules nerveuses et de la névrologie, Jules Havet prend place parmi les fondateurs de la science neurologique et ses travaux sur le système nerveux des Annélides, des Trématodes, des Actinies, ceux sur la névroglie de Vertébrés et d'Invertébrés ont conservé tout leur intérêt.

Il ne se limite d'ailleurs pas à l'étude des invertébrés ni à celle du système nerveux normal ; plusieurs publications sont consacrées aux altérations pathologiques du tissu nerveux dans diverses maladies mentales. Dans son rapport proposant d'attribuer le prix Bréant de l'Académie des Sciences de Paris au professeur Havet, le professeur Henneguy soulignait le nombre et la valeur des travaux du professeur louvaniste.

Son caractère jovial, son esprit fin et même caustique, son extrême modestie contribuaient à le faire aimer par tous eux qui l'approchaient. Toujours prêt à céder aux autres le bénéfice de ses travaux ou de ses idées personnelles, le professeur Havet n'avait cependant pu cacher complètement ses mérites extraordinaires. Lauréat du Concours des Bourses de voyage du Gouvernement belge en 1893, Lauréat de l'Académie des Sciences de Paris en 1916, il avait entre autres décorations reçu la croix d' or "Bene merenti" et il avait été promu commandeur de l'ordre de Léopold et commandeur de l'ordre de la Couronne.

Ces titres universitaires, scientifiques et honorifiques que, en l'absence de Monsieur le Doyen de la Faculté de Médecine, j'ai eu le privilège de résumer brièvement montrent avec évidence les mérites aussi grands que nombreux du regretté chanoine Havet. Au nom de la Faculté de Médecine, je me permets d'adresser à sa famille l'expression de nos condoléances les plus chrétiennes.