Tumeurs hépatiques de l'enfant

(hépatoblastome, hépatocarcinome, sarcome embryonnaire indifférencié, hamartome, Hémangioendothéliome , Hyperplasie focale nodulaire, adénome)


  1. Hépatoblastome [MIM 114 550]

Représente 1 à 2% des tumeurs malignes de lenfant. Mutation somatique du gène APC (5q22.2). Tumeur dorigine embryonnaire qui atteint principalement lenfant de moins de 2 ans. Elle est souvent associée à une malformation somatique comme :

Les facteurs de risque sont une naissance prématurée (<1500 g), une polypose rectocolique familiale, un tabagisme durant la grossesse et une prééclampsie. Mais aussi : le syndrome de Li Fraumeni (voir ce terme) ou la trisomie 18.

Les signes sont en général une masse abdominale peu symptomatique découverte par hasard. La douleur et lictère sont rares. La présentation sous forme dhémorragie intra-tumorale ou de rupture intra-péritonéale (à loccasion dun traumatisme) est exceptionnelle.

Une augmentation massive du taux sérique dα-fœtoprotéine est observée dans 75% des cas. Il peut exister des métastases pulmonaires. Deux syndromes paranéoplasiques sont parfois observés :

Selon lhistologie, on distingue :

Le traitement consiste en plusieurs cures de chimiothérapie (cisplatine, doxorubicine) suivies de la résection chirurgicale ou dune transplantation hépatique si la tumeur nest pas résécable (PRE-TEXT IV).


  1. Hépatocarcinome : [MIM 114 550]

Tumeur rare chez lenfant. Sa fréquence augmente avec lâge. Mutation somatique du gène CASP8 (2p33.1), CTNNB1 (3p22.1), PIK3CA (3q26.32, MET (7q31.2), PDGFRL (8p22), AXIN1 (16p13.3) ou TP53 (17p13.1).  Elle survient parfois sur un terrain cirrhotique : hépatite B ou C, tyrosinémie I, glycogénose Ia (voir ces termes).

Les signes consistent en général en une masse abdominale douloureuse avec altération de létat général. Laugmentation du taux sérique dα-fœtoprotéine est moins importante et moins fréquente quen cas dhépatoblastome. Deux syndromes paranéoplasiques peuvent être observés :

Le pronostic est moins bon que celui de lhépatoblastome et la chimiothérapie est moins efficace. Le traitement consiste en une résection chirurgicale ou une transplantation hépatique si la tumeur nest pas résécable.


  1. Hépatocarcinome fibrolamellaire

Rarissime : représente 1 à 9% des tumeurs hépatiques. Variante histologique de lhépatocarcinome, dévolution très lente et qui se développe sur un foie sain. Les cellelues tumorales expriment en quantités importantes la protéine chimérique DNAJB1-PRKACA suite à une délétion au niveau du chromosome 19. Les taux sanguins de transcobalamine I et ou II sont élevés, ce qui permet de suivre lévolution de la tumeur.


  1. Sarcome embryonnaire indifférencié

Tumeur rare de lenfant de 6 à 10 ans. Il sagit dune masse abdominale dallure kystique. Le pronostic est sévère : métastases pulmonaires, pleurales, péritonéales fréquentes.


  1. Tumeur rhabdoïde du foie [MIM 609 322, 613 325]

Très rare. En général chez le nourrisson ou le petit enfant. Tumeur sarcomateuse très agressive. Mutation germinale (transmission autosomique dominante dune prédisposition familiale aux tumeurs rhabdoïdes) ou somatique du gène SMARCB1 (22q11.23).


Pour toutes ces trois types de tumeurs malignes du foie, la mise au point radiologique permet un bilan dextension pré-et post-chimiothérapie en fonction du nombre de secteurs hépatiques envahis, de lenvahissement des vaisseaux, dune extension extrahépatique et de la présence de métastases : bilan PRET-EXT et POST-TEXT (SIOPEL)

Les éléments suivants permettent d'affiner la stadification :



Traitements possibles : cures de chimiothérapie suivies dune hépatectomie plus ou moins étendue, chimioembolisation de la tumeur, embolisation préopératoire, transplantation hépatique.


