Mémorial Léon H. Dupriez
Université catholique de Louvain
(Belgique)
"[…] le postulat de toute
explication des rapports économiques entre les hommes se trouve
dans le concept d'équilibre économique : il est aussi nécessaire
à l'économie objective que le principe économique
l'est à l'économie subjective."
" […] les propositions
d'équilibre, dont le contenu concret est le plus varié, embrassent
toutes les tendances des actes des sujets économiques à se
plier à des cohérences ; or, celles-ci requièrent
une compatibilité logique des rapports abstraits qui servent à
les expliquer. Dans le fait, les rapports réciproques ne peuvent
pas assumer n'importe quelle valeur sans susciter de redressements. Il
se dégage des normes d'attraction, des lieux de cohérence
des finalités économiques, que nous exprimons sous la forme
de relations mutuelles vers lesquelles les faits tendent."
"[La cohérence
tendancielle] repose essentiellement sur des processus d'adaptation résultant
d'actes humains dominés par leurs motivations économiques.
Elle établit que, puisque le non-équilibre est actuel par
rapport aux objectifs, les hommes agissent, dans leur intérêt,
de manière telle que le système social tende vers la cohérence
; cette incitation est d'autant plus urgente que le non-équilibre
est plus grand."
"Interprété
par les équilibres tendanciels, l'ordre historique et statistique
ne peut se comprendre comme une succession mathématique de rapports
découlant les uns des autres. Une telle succession implique, en
effet, un enchaînement causal des phénomènes successifs,
une explication mécaniciste des faits constatés, liant univoquement
les conséquents aux antécédents. Les équilibres
tendanciels de l'ordre humain sont marginalistes […]"
"Dans sa forme
même, l'analyse marginaliste est dominée par une notion logique
de la plus haute importance : le principe même de tout mouvement
est le rapport vers lequel le sujet tend, le terminus ad quem; c'est
lui qui explique ce que l'on fait : la pensée économique
est téléologique. Il n'y a trace, ni dans l'interdépendance
générale, ni dans les équilibres particuliers […]
du concept du l'impetusqui domine le monde physique"
"Partant de ces
notions essentielles, la méthode d'interprétation basée
sur la cohérence universelle des rapports qui tendent à s'effectuer,
s'exprimant abstraitement en termes d'équilibres tendanciels, tranche
sur diverses autres formes d'abstraction. Celles-ci ne peuvent être
utilisées concurremment dans l'analyse d'un même devenir,
d'un même réseau d'enchaînements, sans pécher
contre la logique. La contradiction porte sur toutes les méthodes
qui raisonnent en termes de rapports réalisés, de cohérences
instantanées, conformes aux mensurations statistiques. De tels rapports
ne sont pas téléologiques : lorsque l'économiste s'en
sert, la nature même de l'explication change. Les explications par
les flux, à la manière physiocratique, lorsqu'elles dépassent
la pure description des structures, sont de cet ordre ; les "équilibres
mouvants", de conception plus récente, contredisent encore plus
nettement la nature téléologique de l'équilibre ;
les "équilibres intertemporels" leur sont apparentés. Tous
impliquent un mécanicisme des relations vantées et se préoccupent
des modes de rupture de l'ordre instantanément établi ou
de la préservation de celui-ci contre la rupture.
A vrai dire, toutes ces méthodes, et d'autres communément en usage aujourd'hui, cherchent à ramener l'explication de l'économique à des rapports déterminés entre antécédents et conséquents : les états économiques successifs s'enchaînent, dans le temps, selon les normes d'un déterminisme économique.
Ce mode de pensée détruit les réseaux marginalistes d'interdépendance, surtout celui de l'interdépendance générale, en tant que procédés de rationalisation du devenir. […]"
Le mode d'exposition marginaliste
est donc la méthode déductive rigoureusement appropriée
à une téléologie."
< Le troisième pilier de la conception épistémologique de L. H. Dupriez |
Affiché le 21 mars
2000
page : Université
catholique de Louvain|
ECON
Dept |
IRES Center for Economic
Research