Morquio, maladie de

[MIM 252 300253 000, 253 010]

(Mucopolysaccharidose type IV, syndrome de Morquio-Brailsford)


Incidence: 1/76.000 (Irlande) à 1/640.0000 (Australie).

Transmission autosomique récessive.


Manifestations qui apparaissent entre 1 et 3 ans :

  1. Squelette: platyspondylie, ostéoporose (thorax en tulipe), hyperlaxité ligamentaire, petite taille, hypoplasie de l'apophyse odontoïde, cyphose dorsale avec thorax en tonneau (pectus carinatum), sténoses multiétagées du canal rachidien , genu valgum
  2. plus tard : surdité progressive
  3. atteinte valvulaire prédominant au niveau du coeur gauche : le plus souvent, insuffisance aortique
  4. atteinte des coronaires, parfois cardiomyopathie
  5. macroglossie, infiltration des voies aériennes supérieures (oro- et nasopharynx), hypertrophie des amygdales et végétations ; dépôts sous-muqueux de mucopolysaccharides. 
  6. hépatosplénomégalie
  7. atteinte respiratoire: syndrome restrictif, apnées obstructives et centrales du sommeil, trachéobronchomalacie, trachée sténosée et coudée (croissance excessive par rapport au thorax). Le patient atteint tient la tête en hypertension („regarde le ciel“)  pour maintenir la perméabilité de sa trachée. Le % moyen de sténose trachéale à lentrée du thorax est de 37,2 %  de 1 à 10 ans, de 66,8% de 11à 20 ans et de 71,2% après 21 ans.
  8. opacités cornéennes
  9. intelligence normale.


Traitement de la forme IVA: élosulfase alpha en IV 1x/semaine, parfois greffe de cellules souches hématopoïétiques. Le traitement est le plus efficace sil est initié avant lâge de 2 ans mais les atteintes oropharyngée, pulmonaire et cardiaque continuent de progresser.


Implications anesthésiques

1)        préopératoire: échographie cardiaque, examens ORL (nasofibroscopie, polysomnographie), IRM médullaire, CT scan du cou et de larbre trachéobronchique (à partir de 7 ans)



Un score dévaluation des voies aériennes a été élaboré pour les patients adolescents et adultes (même traités) souffrant dune mucopolysaccharidose: le score de Salford (table). Il comprend 15 paramètres qui sont gradés de 0 à 3. Les paramètres 1-6 sont basés sur lexamen clinique, 7-10 sur lendoscopie par voie nasale, 11-13 sur le scanner thoracique et 14-15 sur les tests de fonction respiratoires (pas toujours réalisables).

Un score total de 0-15 indique une atteinte mineure, de 15-30 une atteinte modérée et de 30-45 une atteinte sévère des voies aériennes. Un score 25 signifie quil faut prévoir une prise en charge difficile des voies aériennes.


numéro

paramètre

mesures

score

1

Ouverture de bouche

> 5 cm

4-5

3-4

< 3

0

1

2

3

2

Protrusion des dents (profil)

aucune

mineure

modérée

sévère

0

1

2

3

3

Mobilité /stabilité de la  colonne cervicale

non limitée

60-90° en flexion

30-60° en flexion

< 30° ou instable

0
1
2
3

4

Grosseur de la langue

normale

légère (<1/3 du plancher)

modérée (1/3 à ½ de la cavité orale)

importante (>1/2 de la cavité orale)

0

1

2

3

5

Score de Mallampati

1

2

3
4

0
1
2
3

6

Distance thyromentale

> 6 cm

5-6

4-5

< 4

0

1
2
3

7

Distance épiglotte/ voile du palais

> 4 cm

3-4

2-3

< 2

0
1
2
3

8

Volume épiglotte

normal (remplit < 1/3 oropharynx)

moyen (1/3 à ½ de loropharynx)

modéré (1/2 de loropharynx)

sévère (remplit tout loropharynx)

0
1
2
3

9

Infiltration sus-glottique

normal (remplit < 1/3 du laryngopharynx)

moyen (1/3 à ½ )

modéré (1/2 )

sévère (remplit tout le laryngopharynx)

0

1
2
3

10

Infiltration glottique

normal (remplit < 1/3 de la glotte)

moyen (1/3 à ½ de la glotte)

modéré (1/2 de la glotte)

sévère (remplit toute la glotte)

