Auteur(s) : Charles SEGAL (Brown Univ., Providence, USA)
Titre : Mariage et sacrifice dans les Trachiniennes de Sophocle
Revue : L’Antiquité Classique
Volume : 44
Date : 1975
Pages : 30-53


Résumé :
Le mariage et le sacrifice constituent le champ où les deux protagonistes des Trachiniennes, Héraclès et Déjanire, doivent marquer les limites qui défendent la vie civilisée contre la sauvagerie, la violence, le désordre bestial. Mais l’ironie tragique de la pièce crée un renversement des éléments opposés. Héraclès, vainqueur des bêtes, est vaincu par l’homme-bête, Nessos ; au cours de son sacrifice corrompu, au Cap Kénaeon, il devient lui-même victime animale. Déjanire, en protégeant sa maison, emploie un élément qui représente, en fait, une négation de la modération et de l’ordre civilisé. Cependant, dans la dernière scène, le feu impur du Kénaeon fait place au feu du bûcher sur l’Oeta : ici, Héraclès n’abandonne pas son statut d’homme pour celui d’une bête, mais bien pour celui d’un dieu. La métaphore du « frein d’acier » pour décrire son silence héroïque (1261) montre en lui un vrai héros civilisateur. Déjanire, elle aussi, trouve une mort héroïque. Mais pour les autres, notamment pour Hyllos, le dessein de Zeus dont parle le dernier vers reste confus et obscur. La transcendance finale d’Héraclès est ainsi pénétrée par l’immanence de la souffrance humaine : il y a là un élément fondamental de la tragédie sophocléenne.