  1. Hamartome mésenchymateux (Maladie des complexes de von Meyenburg)

Représente environ 8% des tumeurs hépatiques de lenfant. Tumeur bénigne solide qui apparaît généralement avant lâge de 2 ans. Elle est associée à une mutation du gène MALAT1(11q13), C19MC (19q13.4) ou, plus rarement, dune mutation germinale ou somatique du gène DICER1 (14q32.13) (voir ce terme). Elle est soit appendue à un lobe hépatique (photo) soit bien encapsulée dans le foie.

En cas de multiples micro-hamartomes biliaires localisés dans les régions sous-capsulaires, on parle de maladie des complexes de von Meyenburg : ces lésions sont bénignes et se composent de petits canaux biliaires au sein dun stroma fibreux fréquemment hyalinisé. Ils sont souvent asymptomatiques et ne nécessitent aucun traitement.



  1. Hémangio-endothéliome

Tumeur vasculaire qui apparaît durant les 6 premiers mois de vie puis présente une phase de croissance de 6 à 8 mois avant de se stabiliser puis dentamer une régression spontanée lente à partir de lâge de 18 mois-2 ans jusque vers 6-8 ans. Cest une lésion multifocale souvent accompagnée de lésions cutanées qui se présente sous la forme dune hépatomégalie mais qui entraîner une décompensation cardiaque. À lheure actuelle, le propranolol (associé ou on à la corticothérapie) est utilisé avec succès à la dose de 2 à 3,5 mg/kg/jour. On évite si possible la chirurgie (en général, la transplantation hépatique) qui est très hémorragique et grevée dune mortalité et dune morbidité importantes.


  1. Adénome

Tumeur bénigne, en général unique mais qui peut être multiple (« adénomatose hépatocellulaire ») qui est une complication tardive de la glycogénose Ia (une transformation maligne est possible en cas de mutation somatique du gène IGF2R (6q25.3)) III (maladie de Cori) ou IV, et de la â-thalassémie. Facteurs favorisants : diabète MODY 3, fistule portosystémique congénitale, utilisation dandrogènes anabolisants ou de contraceptifs oraux, polypose adénomateuse familiale, syndrome de Klinefelter.

Traitement : surveillance, risque de transformation maligne (10%).


  1. Hyperplasie focale nodulaire

Tumeur bénigne non évolutive, plus fréquente chez ladolescente. Elle serait peut-être la conséquence d'une hypervascularisation localisée du foie. Chez la femme adulte, elle serait favorisée par la contraception orale.


Implications anesthésiques

-        en cas de chimiothérapies préopératoires : contrôle de lhémogramme et de lhémostase mais aussi ECG et échocardiographie pour vérifier la fonction myocardique.

-        voir les examens préopératoires (échographie, CT-scan, parfois cavographie) nécessaires pour connaître lanatomie précise, la vascularisation de la tumeur et ses rapports avec les gros vaisseaux, à la recherche d'une compression ou d'un envahissement de la veine cave inférieure (VCI).

-        induction  inhalatoire ou intraveineuse ; utiliser une sonde endotrachéale à ballonnet pour éviter des problèmes ventilatoires lors de la pose des écarteurs abdominaux. Lentretien est assurée par une ventilation contrôlée avec une PEP à laide dun mélange O2/air associé à  lisoflurane ou au sévoflurane et un morphinique (fentanyl, sufentanil, en bolus répétés ou en perfusion continue).

