Terme général qui désigne les séquelles pulmonaires d’une naissance prématurée. En fait, la définition de la bronchodysplasie consiste en la description de facteurs de risque de la développer. Cette définition a évolué en fonction de l’amélioration progressive de la survie des prématurés suite à l’amélioration de la ventilation artificielle, de l’administration prénatale de corticoïdes et de surfactant.
On distingue aujourd’hui:
- bronchodysplasie ancienne: pour les enfants nés après 32 semaines d’âge gestationnel: oxygénodépendance à 28 jours de vie. Il s’agit essentiellement de séquelles de la ventilation artificielle
- bronchodysplasie nouvelle: pour les enfants nés avant 32 semaines d’âge gestationnel: oxygénodépendance à 36 semaines d’âge post-conceptionnel, dont la sévérité est classée comme:
- grade 1: O2 nasal < 2l/min
- grade 2: O2 nasal > 2l/min ou CPAP ou ventilation non-invasive
- grade 3: ventilation invasive
Physiopathologie:
- bronchodysplasie ancienne
- survient chez les prématurés nés > 32 semaines de gestation
- est essentiellement le résultat d’agressions post-natales: ventilation agressive, stress oxydatif, infection, déficit nutritionnel, surcharge liquidienne du poumon
- conséquences structurelles: zones d’atélectasies et d’emphysème, fibroprolifération interstitielle, hyperplasie des muscles lisses bronchiques, hyperéactivité à d’autres agressions (infection, inflammation)
- la présence d’une cardiopathie congénitale avec un shunt gauche-droit aggrave l’évolution de la pathologie
- aboutit à un tableau clinique proche de la bronchopneumopathie chronique obstructive mais à un âge précoce. En cas d’hypoxémie chronique, ou de shunt gauche-droit, une hypertension artérielle pulmonaire peut apparaître.
- bronchodysplasie nouvelle
- survient chez les prématurés nés < 32 semaines de gestation
- est une affection complexe et multifactorielle due à des facteurs
- prénatals: prééclampsie, tabagisme maternel, pathologie placentaire, retartd de croissance intra-utérin, chorioamnionite , facteurs génétiques
- périnatals : naissance prématurée
- post-natals: arrêt du développement pulmonaire, déficit en surfactant, corticostéroïdes, ventilation artificielle, épisodes d’hyperoxie et stress oxydatif, inflammation (infection, entérocolite), ET facteurs cardiovasculaires: remodelage de l’arbre vasculaire pulmonaire, shunts (canal artériel, foramen ovale) hypertension artérielle pulmonaire, sténose des veines pulmonaires.
- conséquences structurelles ;association variable de lésions au niveau :
- des grosses voies aériennes : sténose et ou malacie (trachée, bronches) (36%)
- des petites voies aériennes: hyperéactivité bronchique qui ne répond que partiellement aux â2 agonistes
- du parenchyme pulmonaire: simplification alvéolaire (alvéoles moins nombreuses et plus larges) qui entraîne une diminution de la surface d’échanges gazeux et un risque d’hypoxémie chronique; la fonction pulmonaire est diminuée et évolue progresssivement vers un tableau de la bronchopneumopathie chronique obstructive précoce (adolescence)
- de la vascularisation pulmonaire: anomalies du développement des vaisseaux pulmonaires par dysangiogenèse (diminution de l’arborisation vasculaire et des capillaires pulmonaires), remaniement des parois des artères pulmonaires (hyperplasie cellules musculaires lisses), dysfonction endothéliale (moindre production de NO et prostacyclines): cette association de facteurs anatomiques et fonctionnels entraîne l’apparition d’une hypertension artérielle pulmonaire (15-25% des cas) de gravité variable aggravée par la persistance de shunts foetaux (canal artériel, foramen ovale). Cette hypertension artérielle pulmonaire s’aggrave avec le temps
- de la vascularisation systémique: présence d‘une dysfonction diastolique du ventricule gauche secondaire à une hypertension systémique (48% des cas); elle peut entraîner une hypertension pulmonaire post-capillaire. Une sténose progressive d’une ou plusieurs veines pulmonaires (23%) peut également apparaître (secondaire au flux sanguin turbulent dû à l’hypertension pulmonaire)
- évolution variable: certains prématurés évoluent vers une guérison sans séquelles majeures (pas d’hypoxémie, mais risque d’hyperéactivité bronchique et, à long terme, d’hypertension artérielle pulmonaire) mais d’autres présentent une maladie pulmonaire évolutive et sévère.
Traitements: diurétiques, bronchodilatateurs, sildénafil en cas d’hypertension pulmonaire ou inhibiteurs de l’enzyme de conversion (captopril) en cas de dysfonction du ventricule gauche, parfois corticoïdes et suppléments d‘O2
Implications anesthésiques:
- en fonction de l’âge gestationnel à la naissance: forme ancienne (BPCO) ou nouvelle (maladie essentiellement vasculaire) ?
- échographie cardiaque: malformation associée? CIA, CIV, sténose pulmonaire, canal artériel ?
- si bronchodysplasie ancienne:
- traiter comme une hyperréactivité bronchique : bronchodilatateur habituel avant l’induction,
- si bronchodysplasie nouvelle: grade ?
- avis ORL: trachéobronchomalacie ?
- échocardiaque complet récent à la recherche de:
- hypertension artérielle pulmonaire: applatissement du septum voire déplacement vers le VG, dilatation et ou hypertrophie du VD? Attention, une régurgitation de la valve tricuspide n’est pas toujours présente et une mauvaise fonction du VD sous-estime l’hypertension pulmonaire; pression artérielle pulmonaire estimée normale, infra- (< 50%) normo-(50-75%) ou suprasystémique (> 75%)? Un cathéterisme cardiaque est parfois nécessaire;
- fonction du ventricule droit: hypertophie ? dysfonction systolique ou diastolique?
- fonction du ventricule gauche: dysfonction diastolique ? contractilité ?
- présence d’un foramen ovale perméable? Si oui, il peut agir comme une valve de décompression de l’OD et du VD en cas de crise d’hypertension pulmonaire: désaturation mais survie
- présence d’une sténose des veines pulmonaires ? Dans ces cas, il peut être préférable de réaliser une dilatation par cathétérisme percutané avant la chirurgie prévue
- prévoir une place en réanimation pour le post-opératoire: risque d’insuffisance respiratoire et de crise d’hypertension artérielle pulmonaire
- traiter comme une hyperréactivité bronchique : bronchodilatateur habituel avant l’induction,
- induction: kétamine ou étomidate plutôt que le propofol
- intubation sous anesthésie profonde et curarisation: éviter toux, blocage, laryngospasme, bronchospasme
- éviter l’hypotension systémique: risque d’ischémie du ventricule droit, et de décompensation aiguë si le foramen ovale n’est pas perméable
- ventilation: idéal: pression contrôlée avec volume garanti, sinon, pression contrôlée; rapport I/E 1/1,5 sauf si bronchospasme, fréquence respiratoire plutôt lente (20- 22/min), PEEP modérée
- extubation délicate: éviter toux, blocage, laryngospasme, bronchospasme
Références :
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Mise à jour: avril 2023