(craniosynostoses)

Prévalence estimée à 1 cas pour 2500 naissances Les craniosténoses (ou craniosynostoses) sont des anomalies du développement de la boite crânienne consécutives à la fusion prématurée d'une ou plusieurs sutures crâniennes.

On distingue :

-        les craniosténoses syndromiques (15%) : elles impliquent plusieurs sutures et sont souvent associées à d’autres malformations (maladie de Crouzon, syndrome d'Apert, etc.)  associées à des mutations au niveau des gènes FGFR (acronyme de Fibroblast Growing Factor Receptor) de la famille des récepteurs du facteur de croissance des fibroblastes (FGFR1, FGFR2, FGFR3, TWIST1, MSX2 et EFNB1).

-        les craniosténoses non-syndromiques (85%): une seule suture est concernée, le volume crânien est conservé mais le crâne est déformé dans le sens perpendiculaire à la suture soudée (voir figure).

Les principales déformations crâniennes observées sont les suivantes:

• scaphocéphalie : allongement antéropostérieur et diminution de la largeur du crâne par fusion prématurée de la suture sagittale (entre les 2 os pariétaux) ; la plus fréquente : 40-50% ; incidence annuelle : 1/5.000 à 1/8.000 naissances ; sex ratio 3,5/1 et 6% de formes familiales
• trigonocéphalie : déformation du crâne en cône suite à la soudure prématurée de la suture métopique (articulation entre les parties, droite et gauche, de l'os frontal) ; le front présente une arête médiane saillante et sa largeur est réduite ; les yeux sont rapprochés (hypotélorisme) et le visage est étroit ; incidence annuelle 1/7.000 à 1/15.000 naissances ; sex ratio 3,3/1, 5,6% de formes familiales
• plagiocéphalie : aplatissement antéro-latéral du crâne d'un seul côté du fait de la soudure précoce de l'une des 2 sutures coronales (unissant l'os frontal à l'os pariétal) ; il existe des plagiocéphalies dites positionnelles, où la déformation du crâne est similaire mais sans fusion prématurée d’une suture : elles sont dues à une malposition anté- ou post-natale de la tête. Incidence annuelle 1/10.000 naissances ; sex ratio 1/2, le côté droit est plus souvent atteint que le gauche et il y a 14% de formes familiales
• brachycéphalie : raccourcissement antéropostérieur et élargissement du crâne secondaire à la soudure prématurée des 2 sutures coronales (et souvent aussi des sutures lambdoïdes) ; incidence annuelle 1/20.000 naissances ; sex ratio 1/2, et 14 % de formes familiales ; parfois syndromique
• oxycéphalie (ou acrocéphalie) : diminution de largeur et croissance en hauteur du crâne (prenant une forme de tour) par suite de la fusion prématurée de la suture métopique, des sutures coronales et de la suture sagittale.

Principales formes de craniosténose : la suture fermée est en pointillés

Il n'y a pas de préjudice notable sur le développement neurologique lorsque la suture métopique seule est impliquée. Dans tous les autres cas, la déformation crânienne entraîne des troubles du développement des structures cérébrales et de la circulation du LCR.

En dehors de la déformation crânienne cliniquement évidente, les craniosténoses syndromiques peuvent entraîner :

-        une exophtalmie, des troubles visuels pouvant conduire rapidement à la cécité,

-        des troubles respiratoires (apnées obstructives du sommeil)

-        une hypertension intracrânienne (œdème papillaire, empreintes digitiformes à la RX du crâne ou au scanner) et une dégradation neurologique parfois rapide

-        une hydrocéphalie

-        des troubles de l’occlusion maxillo-mandibulaire.

La gravité de ces conséquences impose un traitement chirurgical précoce, idéalement entre 3 et 6 mois. Il s'agit d'une chirurgie  hémorragique (perte d'une masse sanguine en moyenne) dès que plus d'une suture est abordée. Les risques particuliers de cette chirurgie sont l’hémorragie (qui peut être massive en cas d’ouverture d’un sinus veineux), l’embolie gazeuse (même en position couchée) et l’hypothermie.

Selon l’âge du diagnostic et le type de déformation crânienne, plusieurs types d’interventions sont réalisables :

• craniectomie linéaire en cas de suture unique (< 6mois): l’intervention consiste à réaliser une ou des craniectomies linéaires qui éliminent la suture prématurément soudée. Cette intervention est en général réalisée dès que le nourrisson pèse 5 kg.
• craniectomie longitudinale par voie endoscopique (< 6 mois): cette intervention est moins hémorragique, dure moins longtemps et comporte un risque embolique nettement moindre que la chirurgie classique.
• craniectomie linéaire et pose de ressorts vers 3-6 mois pour maintenir les sutures écartées ; ces ressorts sont retirés après 8 à 12 semaines. Ces deux interventions sont très courtes et peu hémorragiques
• remodelage de la voûte crânienne vers 1 an, durée 4-6 h.
• avancement fronto-orbitaire entre 12 et 18 mois, en cas d’hypoplasie de l’étage moyen de la face
• pour les formes syndromiques : selon les sutures atteintes, expansion postérieure première sans ou avec distraction vers l’âge de 6 mois; monobloc fronto-facial précoce avec distraction à partir de l’âge de 18 mois, expansion frontale précédent un avancement facial type Le Fort 3 etc.

Positions : selon l’approche chirurgicale,

-        décubitus dorsal et tête légèrement surélevée,

-        décubitus ventral et cou en hyperextension (position du sphynx),

-        rarement position assise.

Il y a un risque d’hypertension artérielle aiguë au moment de la fermeture du crâne avec bradycardie et hypertension ou collapsus circulatoire. En post-opératoire, l’enfant doit porter un casque modelant pendant plusieurs mois pour protéger le crâne et éviter qu’il reprenne sa forme initiale.

Implications anesthésiques: 

• préopératoire :
• suture simple ou syndrome ? malformations associées ?
• signes d’hypertension intracrânienne ?
• hémoglobine et coagulation : prescription de fer et ou d’érythropoïétine pour augmenter le taux d’Hb préopératoire, commande de sang
• échographie cardiaque : malformation ? foramen ovale ?
• évaluation des voies aériennes supérieures : anomalies laryngées ? trachéomalacie ? apnées obstructives du sommeil ? sténose choanale ? malformation de Chiari ?
• peropératoire :

• risque de ventilation au masque difficile en cas d’hypoplasie de l’étage moyen de la face, positionnement (vérifier en position chirurgicale) et fixation soigneuse de la sonde endotrachéale ;
• pose de 2 voies périphériques et d’une ligne artérielle (sauf voie endoscopique) ; voie centrale ?
• acide tranéxamique : par exemple, 15 mg/kg suivi de 5 mg/kg/h.
• prise en charge d’un choc hémorragique ou d’une embolie gazeuse : risque d’hypotension sans tachycardie réactionnelle (réflexe trigémino-cardiaque ?)
• prévention de l’hypothermie.
• trachéotomie temporaire préopératoire dans les cas complexes avec ostéotomie de LeFort ?

• postopératoire : saignement, œdème facial, risque d’hyponatrémie (sécrétion inappropriée d’ADH, liquides hypotoniques), traitement de la douleur

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Mise-à-jour: mai 2022