Hypertension pulmonaire
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Définitions :
Sachant que PAPm = Qp x RSP + OG,
où PAPM = pression artérielle pulmonaire moyenne
Qp = débit pulmonaire ; RSP = résistances pulmonaires ; OG = pression dans l’OG
on distingue 3 grandes catégories d’hypertension artérielle pulmonaire :
Un patient peut donc présenter successivement différentes formes d’hypertension pulmonaire : par exemple,
♦ en présence d’un cœur biventriculaire,
on parle d’hypertension artérielle pulmonaire chez l’enfant âgé de plus de 3 mois lorsque la PAPm est supérieure à 20 mmHg au repos et que les résistances vasculaires pulmonaires indexées sont supérieures à 3 unités Wood/m2. On peut en effet observer des hypertensions artérielles pulmonaires sans augmentation des résistances vasculaires pulmonaires (cfr précapillaires). Les critères à l’échographie cardiaque sont l'existence d'une pression systolique pulmonaire supérieure à 50 % de la pression systémique ou une vélocité supérieure à 2,5 m/sec du flux de régurgitation au niveau de la valve tricuspide.
L’hypertension artérielle pulmonaire est considérée comme :
- faible, si la pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) est inférieure à 70% de la pression artérielle systolique systémique (PAs)
- modérée, si la PAPs est comprise entre 70 et 100% de la PAs ;
- sévère, si la PAPs est supérieure à la PAs.
L’hypertension artérielle précapillaire est considérée comme répondant à un traitement vasodilatateur si lors du cathétérisme cardiaque on observe suite à l’administration de NO ou d’une FiO2 élevée:
- une diminution ≥ à 10 mmHg de la PAPm et jusqu’à < 40 mmHg lorsque la PAPm de base est supérieure à 40 mmHg ;
- une diminution ≥ à 20 % de la valeur de départ lorsque la PAPm de base est < 40 mmHg.
♦ en présence d’un cœur univentriculaire, on parle d’hypertension vasculaire pulmonaire lorsque lorsque les résistances vasculaires indexées sont supérieures à 3 U Wood/m2 ou que le gradient transpulmonaire (PAPm – POG) est supérieur à 6 mmHg
Les causes d’hypertension artérielle pulmonaire sont multiples et souvent associées à une modification structurelle des vaisseaux pulmonaires, à une vasoconstriction chronique ou à une thrombose in situ. Elles sont décrites en détail dans les 2 tableaux.
Tableau1: Classification des causes d’hypertension artérielle pulmonaire chez l’enfant
Ref : de Cerro MJ, Abman S, Diaz G et al. A consensus approach to the classification of pediatric pulmonary hypertensive vascular disease : report from the PVRI Taskforce, Panama 2011. Pulm Circul 2011; 1: 286-98.
Catégorie |
Description |
Problème prénatal ou de développement |
1. associée à une anomalie maternelle ou placentaire prééclampsie, chorioamnionite, prise d’AINS 2. associée à un trouble du développement de la vascularisation pulmonaire fœtale 2.1 : associée à une hypoplasie pulmonaire * hypoplasie pulmonaire familiale * hypoplasie pulmonaire idiopathique * hernie diaphragmatique * fusion hépatopulmonaire * syndrome de Scimitar * associée à une compression pulmonaire in utero : oligohydramnios, omphalocèle, gastroschisis, malformation adénomateuse cystique, masse tumorale 2.2 : associée à une interruption du développement pulmonaire * dysplasie acinaire * dysplasie alvéolaire congénitale * dysplasie alvéolo-capillaire * lymphangectasies * anomalies de l’artère pulmonaire * anomalies veineuses pulmonaires 3. associée à une malformation cardiaque fœtale 3.1 fermeture prématurée du canal artériel ou du foramen ovale : idiopathique ou induite par un médicament 3.2 malformation cardiaque qui entraîne une atteinte vasculaire pulmonaire chez le fœtus : transposition des gros vaisseaux à septum IV intact, hypoplasie du ventricule gauche à septum IA intact, obstruction totale du retour veineux pulmonaire, atrésie de la veine pulmonaire commune |
Maladaptation périnatale (hypertension artérielle pulmonaire du nouveau-né) |
1. idiopathique 2. associée à ou provoquée par : * sepsis * inhalation méconium * malformation cardiaque * hernie diaphragmatique * trisomie 21 * médicaments et toxiques : diazoxide |
Affection cardiovasculaire pédiatrique |
