Cycle de l'urée, anomalies du

Aussi appelé cycle de l'ornithine, ce cycle a lieu dans des hépatocytes périportaux du foie. Il se déroule en partie dans le cytoplasme et en partie dans les mitochondries, et a pour but de transformer le NH4 en urée (schéma). Ce cycle génère également des protons H+, ce qui explique qu'en cas d'insuffisance hépatique, l'organisme tend vers une alcalose métabolique.

Le bon fonctionnement du cycle peut être altéré par une anomalie dune des 6 enzymes (voir fiches spécifiques) qui le composent, ou dun transporteur transmembranaire (syndrome triple H).

Rappel physiologique:

dans la mitochondrie,

  1. la carbamyl phosphate synthétase I (CPS I, 2q35), produit le carbamyl-phosphate à partir de NH4+), dATP et de CO2. Cette réaction se fait en deux étapes consommant chacune une molécule d'ATP. La CPS I doit être activée par le N-acétylglutamate. Cette réaction est inhibée par la valproate, ce qui explique que le valproate (Dépakine) peut ête à lorigine dune décompensation dune anomalie jusque-là peu symptomatique du cycle de lurée.
  2. le N-acétylglutamate  est synthétisé par lassociation de glutamate à de lacétyl-CoA par la N-acétylglutamate synthétase (NAGS, 17q21.31)
  3. le carbamyl-phosphate se condense avec l'ornithine pour donner la citrulline. Cette réaction est catalysée par l'ornithine transcarbamylase (OTC, Xp21.1).
  4. la citrulline est exportée dans le cytoplasme par le transporteur dornithine et de citrulline de la membrane mitochondriale (ORNT1, 13q14). Le déficit en ORNT1 provoque le syndrome triple H (hyperornithinémie-hyperammoniémie-homocitrullinurie).

dans le cytoplasme,

  1. la citrulline se condense, en présence d'ATP, avec une molécule d'acide aspartique grâce à l'arginosuccinate synthase (ASS, 9q34)
  2. l'acide arginosuccinique est converti en arginine et en acide fumarique par l'arginosuccinate lyase (ASL, 7q11.2).
  3. l'arginase 1 (ARG1, 6q23) catalyse l'hydrolyse de l'arginine en ornithine et urée en consommant une molécule d'eau. L'ornithine est ainsi régénérée et peut regagner la mitochondrie pour fixer une nouvelle molécule de carbamyl-phosphate avec ORNT1.

Les signes cliniques sont variables : coma métabolique, neurologiques (convulsions, signes focaux), hépatiques (hépatomégalie, cytolyse, insuffisance hépatocellulaire) ou neuropsychiatriques (ataxie, troubles du comportement). Ils varient également en fonction de l'âge d'apparition des premiers symptômes :

-        période néonatale: hyperammoniémie avec vomissements, léthargie ou irritabilité ;

-        nourrisson : anorexie, vomissements, retard de développement, hépatomégalie. On recherche souvent une cause digestive à ces problèmes avant de poser le diagnostic ;

-        enfance et adolescence : tableau d'encéphalopathie aiguë (syndrome de Reye) à l'occasion d'un stress (fièvre, catabolisme protéique, postopératoire) ou de prise de valproate (Dépakine), ou signes neurologiques progressifs (retard mental, convulsions, ataxie). Une corticothérapie (augmentation du catabolisme protéique) ou une chimiothérapie à base dasparaginase peut également être un facteur déclenchant. Certains patients présentent un dégoût spontané pour la viande ou les repas riches en protéines.

-        le post-partum est également une période à risque de décompensation à cause de la réaction catabolique induite par linvolution utérine.

Principe de base du traitement : prévention de l'hyperammoniémie par un régime pauvre en protéines (la teneur en protéines est adaptée en fonction de l'âge pour tenir compte de la croissance et doit être diminuée en cas d'infection ou de stress important comme une chirurgie pour limiter le catabolisme protéique et la formation de NH4 ; de plus, il faut souvent ajouter du benzoate de Na (0,25 g/kg/j), du phénylbutyrate de Na (0,25 g/kg/j) qui stimulent des voies métaboliques alternatives et diminuent la synthèse de NH4, ou de l'HCl d'arginine (0,1 à 0,2 g/kg/j) qui favorise la formation durée par dautres voies.


Implications anesthésiques

-        contacter léquipe qui suit habituellement lenfant

-        limiter la durée du jeûne préopératoire : administrer une solution glucosée dès que la période de jeûne débute ; en cas de chirurgie élective, arrêter l'apport en protéines 24 à 48 h avant l'intervention et compenser l'apport calorique avec glucose et lipides ;

-        aspirer l'estomac pour éviter un apport protéique par voie digestive en cas de chirurgie où du sang peut être dégluti (ORL, stomatologie) ;

-        monitorage particulier : NH4 (nl : < 50 µmol/L ou 20-80 µg/dL), glycémie ;

-        prévoir une anesthésie qui diminue la réaction de stress : ALR, morphiniques, analgésie postopératoire de qualité ; éviter la dexaméthasone qui augmente le catabolisme protéique ; utilisation raisonnée des antinauséeux car ils pourraient masquer les premiers signes dencéphalopathie.

-        ajouter du benzoate de Na (0,25 g/kg/j) et du phénylbutyrate de Na (0,25 g/kg/j) qui favorisent des voies métaboliques alternatives et diminuent la synthèse de NH4, et de l'HCl d'arginine (0,1 à 0,2 g/kg/j) aux solutions IV ; ces solutions peuvent provoquer une hypokaliémie

-        en cas d'hyperammoniémie > 3 x la normale : glucose 10 ou 20 % en IV, et dose de charge de benzoate de Na (0,25g/kg) et phénylbutyrate de Na (0,25g/kg), et selon le déficit spécifique : HCl d'arginine (0,2 g/kg) et carnitine (0,2 mg/kg/j) en IV ;

-        en cas d'échec du traitement médical : hémofiltration ou dialyse péritonéale


Références : 

-        Dobbelare D, Mention K.
Déficits du cycle de lurée
in  Maladies métaboliques héréditaires, éditeurs B Chabrol et P de Lonlay, Progrès en pédiatrie n°29, p139-147, Doin 2011.

-        Del Rio C, Martin-Hernandez E, Ruiz A, Quijada-Fraille P, Rubio P.
Perioperative management of children with urea cycle disorders.
Pediatr Anesth 2020; 30:780-91.


Mise-à-jour  août 2021