Dystrophies myotoniques
|
(DM1 ou Maladie de Steinert, DM2 ou syndrome de Ricker ou PROMM pour Proximal Myotonic Myopathy)
Association d'une dystrophie musculaire, d'une myotonie et d'anomalies d'autres organes : œil (cataracte), système nerveux, cœur (troubles de conduction, cardiomyopathie dilatée), poumons, tube digestif (dysphagie, constipation), glandes endocrines (diabète avec résistance à l’insuline, hypogonadisme). CK élevées. La myotonie est le retard ou la difficulté de la décontraction musculaire après une contraction musculaire normale (poignée de main, fermeture forcée des paupières) ou provoquée (percussion). Il y a aussi un tracé EMG typique. La myotonie des dystrophies myotoniques peut être discrète et s’améliore avec l’exercice (phénomène de « warm up »).
Transmission autosomique dominante à pénétrance variable. On distingue deux types : type 1 qui correspond à la description classique de Steinert et type 2, de découverte plus récente (1992).
L’incidence des deux types est d’environ 13/10.000. La prévalence du type 1 varie de 2,1 à 14,3 /100.000, mais est beaucoup plus élevée dans la région de Saguenay-Lac-Saint-Jean au Québec (158/100.000)
Les deux types sont considérés comme des maladies de la transcription de l’ARN messager. Elles sont dues à des mutations de gènes différents mais une partie du mécanisme physiopathologique est commune, ce qui explique la similitude de certains signes et symptômes. Les deux types semblent associés à un risque accru de carcinogenèse en partie lié au nombre de répétitions du polynucléotide CTG ou CCTG : un dépistage régulier et plus précoce que dans la population générale est donc recommandé.
* Maladie de Steinert :
Le début est de plus en plus précoce et la forme de plus en plus grave de génération en génération : c’est le phénomène d’amplification.
La cause en est l’amplification d’une répétition du trinucléotide CTG dans la région 3’ non-codante du gène qui code la protéine DMPK (19q13.2-q13.3). L’amplification de la répétition pathologique (> 50) de CTG entraîne la séquestration nucléaire de l’ARNm anormal qui transcrit DMPK. Cette accumulation perturbe la synthèse et la fonction de l’ARNm d’autres gènes comme CLCN1 (canal Cl-), récepteur à l’insuline etc. Il s’agit donc d’une chanellopathie secondaire.
On distingue :
- la forme congénitale (répétitions CTG > 1500) : hypotonie majeure avec troubles respiratoires, difficultés d’alimentation, fausses déglutitions. Aspect typique de la bouche en forme de tente. Mortalité importante. Les survivants présentent une amélioration progressive de l’hypotonie mais ont un retard mental important. Apparition progressive des caractéristiques de la forme adulte.
- la forme à début dans l’enfance : problèmes d’apprentissage et difficultés de langage
- la forme à début à l’âge adulte : hypotrophie des muscles masticateurs, faciès peu expressif, cataracte, myotonie… Une cardiomyopathie dilatée avec décompensation cardiaque est d’apparition tardive mais peut être le premier signe de la maladie dans des formes à symptomatologie musculaire fruste.
L’atteinte cardiaque est constante, même chez le nourrisson : troubles de conduction (bloc de branche, BAV, tachyarythmies ventriculaires), parfois prolapsus de la valve mitrale. Une cardiomyopathie dilatée peut être observée. Chez le jeune adulte présentant des troubles de la conduction (PR > 200msec et/ou QRS > 100 msec), la pose prophylactique d’un pacemaker ou d’un défibrillateur cardiaque interne semble améliorer la survie et diminue fortement le risque de mort subite d’origine cardiaque.
La diminution de la réponse à l’hypercarbie (apnées du sommeil) et la grande sensibilité aux effets respiratoires des agents anesthésiques (barbituriques, propofol, morphiniques, benzodiazépines) peut entraîner un retard de réveil, des apnées post-anesthésiques, des complications infectieuses respiratoires ou même nécessiter une ventilation prolongée.
L'atteinte du système gastrointestinal est constante, avec dysphagie, diminution de la vidange gastrique et tendance à l’iléus paralytique. Il est donc prudent de placer une sonde gastrique même pour une intervention de courte durée.
La présence de plusieurs pilomatricomes (voir ce terme) doit faire rechercher une dystrophie myotonique de type 1.
Traitement expérimental : Tidéglusib (inhibiteur de la glycogène synthase kinase 3) per os.
