Hurler, maladie ou syndrome de
|
(Mucopolysaccharidose type I H, gargoylisme)
Transmission autosomique récessive (gène IDUA en 4p16.3). Prévalence : 1/100.000.
Selon le mode de présentation clinique on distingue:
- forme sévère: Hurler (aussi dite avec régression intellectuelle)
- forme modérée: Scheie
- forme intermédiaire : Hurler-Scheie.
Signes cliniques :
- traits grossiers chez le nourrisson avec aspect typique du visage (faciès de "gargouille") dès 2-3 ans : dépression de la base du nez, lèvres épaisses, narines larges et antéversées, macroglossie, peau épaisse, hirsutisme avec sourcils bas implantés.
- infiltration pharyngolaryngée avec encombrement rhinopharyngé chronique ; difficultés respiratoires croissantes et apnées obstructives ; otites séromuqueuses
- hydrocéphalie
- cou court avec instabilité de C1 sur C2 ; parfois canal rachidien cervical étroit (parfois compression médullaire)
- cyphose dorsale basse
- anomalies squelettiques : « dysostose multiple » avec aspect ostéomalacique des os longs : coxa valga, genu valgum ; anomalie des vertèbres de D12 à L3 : hypoplasie antéropostérieure (« marteau »)
- arthropathie : enraidissement progressif des articulations, flexum coude et genou, main en griffe, canal carpien, marche sur la pointe des pieds
- hépato-splénomégalie ; parfois diarrhée chronique
- opacités cornéennes
- épaississement des valves mitrales et aortiques suivi d’un rétrécissement de ces orifices valvulaires ; cardiomyopathie hypertrophique, coronaropathie.; parfois HTAP sur cœur pulmonaire chronique
- petite taille, membres trapus, abdomen proéminent (hernies ombilicale et inguinales)
- surdité liée aux otites fréquentes et à une atteinte progressive des osselets
Décès entre 7 et 15 ans (par insuffisance cardiaque ou respiratoire).
Deux traitements sont possibles :
A l’heure actuelle, les deux traitements sont souvent associés.
Implications anesthésiques:
Intubation difficile, s'aggravant avec l'âge sauf en cas de traitement par greffe médullaire avant l’âge de 2 ans. Le traitement enzymatique utilisé seul n’a aucun effet sur les conditions d’intubation car il est généralement débuté plus tard (formes intermédiaires). Il est actuellement recommandé de débuter le traitement enzymatique dès que le diagnostic est posé et de réaliser une transplantation de cellules souches médullaires avant l’âge de deux ans : ce protocole ne semble cependant pas diminué le risque de complications respiratoires périanesthésiques chez les enfants qui en ont bénéficié :il est utile de prévoir un masque laryngé, un vidéoscope et un fibroscope pour parer à toute éventualité.
Apnées obstructives : utiliser une sonde nasopharyngée plutôt qu'une canule oropharyngée. Risque de complications cardiaques (valvulopathie mitrale et/ou aortique et coronaropathies). Difficultés de réalisation d'un bloc épidural(malformations vertébrales) et risque accru de complication (canal lombaire étroit). Technique d’intubation : induction inhalatoire, pose d’un masque laryngé et se servir du masque laryngé comme conduit pour une intubation au fibroscope. Il persiste un risque d’échec d’intubation. Période de réveil dangereuse : obstruction des voies aériennes, œdème pulmonaire à basse pression.
Un score d’évaluation des voies aériennes a été élaboré pour les patients adolescents et adultes (même traités) souffrant d’une mucopolysaccharidose: le score de Salford (table). Il comprend 15 paramètres qui sont gradés de 0 à 3. Les paramètres 1-6 sont basés sur l’examen clinique, 7-10 sur l’endoscopie par voie nasale, 11-13 sur le scanner thoracique et 14-15 sur les tests de fonction respiratoires (pas toujours réalisables).
Un score total de 0-15 indique une atteinte mineure, de 15-30 une atteinte modérée et de 30-45 une atteinte sévère des voies aériennes. Un score ≥ 25 signifie qu’il faut prévoir une prise en charge difficile des voies aériennes.
Nr |
paramètre |
mesures |
score |
1 |
Ouverture de bouche |
> 5 cm 4-5 3-4 < 3 |
0 1 2 3 |
2 |
Protrusion des dents (profil) |
aucune mineure modérée sévère |
0 1 2 3 |
3 |
Mobilité /stabilité de la colonne cervicale |
non limitée 60-90° en flexion 30-60° en flexion < 30° ou instable |
0
|
4 |
Grosseur de la langue |
normale légère (<1/3 du plancher) modérée (1/3 à ½ de la cavité orale) importante (>1/2 de la cavité orale) |
0 1 2 3 |
5 |
Score de Mallampati |
1 2 3
|
0
|
6 |
Distance thyromentale |
> 6 cm 5-6 4-5 < 4 |
0 1
|
7 |
Distance épiglotte/ voile du palais |
> 4 cm 3-4 2-3 < 2 |
0
|
8 |
Volume épiglotte |
normal (remplit < 1/3 oropharynx) moyen (1/3 à ½ de l’oropharynx) modéré (1/2 de l’oropharynx) sévère (remplit tout l’oropharynx) |
0
|
9 |
Infiltration sus-glottique |
normal (remplit < 1/3 du laryngopharynx) moyen (1/3 à ½ ) modéré (1/2 ) sévère (remplit tout le laryngopharynx) |
0
1
|
10 |
Infiltration glottique |
normal (remplit < 1/3 de la glotte) moyen (1/3 à ½ de la glotte) modéré (1/2 de la glotte) sévère (remplit toute la glotte) |
0
|
11 |
Diamètre sous-glottique au cricoïde |
> 7 mm 6-7 5-6 > 5 |
0
2 3 |
12 |
Trachéomalacie ou sténose trachéale |
pas de sténose diminution de 50-75 % diminution de 75-99 % obstruction complète |
0
|
13 |
Tortuosité trachéale |
aucune présente |
0 3 |
14 |
Volume expiratoire max 1 sec |
> 80 % 60-79 40-59 < 40 |
0 1 2 3 |
15 |
Capacité vitale |
> 80 % 60-79 40-59 < 40 |
0 1 2 3 |
On estime qu’environ 36% des enfants souffrant d’un syndrome de Hurler subissent une anesthésie/chirurgie avant que le diagnostic soit posé : il est donc important de connaître le phénotype de cette affection afin de pouvoir la reconnaître ou la soupçonner. Le registre international MPSI débuté en 2003 a permis d’estimer la mortalité post-chirurgicale dans les 30 jours qui suivent une intervention chirurgicale à environ 0,7%, tous types de chirurgies confondus, et ce malgré un traitement par greffe de cellules souches ou enzymothérapie.