1. shunt systémico-pulmonaire * avec résistances pulmonaires élevées sans shunt droit-gauche : opérable ou non-opérable * syndrome d’Eisenmenger classique associé à une lésion simple (CIA, CIV, canal artériel) ou complexe (truncus, ventricule unique, transposition des gros vaisseaux avec CIV) * petite lésion associée à une hypertension artérielle pulmonaire disproportionnée suite à une hypoplasie pulmonaire ou une hypertension artérielle pulmonaire idiopathique ou familiale associée 2. postopératoire * fermeture de shunt avec - résistances pulmonaires > 3 unités de Wood de façon persistante - récurrence de résistances pulmonaires > 3 unités de Wood * correction de transposition de gros vaisseaux avec septum intact par switch artériel ou atrial * réparation d’une obstruction du cœur gauche * réparation de Tétralogie de Fallot * réparation d’atrésie pulmonaire avec CIV * après shunt aorto-pulmonaire chirurgical 3. après chirurgie palliative pour ventricule unique * après chirurgie palliative première : shunt de Blalock, Norwood I, procédure hybride * après shunt de Glenn * après Fontan 4. associée à une anomalie congénitale des veines ou artères pulmonaires * anomalies congénitales des artères pulmonaires - AP naissant de l’aorte - absence ou origine ductale de l’AP * anomalies congénitales des veines pulmonaires - syndrome de Scimitar - sténose veine pulmonaire - syndrome de Cantù 5. hypertension veineuse pulmonaire * hypertension veineuse pulmonaire suite à valvulopathie congénitale, cœur triatrial, cardiomyopathie, fibroélastose * hypertension veineuse pulmonaire suite à une affection acquise : valvulaire (RAA), cardiomyopathie, péricardite constrictive |
Dysplasie bronchopulmonaire |
1. avec hypoplasie pulmonaire 2. avec sténose veineuse pulmonaire 3. avec dysfonction du VG 4. avec shunts systémico-pulmonaires * collatérales aortopulmonaires * CIA * canal artériel * CIV 5. avec hypoxémie et/ou hypercarbie importante |
Hypertension artérielle pulmonaire isolée |
1. idiopathique 2. familiale : gènes BMPR2, TBX4, ACVRL1, KCNK3, EIF2AK4 Alk1, ENG (endogline), CAV1, SMAD9 3. induite par des médicaments ou des toxiques * association certaine : huile toxique * association probable : amphétamines * association possible : cocaïne, méthylphénidate, diazoxide, cyclosporine, phénylpropranolamine 4. maladie veino-occlusive pulmonaire * idiopathique * familiale |
Maladie hypertensive pulmonaire présente dans des syndromes congénitaux |
1. syndromes avec malformation cardiaque 2. syndromes sans malformation cardiaque dans les 2 catégories : VACTERL, CHARGE, Poland, Adams-Oliver, Scimitar, trisomie 21, Di George, Noonan, von Recklinghausen, Dursun, Cantù, von Hippel Lindau (VHL), déficit en cobalamine C (gène MMACHC), dysfonction multisystémique du muscle lisse (gène ACTA2) |
Affections pulmonaires pédiatriques |
1. mucoviscidose 2. pathologie pulmonaire interstitielle : déficit en surfactant 3. pathologies respiratoires du sommeil 4. déformation du thorax et de la colonne vertébrale 5. syndrome restrictif 6. syndrome obstructif |
Affection thromboembolique pédiatrique |
1. thromboembolies chroniques sur cathéter veineux central 2. thromboembolies chroniques sur électrodes de pacemaker 3. shunt ventriculo-atrial pour hydrocéphalie 4. drépanocytose 5. fibroélastose cardiaque primaire 6 . syndrome anticardiolipines ou antiphospholipides 7. acidémie méthylmalonque et homocystinurie(déficit en cobalamine C, gène MMACHC) 8. associée à un cancer : ostéosarcome, néphroblastome 9. post-splénectomie |
Exposition à des conditions d’hypoxie |
1. œdème pulmonaire aigu de haute altitude (mal des montagnes) 2. mal des montagnes infantile subaigu 3. maladie de Monge 4. en association à une hypertension artérielle pulmonaire du nouveau-né, à une cardiopathie congénitale ou une hypertension artérielle pulmonaire idiopathique |
Association à une autre maladie de système |
1. hypertension portale * shunt portosystémique extrahépatique : Abernethy, Alagille (JAG1), atrésie ou thrombose portale, isomérisme auriculaire gauche, trisomie 21 * cirrhose hépatique, 2. affections hématologiques ; * anémie hémolytique : drépanocytose, â- thalassémie * post-splénectomie 3. cancers * hypertension artérielle pulmonaire associée à un cancer * maladie veino-occlusive pulmonaire après greffe médullaire et chimiothérapie 4. maladie métabolique/endocrinienne Gaucher, mucopolysacharidose, hypo- ou hyperthyroïdie, hyperglycinémie non cétosique, glycogénose, maladie mitochondriale 5. pathologie autoimmune POEMS, sclérodermie isolée ou diffuse, dermatomyosite, lupus ; syndrome anticardiolipines ou antiphospholipides, polyarthrite juvénile, maladie veino-occlusive pulmonaire associée au lupus 6. maladie infectieuse Schistosomiase, HIV, tuberculose pulmonaire 7. insuffisance rénale chronique * hypertension artérielle pulmonaire prédialyse ou associée à l’hémodialyse ou à la dialyse péritonéale * maladie veino-occlusive pulmonaire associée après greffe rénale |
