Numéro 44 :
Les interviews de l’AMA-UCL
Professeur André Bosly
Les universitaires ne doivent pas négliger la politique

R.K. : Parlons d'abord de ta carrière de médecin universitaire. Pourquoi Mont-Godinne ?
A.B. : C'est Gérard Sokal qui m'a suggéré d'ouvrir un service d'hématologie à Mont-Godinne ; à l'époque, l'université avait chargé Jacques Prignot de convertir l'ancien sanatorium en hôpital général. En 1974, je fus le premier interniste non pneumologue à s'engager dans l'expérience " Mont-Godinne ", quelques mois avant vous. De toute manière, mon désir était de faire une carrière hospitalière. A cette époque, il y avait pas mal de postes qui s'ouvraient et j'avais des propositions à Charleroi et à Tournai ;
R.K. : Ta formation était terminée.
A.B. : J'étais en dernière année de spécialisation en médecine interne. Ma formation était double : pneumologique et hématologique ; mais j'ai toujours eu une préférence pour l'hématologie. En fait, après deux ans à Jolimont, c'est chez le docteur Mannes, pneumologue à Saint Jean, que j'ai entendu pour la première fois le terme " oncologie " ; j'y ai passé six mois, puis j'ai achevé cette 3ème année chez Jacques Prignot à Leuven. Une place d'assistant étranger s'ouvrait à Lyon, toujours en pneumologie. En 5ème année, ce fut enfin l'hématologie à Leuven, à l'époque où deux jeunes hématologues étaient à l'étranger, Michel Symann aux USA et Augustin Ferrant en Angleterre. Le service était tenu par Gérard Sokal et Jean-Louis Michaux.
R.K. : Il y a eu des avancées importantes en hémato-oncologie à ce moment ?
A.B. : Nous avons réalisé la première allogreffe de moelle réussie à l'UCL, chez une jeune fille de 15 ans en aplasie médullaire après une hépatite.
R.K. : Il y avait un risque d'aller créer un service aussi spécialisé à Mont-Godinne.
A.B. : Oui, on prend des risques quand on est jeune. Sokal m'avait pourtant dit qu'il me reprendrait à Louvain, si cela ne marchait pas ! Les débuts ont été difficiles, d'autant plus que j'ai dû faire de la cytologie, car Madame Lammerant avait quitté, nommée à la Croix Rouge de Namur. Pendant les premiers mois, j'étais d'ailleurs mi-temps au labo d'hémato à Louvain.
R.K. : Le service d'hématologie de Mont-Godinne s'est bien développé.
A.B. : Oui. Aujourd'hui on peut considérer qu'avec le Sart-Tilman nous sommes les plus importants services d'hématologie de Wallonie.
R.K. : Malgré la tâche absorbante de la création d'un service, tu as préparé l'agrégation.
A.B. : Oui, en partie à l'ICP dans le laboratoire de Michel Symann, sur les colonies lymphocytaires : la partie clinique était focalisée sur les lymphomes 1. C'est le domaine que m'avait confié Sokal. Je faisais en outre de l'oncologie, surtout pour les pneumologues, jusqu'à l'arrivée du regretté Patrick Weynants. A cette époque, l'oncologie n'était pas encore très développée.
R.K. : Tu as dû faire des consultations extérieures au début.
A.B. : Bien sûr, comme tous ceux qui s'implantaient à Mont-Godinne... ce fut à Bouge, à Sainte Elisabeth et à Saint Camille, et en outre à Charleroi et Libramont. En 1984, un groupe international francophone sur le lymphome a été créé, le GELA 2. J'en ai fait partie dès le début.
R.K. : Il y a aussi l'enseignement aux Facultés Notre-Dame de la Paix à Namur ? On s'est aperçu qu'il fallait que des professeurs de candidature aient des activités cliniques pour mieux préparer les étudiants à leur futur travail.
A.B. : Le cours d'immunologie générale et d'immunopathologie m'a été attribué en 1990. Un laboratoire " appui à l'enseignement clinique " a été récemment créé et j'en suis le responsable. Personnellement, je donne des cours, mais les professeurs à temps plein font aussi de la recherche fondamentale. A Woluwé, je participe aux cliniques et aux séminaires en second doctorat.
R.K. : La réussite médicale est donc indiscutable. Pourquoi dès lors une activité politique en parallèle ?
A.B. : J'ai toujours eu des activités en dehors du travail médical pur. J'ai été président du Conseil Médical ; j'ai participé au CREMEC à Namur et à l'Ordre des Médecins.
R.K. : Syndicaliste aussi ?
A.B. : Non. Je n'étais pas toujours d'accord.
R.K. : Et la fibre politique ?
A.B. : Elle s'explique sans doute par le passé familial. Mon père, magistrat, est devenu chef de cabinet du ministre de la justice en 1950-1954 ; à cette époque, mon père avait des réunions politiques très tardives. Les ministres étaient Pholien, Moyersoen et du Bus de Warnaffe, tous trois PSC. Plus tard, mon père devint membre actif de " la Relève ", un groupe de jeunes PSC, plutôt à gauche ; il m'arrivait d'assister à des réunions qui se passaient parfois à la maison. J'étais en humanités.
A l'université, à l'époque du " Walen buiten ", j'ai été un membre actif de la résistance à l'expulsion. J'ai été en 2ème doctorat vice-président du Cercle Médical et j'assistais aux réunions de l'AGL 3 et du MUBEF 4. J'ai eu l'occasion de rencontrer, en 1968, des politiciens et notamment François Persoons, tête de liste PSC à Bruxelles, face à VDB 5 qui était sur la liste CVP ; François Persoons fut le seul élu de la liste PSC. J'ai participé à sa campagne. Puis je n'ai plus fait de politique, me consacrant à ma formation médicale.
