NOUVELLE  BIOGRAPHIE  NATIONALE

Académie Royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique

Tome 8, pp. 15-17; 2005

AUBERT, Xavier, Marie, Joseph, Laurent, Michel, Ghislain, physiologiste, membre de l'Académie royale de Médecine, né à Ixelles (Bruxelles) le 23 octobre 1919, décédé à Ottignies-Louvain-la-Neuve le 6 juin 1998.

Xavier Aubert est le neveu, par sa mère, de l'égyptologue Jean Capart. Il fit de brillantes études au Collège Saint-Boniface, à Ixelles, et s'inscrivit en 1935 à la Faculté de Médecine de l'Université catholique de Louvain (UCL). Très intéressé par la recherche fondamentale, il entra dès sa seconde candidature au laboratoire de physiologie dirigé par le professeur Joseph Prosper Bouckaert. Celui-ci orienta Xavier Aubert vers l'étude des échanges d'énergie associés à la contraction musculaire. Ses premiers travaux de recherches, menés tout en continuant les études de médecine, valurent à Xavier Aubert d'être lauréat du Concours universitaire en 1942, année où il fut proclamé docteur en médecine.

Nommé aspirant du Fonds national de la Recherche scientifique (FNRS) en 1943, Aubert commença une série d'expériences sur l'énergétique musculaire, combinant mesures mécaniques et thermiques. En même temps, il s'inscrivit à la première candidature en physique. L'occupant aIlemand ayant décrété que l'obtention d'un grade académique devait être liée à six mois de travail volontaire en AIlemagne, Xavier Aubert présenta avec succès tous les examens sauf un et ne fut donc pas proclamé. Il suivit ensuite en élève libre les cours de la seconde candidature. De cette époque date son aisance remarquable à utiliser l'outil mathématique dans l'analyse et l'interprétation des résultats expérimentaux. En 1945, il épousa Antoinette Dalcq, licenciée en mathématiques et fille d'Albert Dalcq, professeur d'anatomie et d'embryologie à l'Université libre de Bruxelles (ULB). Cette même année, il fut nommé chargé de recherches du FNRS, poste qu'il occupa jusqu'à sa nomination comme chef de travaux, à l'UCL (1946-1956).

En 1949-1950, il fit plusieurs séjours au laboratoire du professeur Archibald V. Hill, Prix Nobel, à l'University College London où il démontra que l'énergie mécanique exercée sur un muscle étiré par une force extérieure, n'est pas dissipée en chaleur. Cette observation le conduisit à postuler la réversibilité du couplage chimio-mécanique de la contraction musculaire. Vingt ans plus tard, cette prédiction se trouva confirmée par les travaux biochimiques sur la cinétique de l'activité ATPasique de l'actomyosine. Le séjour à Londres permit à Xavier Aubert d'acquérir une maîtrise exceptionnelle dans les mesures dynamiques de très faibles productions de chaleur par les organes vivants.

En 1956, il défendit sa thèse d'agrégation de l'enseignement supérieur, intitulée Le couplage énergétique de la contraction musculaire. Cette thèse présente une analyse extrêmement détaillée de la production d'énergie mécanique et thermique liée à la contraction. Elle fut un ouvrage de référence dans le domaine et citée sans interruption (dernière citation recensée en 2003). Cette thèse introduisit la notion de « chaleur stable » qui décrit la production thermique continue durant le maintien d'une contraction tétanique. Xavier Aubert observa que la production de chaleur stable décroît linéairement quand la longueur de contraction augmente. Il interpréta cette relation dans le cadre de la toute récente théorie des filaments glissants, proposée en 1954, par Jean Hanson et Hugh Huxley. Cette théorie est maintenant universellement acceptée comme le mécanisme fondamental de la contraction musculaire. Xavier Aubert fut le premier à lui apporter une confirmation expérimentale dans le domaine de l'énergétique. Avec Alfred Fessard (Collège de France) et Richard Keynes (Université de Cambridge), Aubert étudia la production de chaleur associée à la décharge électrique des poissons-torpilles, paradigme des phénomènes de bio-électrogenèse.

Xavier Aubert fonda, en 1961, le laboratoire de physiologie générale des muscles de l'UCL, qu'il dirigea jusqu'à son éméritat (1985). Les principales lignes de recherches concernèrent l'énergétique musculaire (aspects biophysiques et biochimiques), le rôle du calcium dans le contrôle de la contraction, les mécanismes de la régénération musculaire. A ces travaux portant essentiellement sur les muscles striés de vertébrés, il faut ajouter ceux concernant les contractions toniques des muscles d'invertébrés. Ses principaux collaborateurs furent Georges Maréchal, Jean-Marie Gillis, Fernand Baguet, Anne Godfraind-De Becker et Jean Lebacq. La direction assurée par Aubert fut caractérisée par une très grande exigence de rigueur scientifique alliée à une très grande liberté d'initiative et de discussion laissée à ses collaborateurs.

Xavier Aubert fut nommé chargé de cours à l'UCL en 1956 et professeur ordinaire en 1960; il fut doyen de la Faculté de Médecine de 1967 à 1970 et membre du conseil d'administration de l'UCL, en tant que conseiller scientifique, de 1971 à 1980. Il fut élu membre correspondant de l'Académie royale de Médecine en 1969 et membre titulaire en 1974. Il démissionna de ce poste lors de son éméritat et fut nommé membre honoraire en 1987. En 1974, il fut titulaire de la Chaire Francqui, à l'ULB. Il fut membre de la commission de Physiologie du FNRS, de 1965 à 1985.

Les charges d'enseignements assurées par Xavier Aubert concernèrent principalement la physiologie générale en 2e candidature en médecine et la physiologie humaine en 2e candidature en psychologie. Il créa des enseignements très appréciés sur l'application des statistiques et de la modélisation mathématique dans la recherche biomédicale, pour la licence en sciences biomédicales. Il fut un enseignant enthousiaste, soucieux d'une mise à jour régulière du contenu, attendant de ses étudiants implication intellectuelle et vivacité d'esprit; il fut longtemps un président de jury hautement respecté par ses pairs pour son équité et ses avis judicieux.

Xavier Aubert fut membre de diverses sociétés scientifiques: la Société belge de Physiologie, la Société belge de Biophysique, la Physiological Society, l'Association des Physiologistes. Il fut membre du conseil de l'International Union of Physiological Sciences (1980-1986) et éditeur de l'European Journal of Physiology (Pflügers Archiv). Ces travaux lui valurent le Prix Gluge (1952) et le Prix Van Helmont (1957).

Xavier et Antoinette Aubert eurent cinq enfants: Marie (géologue), Catherine (violoniste), Geneviève (médecin, professeur à l'UCL), Françoise (psychologue) et Xavier (ingénieur).

Archives de l'Académie de Médecine, à Bruxelles.

Archives de l'Académie royale de Belgique, à Bruxelles.

M. Meulders, Eloge académique du professeur Xavier Aubert, dans Bulletin et Mémoires de l'Académie royale de Médecine de Belgique, t. 154, 1999, p. 367 - 372, portrait photographique.

Jean-Marie Gillis