BIC 102, 25-26; 2003

Hommage au Pr Jean-Marie Detry



Jean-Marie Detry est décédéà son domicile le 17 janvier 2003. Il était professeur ordinaireà l'UCL et chef de service associé dans le Service de pathologiecardio-vasculaire. Il était directeur du Centre de réadaptationcardiaque. Il a été chef de service de cardiologie de 1988à 1997.

Jean-Marie Detry était un battant, qui se battait et qui n'aimaitpas être battu. Le nom de sa rue, Hardy, lui allait particulièrementbien. Le "une ardeur d'avance" luxembourgeois aurait dû s'étendrejusqu'à Herve.

Comme tout battant, il était impatient et précoce. Médecinà 24 ans, il part à 29 ans à Seattle aux USA avec sonépouse Francette, Pierre, âgé de 3 ans, et Marc, âgéde 2 ans. Quelle belle aventure américaine dont il gardera des amislocaux et aussi une admiration profonde de la culture et du dynamisme américain.Je me souviens personnellement l'avoir vu, au Lincoln Mémorial àWashington, touché sentimentalement par l'ampleur non seulement dudécor, mais par la grandeur du majestueux Lincoln, et surtout parla déclaration d'indépendance des Etats-Unis qu'il se plaisaità lire ligne par ligne.

Son esprit de battant, au retour des Etats-Unis, il l'a mis au service dela physiologie de l'effort, de l'épreuve d'effort en cardiologie etde la réadaptation cardiaque. Jean-Marie Detry avait un esprit rigoureuxet une curiosité qui lui permettait de poser les bonnes questions,puis de créer un protocole expérimental adéquat et d'analyserles résultats en toute clarté.

Cette démarche scientifique, exigeante, il est parvenu à l'inculquerà de nombreux jeunes collègues qui se sont sentis emportéspar son enthousiasme. Il a été promoteur de plusieurs thèsesd'agrégation de l'enseignement supérieur et de doctorat. Denombreux assistants en cardiologie lui sont reconnaissants beaucoup sontà l'étranger et gardent le souvenir d'une personnalitéattachante. Ses élèves ont connu sa manière rapide,efficace et parfois rude de corriger un manuscrit. Son énergie passaitphysiquement dans sa pointe bic. Il en résultait des brouillons demanuscrit sur du papier non seulement complètement raturé,mais aussi recroquevillé; même le papier sentait le passagevigoureux de Jean-Marie Detry.

Ses brillantes compétences en épreuve d'effort et en réadaptationcardiaque lui ont donné un renom international dans ces domaines.Il a également mis ses connaissances à la disposition de sociétésscientifiques belges et internationales. Il a été Présidentde la Société belge de Cardiologie et du groupe de travailsur l'effort et la  réadaptation de la Sociétéeuropéenne de Cardiologie. Lors de congrès nationaux et internationaux,il adorait communiquer son enthousiasme. A chaque session à laquelleil participait, il se plaisait à faire un commentaire ou poser unequestion pertinente, toujours dans le sens d'une suggestion positive. Avecson ton de battant, l'aspect positif n'était pas toujours comprisainsi par celui à qui s'adressait la suggestion ! A l'UCL, il a organiséun enseignement annuel de qualité pour généralisteset cardiologues.

Battant, rigoureux, exigeant, il poussait ses élèves dansle dos en les stimulant et leur montrant comment ils pouvaient valoriserleurs qualités. Souvent les qualités ont besoin d'un révélateur,que quelqu'un soulève l'abat-jour pour que la lumière soitplus franche. Jean-Marie Detry avait ce don de révélateur dequalités, non seulement pour ses élèves, mais aussipour tout le personnel qui l'a côtoyé, dans le Service de cardiologie,au Laboratoire des épreuves d'effort et au Centre de réadaptation.

Battant, exigeant, Jean-Marie Detry était aussi reconnu comme bon,intègre et loyal. Trop bon parfois, certains se plaisent àfaire remarquer qu'il gardait en mémoire les derniers arguments donnéspar la dernière personne rencontrée. C'était en toutcas, un homme qui recherchait le consensus dans un esprit d'équipe.Mais ce n'est pas si facile ! Sous ses aspects de raideur, sous sa carapacedont il aimait se recouvrir, il était attentif aux problèmesdes autres, patients et personnel. Il n'était pas indifférent; il montrait clairement et parfois trop ce qu'il pensait, sans jamais toutefoisblesser la personne elle-même. Il n'était vraiment pas hypocritedans ses relations. Une fois la glace rompue, il pouvait montrer un aspectfragile, touchant et sensible. Beaucoup d'entre nous ont partagé cesinstants.

Pr Jacques Melin, directeur médical - coordonnateurgénéral