In memoriam Charles Francis(1935 - 2000)

Le Professeur Charles Francis est mort le 1er mai 2000, à laveille de ses 65 ans.  C'était un médecin, et un hommed'action.  C'était aussi un homme de principes et, dans lesens noble du terme, un homme politique, un citoyen de la "polis", intéresséet actif dans la chose publique.  Il aimait la vie, avec un côtéépicurien, presque Rabelaisien.  Il aimait rire et partagerle rire, en racontant d'un air entendu "la dernière blague de Bodart". Il considérait toute chose avec un scepticisme enraciné enlui comme une seconde nature.  Il aimait et savait écouter,encourageant naturellement son interlocuteur à parler.

Il suivait avec attention l'évolution politique de la Belgique,s'amusant à découvrir les failles juridiques dans le montagede plus en plus compliqué de nos institutions.
Dans sa vie "publique", il a représenté les médecinsau sein du Conseil de l'Ordre des Médecins du Brabant; aux Cliniquesuniversitaires Saint-Luc, il les a représentés au sein duConseil médical, qu'il a présidé.  Il n'a jamaishésité à affronter l'autorité pour défendreles médecins.  Il n'a pas hésité non plus àcollaborer activement avec elle si la situation l'exigeait, mêmeau prix de concessions qu'il savait expliquer et justifier devant l'Assembléegénérale des médecins.  Il n'a jamais perdu devue qu'au centre de cette action publique demeurait (et devait demeurer)le malade, ses souffrances et son angoisse.  Il considéraitque le médecin doit être l'avocat du malade, son rempart faceaux lois et règlements édictés par les bien-portants. Dans ce sens, refuser de s'engager dans le débat politique étaitpour lui une forme d'abandon du malade.

Il est resté un défenseur acharné mais impuissantde la notion de secret médical, battue en brèche pour l'instantet dont l'importance ne deviendra que plus évidente avec son effacement. Il voyait avec méfiance l'arrivée des forces multiples quiallaient s'interposer entre le malade et le médecin : l'intérêtsupérieur de l'Etat, les contraintes budgétaires, les managersde la santé ou l'arrivée en force de l'industrie pharmaceutiqueet de ses incitants financiers.

Il a passé les dix dernières années de sa vie dansun fauteuil roulant, après l'accident qui lui coûta sa capacitéà se mouvoir.  Il a dû apprendre à devenir unhomme de réflexion, et ce ne fût point facile.  Il eutla chance d'être aidé, entouré, aimé, de sonépouse Anne-Marie, femme d'exception.  Il a vu grandir sa famillepar l'arrivée des enfants de ses enfants, et comme c'est souventle cas, a eu plus de tendresse pour eux que pour ses enfants.  Cefut l'une de ses joies.

Il est resté attaché aux Cliniques Saint-Luc, oùil était devenu un point de repère pour ceux qui lui ontsuccédé au Conseil médical.  Un homme de conseil,un sage.
Au milieu de l'agitation souvent frénétique du médecinuniversitaire de nos jours, tiraillé sans cesse entre l'enseignement,la recherche, la gestion, les commissions, il n'a jamais cessé derappeler qu'au centre et au-dessus du fracas devait rester, préservée,la place du malade.
 

Daniel Rodenstein