Incidence :
- Fente labiale: 1/700 naissances mais plus fréquent en Asie et plus rare en Afrique ; unilatérale dans 80% des cas, plus souvent à gauche. Elle n’est associée à d’autres anomalies (syndromique) que dans 20% des cas (par exemple, syndrome de van der Woude). Une fente labiale médiane (rare) est toujours syndromique !
- Fente labiopalatine : associée à d’autres anomalies (syndromique) dans 50% des cas
- Fente palatine : 0,4/1000 naissances, associée à d’autres anomalies (syndromique) dans 50% des cas (par exemple syndrome de CHARGE ou de Stickler) ; la luette bifide (1/80 dans la population Caucasienne) est une forme mineure de fente palatine.
Plus de 300 syndromes incluent une fente labiale, labiopalatine ou palatine.
De nombreuses formes non-syndromiques de fentes labiopalatines ou palatines sont en réalité des pathologies génétiques multifactorielles dans lesquelles une susceptibilité génétique (mutations moins sévères ou de gènes régulateurs non-codants) est associée à des facteurs environnementaux (antiépileptiques, tabac, alcool, âge maternel).

1 fente labiale incomplète
2 fente labiale complète
3 fente vélaire (voile) ; il existe également des fentes sous-muqueuses du voile
4 fente palatine complète (médiane)
5 fente labiopalatine unilatérale
6 fente labiopalatine bilatérale
(« gueule de loup »)
Implications anesthésiques:
- préopératoire : prise en charge multidisciplinaire et recherche d’anomalies associées : examen clinique, échographie cardiaque et cérébrale etc. Des apnées obstructives du sommeil sont fréquentes en cas de fente labiopalatine ou palatine
- en cas de fente labiopalatine ou palatine : interventions multiples à prévoir ; le timing de ces interventions dépend des équipes : en général,
- fente labiale vers 2-3 mois (certaines équipes : premiers jours de vie)
- fente palatine entre 6 et 18 mois (certaines équipes : à partir de 3 mois)
- si nécessaire, vélopharyngoplastie et/ou pose d’un greffon osseux dans l’enfance
- dans tous les cas : intubation orale avec une sonde préformée (type RAE) ou une sonde renforcée flexible
- analgésie péri-opératoire :
1) ALR : fente labiale : bloc nerf sous-orbitaire ; fente palatine ou labiopalaine : bloc maxillaire par voie supra-zygomatique, ou bloc palatin et bloc sous-orbitaire ; et dexaméthsone en peropératoire. Clonidine ou dexmédétomidine en IV ou associée à l’anesthésique local
2) infiltration de la plaie par le chirurgien avec une solution de lidocaïne adrénalinée pour diminuer le saignement : réaction hémodynamique fréquente suite à la résorption de l’adrénaline
3) en post-opératoire : paracétamol + AINS, morphine si analgésie insuffisante
- en cas de fente labiopalatine ou palatine : risque d’intubation difficile surtout en cas de micrognathie (séquence de Pierre-Robin) (voir ce terme) ; en cas de fente labiopalatine, il est souvent utile de combler l’orifice de la fente au niveau labial avec une compresse humide : cela évite que la lame du laryngoscope glisse dans la fente (ce qui traumatise les tissus dont le chirurgien a besoin) et facilite ainsi la laryngoscopie. Le même résultat peut être obtenu en utilisant un protège-dent de taille pédiatrique sauf si le bourgeon prémaxillaire est trop proéminent. Réveil délicat avec risque d’obstruction des voies aériennes : modification de la morphologie pharyngée, douleur, œdème local. Il est parfois nécessaire (micrognathie, séquence de Pierre Robin) de laisser un fil de traction linguale ou une sonde nasopharyngée en place durant quelques heures.
- en cas d’hémorragie précoce après une cure de fente palatine (rare), comprimer le néo-palais avec la face palmaire du pouce recouvert d’une compresse humide pendant une dizaine de minutes, ce qui permet d’assurer l’hémostase souvent de manière définitive. Le lâchage des sutures qui maintiennent le lambeau muqueux en place crée une obstruction des voies aériennes supérieures : un moyen simple de maintenir la perméabilité des voies aériennes avant et durant l’induction de l’anesthésie est de placer une canule de Guedel dans la bouche de l’enfant de manière à appliquer le lambeau contre le palais.
- précautions postopératoires
- après une cure de fente palatine ou labiopalatine : intubation nasale ou pose d’une sonde nasogastrique avec prudence
- après un lambeau pédiculé entre la lèvre inférieure et la lèvre supérieure (lambeau d’Abbé-Estlander) : libération du lambeau sous sédation ou intubation au fibroscope par voie nasale
- après une vélopharyngoplastie : éviter autant que possible une intubation nasotrachéale. Si celle-ci est indispensable, la séquence suivante est recommandée :
- réalisation préopératoire d’un examen ORL avec fibroscopie nasale pour vérifier la perméabilité du ou des conduit(s) narinaires ;
- une fois l’induction anesthésique réalisée en maintenant la ventilation spontanée, on introduit une sonde d’aspiration fine à bout mousse dans une narine et on la dirige vers le(s) orifice(s) en palpant la membrane oronasale de l’autre main ;
- quand la sonde a franchi le néo-orifice pharyngé, on peut réaliser la laryngoscopie directe et utiliser cette sonde comme guide pour introduire une sonde trachéale préalablement ramollie dans l’eau chaude.
- on peut également réaliser une intubation orale préalablement à toute manœuvre nasopharyngée pour améliorer la sécurité de la prise en charge.
- après la réalisation d’un lambeau temporaire entre la face dorsale de la langue et les bords de l’orifice d’une fistule palatine fistuleux. La libération du lambeau pose un problème évident d’accès aux voies aériennes sans léser le fragile lambeau muqueux. Options possibles : 1) intubation nasotrachéale avec un fibroscope ; 2) libération progressive de la partie linguale sous sédation (inhalatoire par une sonde nasopharyngée ou intraveineuse avec de la kétamine par exemple) associée à une anesthésie locale.
Références:
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Perioperative pain management for cleft palate surgery: a systematic review and procedure-specific postoperative pain management (PROSPECT) recommendations.
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Mise à jour: septembre 2024