Extrait du site de Jean-Yves Gourdol :   http://www.medarus.org/Medecins/MedecinsTextes/aaccuemed.html
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Théophile-René-Marie-Hyacinthe LAËNNEC
1781-1826
Médecin français, découvreur du stéthoscope 

Nourris des Encyclopédistes, de philosophes contemporains comme Auguste Comte, Laënnec et ses confrères de l'École de Paris vont s'attacher à n'étayerleurs recherches et conclusions que sur des faits scientifiques irréfutables transposant ainsi le positivisme dans leur art. Laënnec plus qu'un autre peut-être est considéré comme un des maillons essentiels qui manquait à la longue chaîne de l'évolution médicale.

Le comté de Cornouailles vit naître Laënnec le 17 février 1781 dans sa capitale: Quimper.
Sa mère meurt de tuberculose alors qu'il n'est âgé que de six ans. Son père, issu de la noblesse de robe, ne s'intéressa pas longtemps à ses enfants et dès son veuvage les remettra à son frère le médecin Guillaume Laënnec. C'est ainsi que celui qui fera plus tard ses études à Parissera d'abord éduqué au collège de Nantes.

Il est pris d'admiration pour son oncle médecin et c'est en disciple passionné que le jeune, Théophile-René, s'intéressera aux études cliniques entreprises par son oncle par ailleurs grand humaniste et admirateur d'Horace et d'Ovide.
Nantes va bientôt souffrir des désordres de la guerre, la guillotine installée sur la place du Bouffai, va décider la famille Laënnec à déménager pour fuir le spectacle atroce du couperet.

En 1801, Théophile-René Laënnec s'installe à Paris chez son frère aîné Michaud étudiant en droit, il est élève libre à l'école spéciale de santé, élève de Corvisart à l'hôpital de la Charité. puis collaborateur et ami de Bayle, qui mourra après avoir fait de remarquables études sur la tuberculose et la phtisie pulmonaire, les études du jeune Laënnec furent très tôt orientées vers des affections thoraciques.

En 1802 Laënnec publie un mémoire sur le rétrécissement mitral, un sur les maladies vénériennes et un troisième sur la péritonite.

En 1803, il reçoit pour ses découvertes les deux prix de chirurgie et médecine.
La même année, en 1803, il découvre en collaboration avec Gaspard-Laurent Bayle, la lésion fondamentale et pathologique de la tuberculose: le tuberculome.

En 1804, il lit une note sur la classification des lésions anatomiques à la société de l' École de Médecine. Dupuytren veut s'attribuer l'idée de son benjamin. Il en naîtra une regrettable polémique entre les deux hommes. En 1806 il enseigne l' anatomo-pathologie. "…Je crois que cette étude (la méthode anatomo-clinique) est la seule basedes connaissances positives en médecine, et qu'on ne doit jamaisla perdre de vue dans les recherches étiologiques sous peinede poursuivre des chimères " écrira-t-il…
Cette attitude, d'une exigence absolue, n'assécha en rienle coeur de cet homme d'une bonté et d'une charité légendaires qui ne perdit jamais de vue que ses efforts avaient pour objectif final le soulagement des détresses de l'humanité.

Nommé médecin-chef à l'hôpital Necker en 1815, personne ne se doute que ce jeune provincial va découvrir quelques semaines plus tard le procédé de l'auscultation médiate - c'est à dire par l'intermédiaire d'un instrument - par opposition à l' ausculation immédiate où l'oreille est appliquée directement sur la poitrine du patient. Il contribue ainsi à une transformation majeure de la médecine.
Laennec avait pris connaissance de la traduction en français par Corvisart de l’opuscule “Inventum novum”, paru en latin en 1761 par Léopold Auenbrugger, l'inventeur de la percussion. Laennec en comprit l’importance,  mais en perçut aussi les limites. Le jour où il compléta la percussion par l’auscultation, un pas gigantesque venait d’être franchi: on “examinait” les malades, on ne se contentait plus des les “observer”.

Il ne veut pas d'un nombreux public,  ses assistants sont en petit nombre. Lorsqu'il visite ses malades en salle, c'est avec soin et précautions qu'il refait lui-même toutes les observations.

Le "pectoriloque" ou stéthoscope:

