L’écran et la scène sont deux concepts fondamentaux des domaines disciplinaires de notre école doctorale thématique. D’aucuns y recourent d’ailleurs pour les distinguer et les identifier précisément : d’un côté, le cinéma et, plus largement, les arts de l’écran ; de l’autre, le théâtre et, au-delà, les arts de la scène. Cette distinction en entraîne d’autres : l’absence vs la présence, la reproductibilité technique vs la rencontre unique, la fenêtre ouverte sur un ailleurs vs l’illusion hic et nunc, la « suspension consentie de l’incrédulité » vs la puissance du trompe-l’œil, etc.
Aussi stimulante soit-elle, l’opposition mérite d’être interrogée quant à sa validité. On sait tout ce que la naissance du cinéma doit au dispositif de la scène et combien ce dispositif demeure structurant dans certaines esthétiques cinématographiques contemporaines. Réciproquement, la scène contemporaine est littéralement envahie par les écrans les plus divers et l’apparition du cinéma a, comme y insistait déjà Walter Benjamin, imposé au théâtre de se réinventer.
Plutôt que d’étudier, comme cela a souvent été fait, les phénomènes d’échanges et d’emprunts qu’on peut repérer entre les arts de la scène et les arts de l’écran, le projet de ce séminaire est de penser la scène et l’écran comme des dispositifs de visibilité tous deux opératoires tant pour les études cinématographiques que pour celles qui concernent les arts de la scène, ces dispositifs générant des logiques précises, mais multiples, que l’on s’attachera à inventorier.
Dans cette perspective intermédiale, on mettra plus particulièrement l’accent sur le concept de projection, car celui-ci nous semble capable d’articuler les rapports entre cinéma et arts de la scène selon trois grandes dimensions qu’il conviendra d’explorer plus profondément : la dimension performative (la projection comme performance), la dimension poétique (la projection comme dispositif esthétique œuvrant aussi bien sur scène que dans les films eux-mêmes par des effets d’enchâssement et de spécularité), la dimension archéologique (dans le sens d’une archéologie des médias qui serait attentive non pas seulement aux projections cinématographiques, mais aussi aux projections des lanternes magiques ou aux projections d’ombres qui entretiennent dès le départ un lien étroit avec les arts de la scène).
La perspective se veut donc résolument intermédiale voire transmédiale. Plutôt que d’aborder la triade Scène, écran, projection dans la perspective de l’adaptation (qui identifie des arts distincts et analyse les modalités du passage de l’un à l’autre), on tentera de cerner diverses modalités du faire image via la projection, qui traverse les productions qui font l’objet de nos deux domaines d’études (cf. le titre de notre EDT) et de voir comment elles en problématisent les contours, quelles circulations elles établissent, quelles distinctions elles autorisent, quelles résistances elles produisent.
Organisation
Ce séminaire est organisé par Jonathan Châtel (CET, Centre d’études théâtrales, UCLouvain), Sébastien Févry (GIRCAM, Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur les Cultures et les Arts en Mouvement, UCLouvain), Philippe Marion (GIRCAM, UCLouvain) et Pierre Piret (CET, UCLouvain).
Programme revu
Mardi 10 décembre 2019 (14-18 heures), Salle Ladrière, collège Mercier a 124, Place Cardinal Mercier – 1348, Louvain-la-Neuve
14h00 : Introduction par les organisateurs du séminaire
14h55 : Philippe Marion (UCLouvain) : Le « défilement » de séquences d’images fixes ou animées au xixe et au début du xxe siècle
15h50 : Pause
16h10 : Annaelle Winand (doctorante UDEM, Montréal) : Penser l’inarchivé et l’inarchivable à partir du cinéma de réemploi
17h05 : Alice Michaud-Lapointe (doctorante UDEM, Montréal) : Images et projections fantômales : interroger le concept de spectralité cinéphilique dans le cinéma contemporain
Mardi 18 février 2020 (14-18 heures), Salle Ladrière, collège Mercier a 124, Place Cardinal Mercier – 1348, Louvain-la-Neuve
14h00 : Pierre Piret (UCLouvain) : Projection et perception : sur Les Aveugles, fantasmagorie technologique de Denis Marleau
14h55 : Delphine Gleizes (Université de Grenoble) : Éléments pour une archéologie de l’écran (XVIIIe-XIXe siècles)
15h50 : Pause
16h10 : Elise Deschambre (doctorante UCLouvain) : Texte dramatique, écran et projection. Le drame travaillé par les nouvelles technologies et le cinéma : Ctrl-X et Bois Impériaux de Pauline Peyrade
17h05 : Thomas Van Deursen (doctorant ULB) : Identité(s) de projection(s)
Mardi 13 octobre 2020 (14-18 heures), Salle Ladrière, collège Mercier a 124, Place Cardinal Mercier – 1348, Louvain-la-Neuve
14h00 : Sébastien Févry (UCLouvain)
14h55 : Michèle Fornhoff-Levitt (doctorante ULB) : La projection identitaire dans Le dibouk de S. Anski : essai comparatif entre les versions cinématographique et théâtrale
15h25 : Adeline Werry (doctorante UCLouvain): Les vues pour projections lumineuses : de la plaque de verre à la performance
16h05 : Pause
16h30 : François Puraye (master ULiège) : Le MLB d’Eisenstein : la projection comme pulsion régressive
17h00: Yanara Guayasamin (doctorante ULiège et INSAS) : Les possibilités expressives de la fusion du théâtre et du cinéma documentaire
Mardi 1er décembre 2020 (14-18 heures), Salle du conseil de la Faculté de philosophie, arts et lettres, collège Erasme, Place Cardinal Mercier – 1348, Louvain-la-Neuve (rez-de-chaussée)
14h00 : Jonathan Châtel (UCLouvain) : L’esthétique de l’absence de Heiner Goebbels
14h55 : Jean-François Peyret (artiste) : Arts de la scène et nouvelles technologies (corps en scène, imaginé, projeté)
15h50 : Julie Feltz (doctorante UCLouvain) : Écrans et projections dans des spectacles pour adolescents
16h20 : Pause
16h40 : Dominique Mesa (doctorante ULB), The Cave de Steve Reich & Beryl Korot. Proposition polysémique de la notion de projection (images, sons et imaginaires)
17h10 : Talheh Daryanavard (doctorant ULB)
17h40 : Chrétien Ekumé (doctorant UCLouvain)
Contact :
Pierre Piret : pierre.piret.rom@uclouvain.be
0475 48 31 88