Mucoviscidose

[MIM 219 700]

(Fibrose kystique du pancréas)

Incidence est d'environ 1 pour 2500 naissances vivantes dans la race blanche caucasienne; elle serait moins moindre chez les sujets de race noire ou asiatique. Transmission autosomique récessive. Mutation du gène CF (7q31.2) qui code pour une protéine membranaire de 1480 acides aminés dénommée CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane Regulator) qui est un canal Cl à faible conductance présent à la surface des cellules de tous les tissus exocrines dont l'ouverture devient anormale en cas de mutation. Plus de 800 mutations ont été décrites mais la plus fréquente (70% des patients en France) est une délétion de la phénylalanine en position 508 (Ä508). Les patients homozygotes pour la mutation Ä508 semblent présenter une forme plus grave de la maladie.

Le test de la sueur permet le diagnostic en montrant une teneur élevée en électrolytes, en particulier le chlore (> 60 mmol/L). 

L'affection touche principalement l'appareil respiratoire, le tube digestif et les glandes exocrines qui lui sont appendues (pancréas, foie et voies biliaires), les glandes sudoripares et l'appareil génital. Les manifestations cliniques sont variables et l'on peut distinguer cliniquement des formes à prédominance digestive et d'autres à prédominance respiratoire.

Atteinte pulmonaire :

L'atteinte bronchopulmonaire est constante et c'est de la rapidité de son aggravation que dépend le pronostic. Elle se révèle avant l'âge d'1 an dans 90 % des cas. Elle débute par une toux chronique, d'abord sèche puis rapidement productive et accompagnée souvent de sibilances. Des surinfections bronchopulmonaires fréquentes entraînent une dystrophie thoracique (thorax en carène et cyphose thoracique) et un hippocratisme digital témoin de l'installation d'une insuffisance respiratoire chronique. Des sinusites à répétition et une polypose nasale (rare avant 5 ans et après 20 ans) sont observées. 

L'évolution se fait inexorablement vers les surinfections : staphylocoque doré, hemophilus influenza et, surtout, Pseudomonas aeroginusa et Aspergillus..

L'insuffisance respiratoire s'installe par poussées favorisées par les surinfections et entraîne finalement une hypoxie, d'abord nocturne puis permanente, et une hypercapnie tardive. Des pneumothorax se développant à partir de bulles apicales, et des hémoptysies parfois massives peuvent brutalement compliquer l'affection et conduire au décès. En fin d’évolution, une hypertension pulmonaire s’installe du fait de l’augmentation des résistances pulmonaires causée par l’hypoxie et l’hypercarbie chroniques. L’administration de suppléments d’O2 et la ventilation non-invasive nocturne ralentissent l’évolution. C’est l’indication principale de transplantation pulmonaire du sujet jeune.


Atteinte digestive : peut se présenter sous diverses formes

-         un iléus méconial est révélateur de la maladie dans 10 à 15 % des cas : il peut s'agir d'un simple retard à l'émission de méconium ou d'un syndrome occlusif secondaire à l'obstruction de l'iléon terminal par l'accumulation d'un méconium épais. Des lavements hyperosmolaires peuvent ramollir et fluidifier suffisamment ce méconium pour permettre son évacuation par les voies naturelles mais dans la moitié des cas environ une laparotomie est nécessaire pour évacuer ce méconium par entérotomie. Cette obstruction peut déjà être présente in utero : volvulus, atrésie, péritonite méconiale.

-         un prolapsus rectal

-         un iléus stercoral, ou syndrome d’occlusion intestinale distale, équivalent fonctionnel de l'iléus méconial chez le nourrisson et l'enfant plus grand ; source de douleurs abdominales récurrentes dont le diagnostic différentiel avec des pathologies médicales (pancréatite) ou chirurgicales (appendicite) de l’abdomen est parfois difficile ;

-         une invagination intestinale aiguë. 


Atteinte pancréatique : l'atteinte du pancréas exocrine est présente dans 80% des cas et se traduit par une diarrhée chronique faite de selles graisseuses suite à la mauvaise digestion des lipides et protéines alimentaires avec malabsorptions multiples, en particulier vitaminiques. Elle est responsable d'un retard staturo-pondéral qui va s'accentuer avec l'aggravation de l'atteinte respiratoire et des surinfections. Risque de pancréatite aiguë ou récurrente.

L'occlusion des canaux pancréatiques peut entraîner tardivement une destruction des îlots de Langerhans et un diabète insulinodépendant dont la prévalence est de 30% à 30 ans.


Atteinte hépatique :

-     30 à 40% des enfants atteints de mucoviscidose présentent une atteinte hépatique avant l’âge de 12 ans. Cette atteinte est généralement asymptomatique. A l’histologie, il s’agit d’une cirrhose biliaire focale parfois associée à une stéatose hépatique modérée.

-     5 à 10% des cas développe une cirrhose multilobulaire avant l’âge de 10 ans avec une hypertension portale importante à l’origine de complications hémorragiques ; la fonction hépatocellulaire est généralement bien conservée jusqu’à l’âge adulte.

-     la lithiase biliaire est fréquente.