R.K. : Une trêve dans le combat politique ?
A.B. : Une longue pause pendant laquelle je changeai d'opinion, me retrouvant difficilement dans les partis politiques de l'époque. J'étais à la gauche des vieux briscards du PSC, mais quand je me trouvais dans des réunions de l'AGL, je me situais plutôt au centre. Par contre, je me suis rendu compte au fil des années, de l'importance des appuis politiques : mon père en a besoin pour être nommé à la Cour de Cassation et mon frère au Conseil d'Etat.
R.K. : On peut malgré tout regretter la politisation de ces organes de l'état ?
A.B. : Ce qui est certainement regrettable c'est qu'il faille des appuis politiques pour que les personnes, choisies pour leurs qualités, puissent être nommées.
C'est en 2002 que j'ai repris une carte de parti. Pour défendre le statut de l'hématologie et pour faire aboutir le projet OHR 6, des contacts politiques étaient utiles.
R.K. : A quoi sert une carte de parti ?
A.B. : Une modeste cotisation offre la possibilité d'assister à des congrès et de recevoir des informations.
R.K. : On peut posséder des cartes de partis différents ?
A.B. : C'est possible, car il n'y a pas d'enquête pour l'obtention de la carte, mais je ne sais pas si cela se fait. En 2002, un de mes amis, président du CDH Namurois, m'a proposé de me présenter aux élections de 2003, au Sénat. J'avais approuvé le passage du PSC au CDH, car je pense que l'amalgame entre religion et parti n'est pas souhaitable. Bref, Joëlle Milquet et Jean-Jacques Viseur ont estimé qu'il pouvait être intéressant d'avoir sur sa liste un candidat issu de la société civile.
R.K. : Cela valait bien un joueur de football, une speakerine ou un ancien syndicaliste.
A.B. : J'étais le 13ème des 15 membres sur la liste CDH ; il n'y a eu que deux élus.
R.K. : Tu as fait campagne ?
A.B. : J'avais une petite équipe d'amis et de membres de ma famille : ils ont organisé des réunions, de Bruxelles à Arlon, en passant par Tubize, Braine-le-Comte, Tournai... J'étais tantôt seul, tantôt accompagné d'un autre candidat ; c'est ainsi que j'ai été à Tournai avec Catherine Fonck et à Bruxelles avec Benoît Cerexhe. Mon discours était uniquement centré sur la santé. J'ai parcouru pas mal de kilomètres pendant cette période et j'ai pu apprécier l'intérêt du GPS.
R.K. : Est-ce que tu avais parfois des contradicteurs au cours de ces réunions ?
A.B. : J'ai eu un débat destiné à des pharmaciens à Bruxelles avec Picquet, Ducarme et Paul Galand. J'ai apprécié Picquet et j'ai compris qui était Ducarme. Sur Canal C, la TV locale namuroise, j'ai participé à un débat avec les trois autres partis démocratiques. Lors du vote pour le sénat, j'ai obtenu 9300 et des voix.
R.K. : Et après ?
A.B. : Depuis lors, j'ai un titre au CDH un peu pompeux de secrétaire national à la santé : j'anime des réunions " mercredis de la santé ". En 2003-2004, le CDH étant dans l'opposition, les propositions ne passaient pas. Je travaillais avec Catherine Fonck, jeune député, et Bernadette Lambrechts, qui était la permanente santé.
Elles sont actuellement respectivement ministre de la santé et chef de cabinet. Avec Olivier de Stexhe, je travaille actuellement au niveau fédéral, dans une commission " hôpitaux ".
R.K. : Quel est ton avenir en politique ?
A.B. : Je voudrais me présenter au sénat en 2007. Etre coopté ? C'est peu probable.
R.K. : Quelle influence as-tu pu avoir sur certaines options ?
A.B. : J'ai pu donner l'avis d'un médecin hospitalier, avec parfois un point de vue un peu différent de celui des mutualités chrétiennes.
R.K. : Y a-t-il parfois des accords, je ne dirais pas des complicités, entre médecins appartenant à des partis différents ?
A .B. : Probablement, oui, au niveau des élus. Ils peuvent défendre certaines choses ensemble.
R.K. : Quelle est votre possibilité de liberté, vis-à-vis de la ligne du parti ? J'ai parfois l'impression qu'un parti fait bloc, sans beaucoup de nuances, et si certains prennent des distances vis-à-vis des consignes, c'est temporaire, un peu pour paraître démocratique.
A.B. : J'ai été impressionné par le contenu des programmes électoraux, qui sont soigneusement et démocratiquement élaborés.
R.K. : Des contacts avec les CVP broeders ?
A.B. : Il y en a, je crois, à un niveau élevé et dans les cabinets au niveau fédéral, dont certains membres, d'ailleurs, ne sont pas affiliés à un parti.
R.K. : A part ces activités denses en médecine et en politique, as-tu un hobby ou des passions ?
A.B. : L'art, la littérature, les voyages.
R.K. : Parmi les personnalités belges les plus marquantes pour lesquelles la RTBF veut nous faire voter... quel serait ton choix ?
A.B. : J'aurais tendance à dire Jacques Brel.
R.K. : Merci, professeur Bosly, pour ce témoignage qui va peut-être susciter des vocations chez des confrères.
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Progrès dans le traitement des lymphomes.
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Groupe d'étude sur le lymphome de l'adulte.
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Assemblée Générale des étudiants de Louvain.
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Mouvement Universitaire Belge d'Expression Française.
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Van den Boeynants.
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Oncologie, hématologie, radiothérapie du Namurois.