-        la fonction hépatique est habituellement normale (sauf en cas de cirrhose préexistante) et sil ny a pas de troubles de coagulation, lassociation dune anesthésie générale et dune péridurale thoracique basse donne dexcellents résultats. Il faut cependant garder à lesprit quen cas dhépatectomie étendue une insuffisance hépatique plus ou moins importante, avec troubles modérés de lhémostase et diminution des capacités métaboliques du foie, est inévitable durant les premiers jours postopératoires. Le rapport risque/bénéfice de la technique doit donc être évalué de manière individualisée

-        monitorage invasif pour évaluer et compenser les pertes et les conséquences métaboliques dune hépatectomie : mesure invasive de la pression artérielle, cathéter veineux central, sonde urinaire. Il est préférable de placer les voies veineuses aux membres supérieurs pour pouvoir continuer à assurer un remplissage vasculaire efficace en cas de clampage de la VCI. En cas dextension intravasculaire tumorale de la VCI ou de loreillette droite (OD), lintervention chirurgicale est généralement réalisée sous circulation extra-corporelle (CEC).

-        pour faciliter la dissection chirurgicale, il est important déviter un remplissage vasculaire trop important car cela augmente la turgescence du réseau porte et de la VCI et donc le risque de saignement. Le remplissage est guidé par la valeur de pression artérielle systolique PAs et les variations de son pic avec la ventilation contrôlée mais aussi par lobservation du champ opératoire car certaines modifications sont dues aux manoeuvres chirurgicales : mobilisation du foie ou compression dun gros vaisseau..

-        en cas de clampage des vaisseaux du hile hépatique ou dexclusion vasculaire du foie (clampage des vaisseaux du hile et de la veine cave inférieure supra- et intra-hépatique), le chirurgien doit dabord procéder à un essai de clampage pour en observer les conséquences hémodynamiques et permettre dadapter le remplissage de lenfant avant le clampage définitif. Le clampage du hile est habituellement bien toléré si lenfant nest pas hypovolémique mais lexclusion vasculaire requiert parfois ladministration de noradrénaline. Si un clampage prolongé est prévu, il est préférable de linterrompre toutes les 15-20 minutes pour diminuer les séquelles ischémiques au niveau hépatocytaire.

-        un risque dembolie gazeuse ou tumorale est présent durant toute lintervention, particulièrement durant la dissection et au moment du déclampage des vaisseaux hépatiques.

-        cas particulier : la résection ex-situ de la tumeur (rare) : le foie est retiré en entier du patient (hépatectomie totale) et disséqué dans un liquide de conservation glacé pour pouvoir en ôter la masse tumorale. Étant donné labsence dhypertension portale, il faut alors prévoir une circulation extracorporelle partielle veino-veineuse pour maintenir le débit cardiaque durant cette phase danhépatie. On peut par exemple utiliser un introducteur de Swan Ganz 8 Fr placé dans une veine jugulaire interne : le bras latéral peut en être connecté stérilement au circuit de CEC héparinisé après cannulation des veines fémorale et porte, pour assurer le retour veineux splanchnique et des membres inférieurs au cœur.


Un ictère et/ou de lascite  peuvent se constituer durant les 2 à 5 premiers jours postopératoires.

Dautres complications hépatiques sont possibles:


Références : 

-         Mazereeuw-Hautier J, Hoeger PH, Benlarech S, Ammmour A, Broue P et al
Efficacy of propranolol in hepatic infantile hemangiomas with diffuse neonatal hemangiomatosis.
J Pediatr 2010 ; 157:340-2.

-        Markiewicz-Kijewska M, Kasprzyk W, Broniszczak D, Bacewicz L, Ostoja-Chyzynska A, Ismael H, Kosciesza A et al
Hemodynamic failure as an indication to urgent liver transplantation in infants with giant hepatic hemangiomas or vascular malformations: report of four cases.
Pediatr Transplant 2009; 13:906-12.

-        Przybylo HJ, Stevenson GW, Backer C, Luck SR, Webb CL, Morgan E, Hall SC.
Anesthetic management of children with intracardiac extension of abdominal tumors.
Anesth Analg 1994; 78:172-5.

-        Lentschener C, Ozier Y.
Anaesthesia for elective liver resection : some points should be revisited.
Eur J Anaesthesiol 2002; 19:780-8.

-        Dorman F, Sumner E, Spitz L.
Fatal intraoperative tumor embolism in a child with hepatoblastoma.
Anesthesiology 1985; 63:692-3.


Mise-à-jour juillet 2020