Les anomalies des tests hépatiques sont en général modérées : il faut donc éliminer d’autres causes de cytolyse aiguë ou chronique avant de les attribuer à la mucoviscidose. Cependant, 50% des nourrissons atteints de mucoviscidose présentent des tests hépatiques anormaux jusque vers 2-3 ans. Un traitement par acide ursodésoxycholique (20 mg/kg/j) débuté dès le début de l’atteinte hépatique permet de ralentir l’évolution de la fibrose hépatique. Il faut évaluer les séquelles d’un hypersplénisme et dépister l’apparition d’un syndrome hépato-pulmonaire ou d’une hypertension artérielle pulmonaire. Traitement : ligature élastique des varices oesophagiennes, éviter la dénutrition, éventuellement transplantation hépatique.


Autres atteintes :

- une ostéopénie, qui peut entraîner des fractures costales ou vertébrales, est fréquente : elle est due aux effets combinés de la malnutrition, de la malabsorption de vitamine D, de la corticothérapie et d’une déficience en hormones sexuelles. Source importante de douleurs chroniques.

- les enfants atteints sont particulièrement exposés aux coups de chaleur par déperdition sudorale massive de NaCl. 


Traitement : complexe

-    digestif : extraits pancréatiques, anti-acides, activateurs du péristaltisme (cisapride, dompéridone), , acides biliaires ;

-        respiratoire : bronchodilatateurs, kinésithérapie respiratoire quotidienne, sérum hypertonique à 7%, fluidifiants spécifiques comme la dornase α (Pulmozyme®), anti-inflammatoires (AINS ou corticothérapie), assistance ventilatoire non invasive (au masque nasal) dans les formes avancées ;

-        anti-infectieux : antibiotiques IV ou inhalés (tobramycine, par exemple)

-        nutrition : vitamines, oligo-éléments, sels, assistance nutritionnelle (entérale ou parentérale), insulinothérapie

-        thérapie génique : administration orale

  1. de régulateurs du gène CF comme lIvacaftor (Kakydeco®) en cas de mutations de classe III (G551D, G1244E, G1349D, G178R, G551S, S1251N, S1255P, S549N ou S549R), dites de régulation du gène CF, qui empêchent le déploiement de la protéine CFTR et de lumacaftor (Orkambi®) en cas de mutation F508del, qui améliore la maturation et le trafic intracellulaires de CFTR.
  2. ou, chez les patients présentant au moins une mutation F508del de lassociation délexcaftor et de tézacaftor pour augmenter le nombre de protéines CFTR à la surface des cellules associés à livacaftor pour augmenter lactivité des protéines CFTR défectueuses (Kaftrio®).


Implications anesthésiques

-     les critères d'atteinte respiratoire sévère sont une PaCO2 > 50 mmHg, une paO2 < 55 mmHg, et un VEMS < 50 %.

-     même en cas d’urgence, veiller à réaliser une kinésithérapie respiratoire immédiatement avant l’intervention : l’objectif est de diminuer le risque d’atélectasies périopératoires et d’obstruction de la sonde endotrachéale. Les traitements habituels de l'enfant seront poursuivis le matin de l'intervention à l'exception des aérosols de dornase

-     les anticholinergiques sont classiquement contre-indiqués

-     dans les formes peu évoluées (enfants jeunes) l'induction par inhalation d'halogéné est souvent utilisée malgré le délai plus long pour l'obtention d'une perte de conscience. Dans les formes évoluées et chez les enfants en situation instable, l'induction IV est à privilégier. Les doses à injecter pour obtenir la perte de conscience sont souvent augmentées  notamment avec le propofol. En cas de chirurgie superficielle qui n’engendre pas de douleur post-opératoire importante (pose de PICC-line, par exemple), une anesthésie générale bien conduite n’entraîne pas de dégradation du status clinique ni des tests fonctionnels respiratoires en post-opératoire.

-     dans la mesure du possible, associer une ALR pour améliorer le confort post-opératoire (et donc la fonction respiratoire) sans utiliser d’importantes doses de morphiniques

-     réaliser l’intubation sous anesthésie profonde pour éviter toux et blocage respiratoire. La ventilation artificielle doit être la moins agressive possible pour diminuer le risque de barotraumatisme : le but est de maintenir la PaCO2 habituelle du patient. Toute augmentation brutale des pressions de ventilation doit faire rechercher un bronchospasme, une obstruction de la sonde trachéale ou un pneumothorax.

-     gestion d’un reflux gastro-oesophagien

-     gestion d’une hypertension portale

-     gestion d’un diabète insulino-dépendant

-     gestion d’une hémoptysie : intubation avec une sonde à double-lumière ou un bloqueur bronchique, embolisation

-     on peut profiter de l’anesthésie générale avec intubation pour réaliser une toilette bronchique avant le réveil de l’enfant : cela entraîne une augmentation de la pression inspiratoire et de la résistance respiratoire, et une diminution de la compliance respiratoire immédiatement après la kinésithérapie respiratoire. Même si cette dégradation est transitoire, il faut en évaluer les bénéfices escomptés (diminution du risque d’atélectasies et de toux ?) et il est utile d’approfondir l’anesthésie lors de leur réalisation. 

-     la morbidité et la mortalité postopératoire sont corrélées à la durée de la ventilation per- et surtout postopératoire : il faut donc essayer d’extuber le plus rapidement possible l'enfant. En cas d’intervention abdominale, la reprise du transit est plus lente et il arrive qu’elle soit perturbée par un épisode subocclusif : il peut être difficile dans ces cas de distinguer une complication chirurgicale d’un problème médical.


Références : 

Mise-à-jour: janvier 2022