Un jour de 1816, il est consulté par une jeune personne : " Je fus consulté en 1816 par une jeune personne qui présentait des symptômes généraux d'une maladie de cœur et chez laquelle l'application de la main et la percussion donnaient peu de résultats à cause de l'embonpoint. L'âge et le sexe de la malade m'interdisant l'espèce d'examen dont je viens de parler, je vins à me rappeler un phénomène d'acoustique fort connu : si l'on applique l'oreille à l'extrémité d'une poutre , on entend très distinctement un coup d'épingle donné à l'autre bout. J'imaginais que l'on pourrait peut-être tiré parti de cette propriété des corps. Je pris un cahier de papier, j'en formai un rouleau dont j'appliquai une extrémité sur la région précordiale, et posant l'oreille à l'autre bout je fus aussi surpris que satisfait d'entendre les battements du coeur d'une manière beaucoup plus nette et plus distincte que je ne l'avais jamais fait par application directe de l'oreille."
En amplifiant les bruits de l'auscultation grâce à l'invention d'un instrument,  Laënnec a donné naissance au  stéthoscope.
Avec Laënnec, les cliniciens pour la première fois apprenaient à se servir de leur oreille. Le médecin consigna alors la théorie stéthacoustique et ses applications pour la pratique. Il note avec soin tout ce qu'il entend, il analyse les bruits et établit une coïncidence entre les symptômes cliniques et les constatations faites par autopsies.
En 1819, il écrivait à un ami : "Le livre que je vais publier sera, je l'espère, assez utile tôt ou tard pour valoir mieux que la vie d'un homme et en conséquence mon devoir était de l'achever quelque chose qui pût m'arriver."
Ce livre : "De l'auscultation médicale" ou "Traité du diagnostic des maladies des poumons et du coeur fondé principalement sur ce nouveau moyen d'exploration" - est prodigieux de précision et de découverte. En le lisant on y retrouve parfois sans modifications les questionsde concours, telles qu'elles sont présentées de nos jours. Il étudie la pneumonie : " Le râle crépitant est le signe pathognomonique de l'engouement inflammatoire du poumon. Ce signe présente alors l'image de bulles très petites très égales entre elles, et il parait très peu humide. Ces caractères sont d'autant plus saillants quele point enflammé est plus voisin de la surface du poumon."
Lorsqu'il eut connaissance de la découverte de Laennec, Châteaubriand, écrivit: "Au moyen d'un tube appliqué aux parties extérieures du corps, notre savant compatriote breton, le docteur Laënnec est parvenu à reconnaître par la nature du bruit de la respiration, la nature des affections du coeur et de la poitrine. Cette belle et grande découverte fera époque dans l'histoire de l'Art. Si l'on pouvait inventer une machine pour entendre ce qui se passe dans la conscience des hommes, cela serait bienutile au temps où nous vivons. C'est dans son génie quele médecin doit trouver le remède, a dit un autre médecindans ses ingénieuses maximes, et l'ouvrage du docteur Laënnecprouve la justesse de ses observations."

En août 1822, il fait sa première leçon au Collège de France. Après le silence de la recherche, il évoque les combats contre les faux savants. Grand défenseur de la méthode anatomo-clinique, il nomme Paracelse et c'est Broussais qu'il veut atteindre. Mais le public a déjà choisi, le commun s'y laisse toujours prendre. Broussais est fait pour la foule par sa robustesse, ses accents violents, sa publicité tapageuse. Laënnec, lui, est fait pour la solitude, car plus fragile, de grande culture, plus fin deraisonnements et de plus parfait équilibre. C'est finalementlui qui recevra les palmes tant ses études solitaires et prolongéesont été guidées par une logique et une honnêtetéméfiante et scrupuleuse.

En 1823, il est titulaire de la chaire de Clinique médicale à la Faculté de Médecine de Paris. Il enseigne sans soucis oratoires et sans désir de plaire. Il est également membre de l'Académie Royale de Médecine et membre de la Commission chargée de réorganiser la faculté de Médecine.

Dans la deuxième édition de son livre en 1826, la préface s'adresse à ses principaux contradicteurs. Attaquant et se comparant à Broussais, il énonce quels buts il a toujours poursuivis :
1 . Distinguer sur le cadavre un cas pathologique aux caractères physiques que présente l'altération des organes.
2. Le reconnaître sur le vivant à des signes certains et autant que possible physiques et indépendants de symptômes, c'est-à-dire des troubles variables des actions vitales qui l'accompagnent.
3. Combattre la maladie par les moyens que l'expérience amontré les plus efficaces.

Il vivra comblé de reconnaissance et d'honneur par ses élèves, ses confrères, des amis comme Madame de Staël, Châteaubriand, la Duchesse de Berry qui le prit pour médecin personnel et bien d'autres.

Malheureusement cette vie exemplaire sera fauchée à 45 ans.
Malade, il quitte Paris pour la Bretagne et meurt dans la maisonfamiliale, le manoir de Kerlouanec, le 13 août 1826, probablementd'une tuberculose dont il avait enseigné le diagnostic, contractée au cours de ses dangereuses investigations.

Dans son testament on peut lire ce qu'il léguait à un ami: " Je lui donne ma montre, mes breloques, ma bague. Je lui donne aussi mon stéthoscope, la meilleure partie de ma succession."

En 1879, l'hospice des incurables prend le nom d'hôpital Laënnec ; c'était la première fois en France qu'un hôpital recevait le nom d'un médecin. Six ans plus tard, un hôpital recevait le nom de Broussais comme si par ce geste on eut voulu apaiser les discordes en offrant à deux hommes aussi différents le même laurier.