Tétrahydroptérine, déficit en

[MIM 261 630]

Voir aussi Phénylcétonurie

  1. Formes avec hyperphénylalaninémie ou Phénylcétonurie type 2


Transmission autosomique récessive dune mutation dun des gènes qui assurent la synthèse ou la régénération de la tétrahydrobioptérine (BH4),  un cofacteur de la phénylalanine hydroxylase, de la tyrosine hydroxylase,  de la tryptophane hydroxylase (2 isoformes), de lalkylglycérol mono-oxygénase,  et de la NO synthase (3 isoformes): ce sont GCH1 (GTP cyclohydroxylase I en 14q22.2) [MIM 233 910], PTS (6- pyruvoyl-tétrahydroptérine synthase en 11q23.1) (54%)[MIM 261 640], PCBD (ptérine-4á-carbinolamine déhydratase en 10q22.2 [MIM 264 070], ou QDPR (dihydroptéridine réductase en 4p15.32) (33%) [MIM 261 630].

Le déficit en BH4 dû à une mutation dun de ces gènes provoque une forme de phénylcétonurie (1-2% des cas), car outre lhyperphénylalanémie le dysfonctionnement de toutes ces enzymes entraîne un déficit en neurotransmetteurs monoaminergiques : dopamine, sérotonine et NO.

La phénylcétonurie fait l'objet d'un dépistage systématique quelques jours après la naissance (test de Guthrie). En cas de taux pathologique de Phe, un test de réponse à ladministration orale de BH4 est réalisé: 20 mg/kg/j pendant 48h. Si on observe une diminution des taux sanguins de Phe de > 30% du taux initial, un traitement à base de BH4 et dun régime (souvent moins sévère quen cas de phénylcétonurie classique type 1) proposé.


Sans traitement, cette forme dhyperphénylalaninémie entraîne :

-        une hypotonie et un retard mental sévère

-        une dystonie, un tremblement au repos, des mouvements désordonnés, une rigidité extrapyramidale avec bradykinésie

-        des troubles du comportement : hyperactivité, troubles de lattention, anxiété, troubles obsessionnels compulsifs, psychose,

-        des troubles du sommeil, une salivation excessive

-        parfois : spasmes en flexion, épilepsie

-        des épisodes dhyperthermie.


Il y a également une hypomélanose (peau claire, cheveux blonds, yeux bleus, eczéma) et une odeur caractéristique dite « de souris ».

En cas de déficit en ptérine-4á-carbinolamine déhydratase, on observe très souvent une hypomagnésémie et un diabète précoce de type MODY3 (voir ce terme).

En cas dhyperphénylalaninémie sans mutation de la phénylalanine hydroxylase ni anomalie du métabolisme de la tétrahydroptérine, il faut rechercher une mutation du gène de la DNAJC12, une protéine chaperone qui contribue au déploiement de la phénylalanine hydroxylase.


Trois présentations cliniques :


-        asymptomatique : hyperphénylalaninémie découverte lors du test de Guthrie, ce qui permet le diagnostic et un traitement précoce

-        symptomatique (dégradation neurologique)  malgré un régime bien suivi : on a cru à tort à une hyperphénylalaninémie isolée (type 1)

-        symptomatique sans régime : faux négatif à la naissance 



Outre un régime qui consiste en une alimentation restreinte en Phe associée à la prise de substituts dacides aminés, cette pathologie nécessite ladministration de :


-        tétrahydrobioptérine (BH4), cofacteur de la phénylalanine-hydroxylase, ce qui autorise un régime alimentaire plus léger. La dose (saproptérine dihydrochloride ou Kuvan®) est de 5 à 20 mg/kg/j en 2-3 prises. On évite cependant les suppléments de BH4 en cas de déficit en dihydroptéridine réductase car il y a un risque dexcès de bihydrobioptérine.

-        acide folique : 15 mg/j

-        5-hydroxytryptophane : de 1 à 10 mg/kg/j en 4 prises, sauf en cas de déficit en ptérine-4á-carbinolamine déhydratase ou de déficit en guanosine triphosphate cyclohydrolase

-        L-Dopa associée à un inhibiteur de la dopa-décarboxylase : 1-2 mg/kg/j en 4 prises


et, dans certains cas :

-        entacapone  (inhibiteur de la catéchol-o-méthyl-transférase): 15 µg/kg/j en 2-3 prises

-        sélégiline (inhibiteur de lIMAO B) : de 0,1 à 0,25 mg/kg/j en 3-4 prises (ne pas co-administrer avec le 5-hydroxytryptophane : risque de syndrome sérotoninetgique)

-        pramipexole (agoniste des récepteurs à la dopamine): de 6 à 35 µg/kg/j en 2 prises.