* Pour la forme de type 2 (DM2),
[MIM 602 668, 116 955], c’est le gène CNBP (cellular nucleic acid-binding protein) (autrefois, ZNF9 pour zinc finger protein 9) (3q21) qui est impliqué. Il s’agit ici de la répétition non-codante du quadrinucléotide CCTG.
Les signes cliniques sont plus tardifs (8 à 50 ans) et similaires à ceux du type mais l’atteinte à début adulte mais l’atteinte musculaire est proximale avec moins de myotonie et davantage de myalgies et de crampes, parfois diagnostiquées comme fibromyalgies. Il n’y a pas de forme congénitale. L’atteinte cardiaque est plus discrète (dysfonction ventriculaire gauche) mais des cas de cardiomyopathie nécessitant une transplantation cardiaque ont été décrits : une atteinte coronarienne est fréquente. Le risque de cataracte est présent. On ne retrouve pas la sensibilité accrue aux produits anesthésiques comme dans le type 1.
Tableau comparatif :
|
Type 1 à début adulte |
Type 2 |
Génétique gène locus mutation |
DMPK 19q13 expansion de CTG |
ZNF9 3q21 expansion de CCTG |
début |
néonatal, enfance ou adulte |
adulte |
Faciès calvitie frontale, alopécie atrophie muscles faciaux cataracte |
très fréquente +++ postérieure, sous-capsulaire |
rare + postérieure, sous-capsulaire |
SNC retard mental dysfonction cognitive troubles comportementaux déficits visuo-spatiaux hypersomnie |
forme congénitale +++ ++ ++ ++ |
- rare rare rare + |
Problèmes endocriniens Diabète sucré hypogonadisme dysthyroidie |
+ ++ + |
+ + + |
Problèmes digestifs dysphagie constipation lithiase biliaire γGT élevés |
sévère ++ ++ + |
modérée ++ + ++ |
Problèmes cardiaques Anomalies de conduction AV ou IV cardiomyopathie mort subite |
brady- ou tachyarrhythmies dilatée risque majeur |
peuvent être présentes dilatée risque moins important ? |
Système musculaire faiblesse localisation myotonie myalgies CK élevés |
modérée à sévère distale > proximale présente rares ++ |
légère à modérée proximale > distale modérée ou absente très fréquentes ++ |
Sensibilité aux anesthésiques généraux |
+++ |
normale |
Implications anesthésiques:
2) le risque de complications périopératoires (surtout respiratoires) est
principalement lié à l’importance du handicap musculaire, à l’utilisation d’une infusion de morphine en per ou postopératoire et à l’utilisation d’un agent curarisant sans antagonisation en fin d’intervention.
L’association de rémimazolam et de rémifentanil a été utilisée avec succès.
√ Agents hypnotiques (propofol, thiopental, kétamine) et benzodiazépines (midazolam): une sensibilité exagérée a été décrite chez de nombreux patients; elle semble imprévisible: il est donc recommandé de débuter par de faibles doses et de titrer les doses suivantes en fonction de la réponse du patient.
√ Etomidate: utilisation sans problème
√ Morphiniques: utiliser les doses les plus faibles possibles; intérêt du rémifentanil
√ Alpha2 agonistes: débuter par de faibles doses et de titrer les doses suivantes en fonction de la réponse du patient
√ Pas de succinylcholine car il y a un risque de produire une réaction myotonique (quelques cas décrits). Aucun cas d’hyperkaliémie n’a été décrit. Le rocuronium semble avoir un délai d’action raccourci et une durée d’action prolongée.
√ Monitorage de la curarisation : l’accéléromyographie semble sous-estimer la profondeur de la curarisation: il est préférable d’utiliser un monitorage basé sur l‘EMG. L’utilisation de néostigmine pourrait entraîner une contracture mais aucun cas n’a été décrit. Le sugammadex a été utilisé sans problème pour antagoniser le rocuronium et le vécuronium. Les curares d’action courte ont été utilisés sans problème.
√ Les agents halogénés ont été utilisés sans problème: aucun cas de rhabdomyolyse induite par les halogénés n’a été décrit
√ L’anesthésie locorégionale est très utile pour éviter l’anesthésie générale ou en diminuer les doses. En cas de bloc périphérique, utiliser l’échographie plutôt que la neurostimulation.
Références :
- Parness J, Bandschapp O, Girard T.
The myotonias and susceptibility to malignant hyperthermia.
Anesth Analg 2009, 109: 1054-64.
Mise-à-jour janvier 2024