Tableau2: Classification simplifiée des causes d’hypertension artérielle pulmonaire chez l’enfant
1. Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP)
1.1 Idiopathique
1.2 Congénitale
1.3 associée à la prise de toxiques ou médicaments
1.4 Associée à une
1.4.1 Connectivite
1.4.2 Infection par le VIH
1.4.3 Hypertension portale
1.4.4 Cardiopathie congénitale
1.4.5 Schistosomiases
1.5 HTAP avec réponse prolongée aux inhibiteurs calciques
1.6 HTAP avec signes manifestes d'atteinte veinulaire/capillaire (maladie veino-occlusive pulmonaire / hémangiomatose capillaire pulmonaire)
1.7 HTAP persistante du nouveau-né
2. HTP des cardiopathies gauches
2.1 HTP due à une insuffisance cardiaque gauche à fraction d’éjection préservée
2.2 HTP due à une insuffisance cardiaque gauche à fraction d’éjection réduite
2.3 HTP due à une valvulopathie
2.4 HTP due à une cardiopathie acquise ou congénitale
3. HTP des maladies respiratoires et/ou associées à une hypoxie chronique
3.1. Pathologie respiratoire obstructive
3.2. Pathologie respiratoire restrictive
3.3. Pathologie respiratoire mixte obstructive et restrictive
3.4. Hypoxémie sans maladie respiratoire
3.5. Anomalies du développement pulmonaire
4. HTP due à une obstruction artérielle pulmonaire
4.1 HTP thromboembolique chronique
4.2 Autres obstructions artérielles pulmonaires
5. HTP de mécanismes multifactoriels ou incertains
5.1. Maladies hématologiques
5.2. Maladies systémiques et métaboliques
5.3. Autres
5.4. Maladies cardiaques congénitales complexes
Signes cliniques :
Diagnostic :
Outre l’oxygénation, le traitement de l’hypertension artérielle précapillaire repose sur l’administration de vasodilatateurs pulmonaires sélectifs comme :
En cas d’HTAP suprasystémique, des interventions palliatives pour éviter le décès en insuffisance ventriculaire droite aiguë en cas de crises d’HTAP sont la réalisation d’une communication inter-atriale par septostomie au ballonnet ou, mieux, la réalisation d’un shunt de Potts entre l’artère pulmonaire gauche et l’aorte descendante.
Echographie préopératoire afin de déterminer de quel type d’hypertension artérielle pulmonaire le patient souffre.
En cas d’HTAP hypercinétique: diminuer le shunt gauche-droite: PEEP, éviter FiO2 élevée etc. Eviter les vasodilatateurs pulmonaires qui aggravent le shunt.
En cas d’HTAP précapillaire, il y a un risque important de complications hémodynamiques, notamment de décompensation cardiaque droite, de crise d’hypertension pulmonaire et d’arrêt cardiaque. Une série récente a montré que l’administration chronique d’un traitement vasodilatateur pulmonaire ne diminue pas le risque anesthésique de l’hypertension artérielle pulmonaire et que les principaux facteurs de risque sont une PAPs systémique et surtout suprasystémique ainsi qu’un âge inférieur à 2 ans.
Outre la poursuite du traitement vasodilatateur pulmonaire, le principe de base de l’anesthésie d’un enfant qui souffre d’hypertension artérielle pulmonaire est d’éviter :
Le choix des agents anesthésiques sera basé sur ces objectifs sachant que :
Une anesthésie balancée utilisant de faibles doses de différents agents est donc souvent le meilleur choix.
Traitement d’une crise d’HTAP :
Action |
Base physiopathologique |
donner 100 % O2 |
augmenter la pAO2 diminue les résistances pulmonaires |
hyperventilation modérée |
l’hypercarbie augmente les résistances pulmonaires (attention aux effets systémiques de l’hypocarbie) |
corriger l’acidose métabolique |
les résistances pulmonaires sont directement corrélées au pH |
administrer un vasodilatateur pulmonaire |
NO, milrinone, prostacyclines (attention aux effets systémiques) |
maintenir le débit cardiaque |
remplissage vasculaire, inotropes (dobutamine, adrénaline plutôt que noradrénaline) |
traiter la douleur |
morphiniques pour diminuer la réponse sympathique |
En cas d’HTAP post-capillaire : en fonction du type de dysfonction du cœur gauche. Eviter les vasodilatateurs pulmonaires qui vont augmenter les pressions veineuses pulmonaires.
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Mise-à-jour avril 2022