Attention : laspartame et la gélatine sont à éviter chez les enfants atteints de

phénylcétonurie. Laspartame est lester méthylique de laspartate Phe  qui se scinde dans lorganisme en deux acides aminés, lacide aspartique et la Phe, et en méthanol. La gélatine, qui entre souvent dans la composition des gélules, est particulièrement riche en protéines (86 g/100 g de produit). Ces deux substances sont très souvent des composants des médicaments. Il faut donc veiller à éviter les médicaments contenant ces substances. La quantité apportée de Phe par ces deux substances reste cependant faible. Le médicament peut donc être administré en surveillant le taux et en diminuant la quantité de Phe dans lalimentation (contact nécessaire avec la diététicienne) si un traitement est vraiment nécessaire et quil nexiste pas dalternative sans aspartame ou sans gélatine. Il est toujours utile de vérifier dans un compendium la composition dun médicament (liste des excipients).


2) Formes sans hyperphénylalaninémie


Deux formes:

-        la transmission autosomique dominante dune mutation du gène GCH1 (14q22.2) qui entraîne un déficit en guanosine triphosphate cyclohydrolase I [MIM 128 230]: cest la cause la plus fréquente de la dystonie répondant à la dopa, un syndrome caractérisé par une dystonie fluctuante (qui saggrave au cours de la journée) aussi appelé syndrome de Segawa autosomique dominant (DYT5a) (voir ce terme)

-        la transmission autosomique récessive dune mutation du gène SPR (2p13.2) qui entraîne un déficit en sepiaptérine réductase [MIM 612 716]


Implications anesthésiques

Dans les formes avec hyperphénylalaninémie, il faut appliquer les précautions nécessaires pour éviter laugmentation des taux sanguins de Phe, comme :


-        contacter lendocrinologue pour avis et connaître le taux habituel de Phe chez le patient

-        chez ladulte, vérifier les fonctions cardiaque et rénale

-        toute infection  augmente le taux sanguin de phénylalanine et nécessite une adaptation des apports en Phe

-        éviter le catabolisme protéique : durée du jeûne préopératoire courte et assurer un apport suffisant de glucose en périopératoire ; monitorage de la glycémie.

-        du fait du risque de déficience en vitamine B12 si le régime alimentaire n'est pas adéquatement supplémenté, il est prudent d'éviter le N2O.

-        en cas dalimentation parentérale : utiliser une solution sans phénylalanine.

-        colloïdes à base de gélatines : bien que leur élimination se fasse principalement sous forme urinaire inchangée, il faut les utiliser avec prudence.

-        en cas de risque dingestion de sang (chirurgie oropharyngée : amygdalectomie, végétations, fente palatine, stomatologie) il est utile de placer un packing pharyngé et de vider lestomac avant le réveil car le sang dégluti est riche en protéines.


Dans toutes les formes, il faut tenir compte des interactions médicamenteuses entre les agents anesthésiques et le traitement chronique du patient:


-        L-dopa: la prise chronique de L-dopa pourrait entraîner une hypotension orthostatique et diminuer la réponse aux vasopresseurs indirects comme léphédrine; il est donc plus prudent dutiliser des doses titres de vasopresseurs à effet direct. Il faut également éviter les antagonistes centraux de la dopamine comme le métoclopramide et les  butyrophénones.

-        pramipexole (agoniste des récepteurs dopaminergiques)

-        5-hydroxytryptophane

-        entacapone (un inhibiteur de la COMT) qui augmente la sensibilité de la réponse aux vasopresseurs directs

-        sélégiline (inhibiteur de type B de la MAO) in 3-4 doses: en principe pas dinteraction avec les agents anesthésiques à moins de 10 mg/j mais se comporterait comme une IMAO A à doses plus fortes.


On ignore si les sétrons (inhibiteurs 5HT3) peuvent être utilises comme antiémétiques. Il est preferable déviter le tramadol à cause de son mode daction monoaminergique. Eviter le trimétroprim/sulfamétroxazole.

De  plus, il y a un risque de troubles du comportement et dhyperthermie en post-opératoire.


Références : 

-        Dal D, Celiker V.
Anaesthetic management of a strabismus patient with phenylketonuria.
Paediatr Anaesth 2003; 13: 740-1. et correspondance: Pediatr Anesth 2004; 14: 701-2.

-        Feillet F, Bonnemains C.
La phénylcétonurie : nouveaux traitements.
Arch Pédiatr 2013 ; 20 : 1165-8.

-        Wyatt SS, Gill RS.
An absolute contraindication to nitrous oxide.
Anaesthesia 1999 ; 54 : 307.

-        Walter JH, Lachmann RH, Burgard P.
Hyperphenylalaninaemia,
In Inborn Metabolic Diseases, 5th edition, Saudubray, van den Berghe, Walter, Springer 2011, p 251-64.

-        Opladen T, Lopez-Laso E, Cortes-Saladelafont E, Pearson TS, Sivri HS et al.
Consensus guidelines for the diagnosis and treatment of tetrahydrobiopterin (BH4) deficiencies.
Orphanet J Rare Diseases 2020; 15:126


Mise à jour: août

 2020