Etant donné le risque de complications neurologiques même après une chirurgie n’impliquant pas le rachis, il est utile de prévoir un monitorage intraopératoire des potentiels évoqués sensitifs et moteurs :
- en cas de cyphose > 60° et de durée chirurgicale estimée à > 60 min
- en cas de cyphose < 60° et de durée chirurgicale estimée à > 90 min.
Les valeurs de base doivent être établies en décubitus dorsal et ensuite dans la position nécessaire à la chirurgie. Tout changement d’amplitude de > 50 % et/ou augmentation de latence de > 10 % des potentiels évoqués sensitifs, ou toute modification de l’aspect polyphasique des potentiels évoqués moteurs doivent conduire à une réaction thérapeutique: vérifier la TA, la profondeur de l’anesthésie, le taux d’hémoglobine, la température, la position du patient.
CONSENSUS d’expert pour la prise en charge:
La morbi-mortalité chirurgicale est plus élevée que dans la population normale et le risque de complications anesthésiques est très élevé : ces patients doivent donc être pris en charge dans des centres qui peuvent prendre en charge des complications vitales. C’est pourquoi : - un examen neurologique complet est nécessaire avant une AG ou une ALR - une imagerie (IRM ou CT scan) de toute la colonne vertébrale est recommandée, - une IRM en flexion/extension de la colonne cervicale est nécessaire s’il y a un doute sur la stabilité de celle-ci - une polysomnographie, des tests fonctionnels respiratoires (syndrome restrictif et ou obstructif) et une évaluation cardiaque (échographie) doivent être considérés avant une anesthésie - des anomalies morphologiques et fonctionnelles des voies aériennes supérieures, une diminution de la mobilité de la colonne cervicale et des anomalies trachéo-bronchiques augmentent la morbi-mortalité de l’anesthésie - une prémédication sédative peut être administrée avant une anesthésie - pour l’intubation, il faut avoir à disposition immédiate un vidéolaryngoscope et un fibroscope d’intubation - une trachéotomie peut être extrêmement difficile à réaliser chez ces patients, surtout en urgence ; il est important de repérer la position de la membrane cricothyroïdienne ( RX, échographie) avant l’anesthésie - l’extubation doit être de préférence réalisée en salle d’opération ; si ce ne peut être le cas, une équipe expérimentée doit être présente - chez les patients chez qui une fragilité de la moëlle épinière est possible (rachi à risque : cyphose importante, risque d’hypotension, chirurgie de longue durée, positionnement chirurgical difficile) un monitorage neurologique doit être réalisé durant toute procédure chirurgicale, et il est prudent d’éviter l’anesthésie péridurale Référence:
|
Références :
- Frawley G, Fuenzalida D, Donath S, Yaplito-Lee J, Peters H.
A retrospective audit of anesthetic techniques and complications in children with mucopolysaccharidoses.
Pediatr Anesth 2012; 22: 737-44.
- Megens JHAM, de Wit M, van Hasselt PM, Boelens JJ, van der Werff DBM, de Graaff JC.
Perioperative complications in patients diagnosed with mucopolysaccharidosis and the impact of enzyme replacement therapy followed by hematopoietic stem cell transplantation at early age.
Pediatr Anesth 2014; 24: 521-7.
- Kloesel B, Holzman RS.
Anesthetic management of patients with inborn errors of metabolism.
Anesth Analg 2017; 127: 822-36
- Dalesio MN, Ifaturoti OA, Tomeldan CM, Tran TP.
Airway anatomy of an adult with Hurler’s syndrome.
Anesthesiology 2020 ; 132 : 1557
- Kandil AI, Pettit CS, Berry LN, Busso VO, Raeskey M et al.
Tertiary pediatric academic institution’s experience with intraoperative neuromonitoring for nonspinal surgery in children with mucopolysaccharidosis based on a novel evidence-based care algorithm.
Anesth Analg 2020; 130: 1678-84.
- Gadepalli C, Stepien KM, Sharma R, Jovanovic A,Tol G, Bentley A.
Airway abnormalities in adult mucopolysaccharidosis and development of Salford mucopolysaccharidosis airway score.
J Clin Med 2021;10: 3275. doi.org/10.3390/jcm10153275
Mise-à-jour février 2024