0
1
2
3

11

Diamètre sous-glottique au cricoïde

> 7 mm

6-7

5-6

> 5

0
1

2

3

12

Trachéomalacie ou sténose trachéale

pas de sténose

diminution de  50-75 %

diminution de 75-99 %

obstruction complète

0
1
2
3

13

Tortuosité trachéale

aucune

présente

0

3

14

Volume expiratoire max 1 sec

> 80 %

60-79

40-59

< 40

0

1

2

3

15

Capacité vitale

> 80 %

60-79

40-59

< 40

0

1

2

3



2)        périopératoire: intubation et ventilation au masque difficiles car macroglossie, cou court et instabilité C1-C2 avec risque de paraplégie : il faut positionner la tête et le cou en position neutre (la flexion aggrave lobstruction) de manière à ce que le conduit auditif externe soit aligné sur la clavicule (petit rouleau sous les épaules, sans rond de tête). Lintubation est encore plus difficile après la réalisation dune arthrodèse cervicale. Laryngo- et trachéomalacie progressives ; chez le patient plus âgé, la trachée a un diamètre irrégulier et peut présenter des coudures. Syndrome restrictif. Apnées obstructives : utiliser une sonde nasopharyngée (attention au risque dépistaxis) plutôt qu'une canule oropharyngée. Insuffisance aortique. Insuffisance coronarienne. Expérience positive avec le masque laryngé pour guider une intubation fibroscopique ou le Glidescope®. En cas de laryngoscopie directe ou indirecte, une traction sur la langue (pince de Magill) facilite linsertion de la lame dans la cavité buccale et la laryngoscopie. Il faut prévoir une sonde dintubation dont la taille est plus fine (de 2 à 3 tailles!) que prévu pour lâge.

       Etant donné le risque de paralysie postopératoire suite à une ischémie médullaire consécutive au positionnement du patient ou à une hypotension, un monitorage de la fonction médulaire (potentiels évoqués sensoriels et moteurs) lors de toute intervention même à distance du rachis en cas de:

-        cyphoscoliose dun angle > 60°

-        chirurgie durant > 90 min ou comportant un risque dinstabilité hémodynamique

-        cyphoscoliose dun angle < 60°  et chirurgie durant > 90 min ou comportant un risque dinstabilité hémodynamique. Il est important dobtenir des valeurs de base de ces potentiels aaprès linduction de lanesthésie et avant de modifier la position du patient.

3)        Bloc neuraxial : le rapport bénéfice-risque dun bloc péridural doit être évalué avec prudence car la moelle épinière est fragilisée : canal rachidien étroit par accumulation de glycosaminoglycans dans les structures ligamentaires et platyspondylie avec un risque de compression mécanique (changement de position sous anesthésie), dhypoperfusion en cas dhypotension artérielle ou dinjection péridurale.

4)        postopératoire: extubation à léveil complet; surveillance respiratoire, cardiaque et neurologique



       CONSENSUS dexpert pour la prise en charge:    

La morbi-mortalité chirurgicale est plus élevée que dans la population normale et le risque de complications anesthésiques est très élevé : ces patients doivent donc être pris en charge dans des centres qui peuvent prendre en charge des complications vitales.

Cest pourquoi :

-        un examen neurologique complet est nécessaire avant une AG ou une ALR

-        une imagerie (IRM ou CT scan) de toute la colonne vertébrale est recommandée,

-        une IRM en flexion/extension de la colonne cervicale est nécessaire sil y a un doute sur la stabilité de celle-ci

-        une polysomnographie, des tests fonctionnels respiratoires (syndrome restrictif et ou obstructif) et une évaluation cardiaque (échographie) doivent être considérés avant une anesthésie

-        des anomalies morphologiques et fonctionnelles des voies aériennes supérieures, une diminution de la mobilité de la colonne cervicale et des anomalies trachéo-bronchiques augmentent la morbi-mortalité de lanesthésie

-        une prémédication sédative peut être administrée avant une anesthésie

-        pour lintubation, il faut avoir à disposition immédiate un vidéolaryngoscope et un fibroscope dintubation

-        une trachéotomie peut être extrêmement difficile à réaliser chez ces patients, surtout en urgence ; il est important de repérer la position de la membrane cricothyroïdienne ( RX, échographie) avant lanesthésie

-        lextubation doit être de préférence réalisée en salle dopération ; si ce ne peut être le cas, une équipe expérimentée doit être présente

-        chez les patients chez qui une fragilité de la moëlle épinière est possible (rachi à risque : cyphose importante, risque dhypotension, chirurgie de longue durée, positionnement chirurgical difficile) un monitorage neurologique doit être réalisé durant toute procédure chirurgicale, et il est prudent déviter lanesthésie péridurale


Référence:
White KK, Bompadre V, Goldberg MJ, Bober MB, Cho T-J et al.  
Best practices in peri-operative management of patients with skeletal dysplasias.
Am J Med Genet 2017 ; 173A : 2584-95



Références : 


Mise-à-jour février 2024