Numéro 22 :

Les interviews de l'AMA-UCL

Patrick Willems, Président de l’Institut d’Education Physique et de Réadaptation

AMA : Quelle est l’importance de l’IEPR ?
Patrick Willems : Grosso Modo, l’IEPR compte 650 étudiants dont 450 en kinésithérapie, 150 en éducation physique et une cinquantaine dans le 3ème cycle, diplôme d’études complémentaires (DESC), doctorats en éducation physique ou en réadaptation, c’est-à-dire en quelque sorte le diplôme des chercheurs et étudiants en diplôme d’études spécialisées.
Le groupement de l’éducation physique et de la kinésithérapie est logique : nous sommes un institut des sciences de la motricité ;  l’éducateur physique éduque par le mouvement, tandis que le kinésithérapeute rééduque par le mouvement.  Nos kinésithérapeutes font de la pratique sportive, car on attend d’eux qu’ils soient à l’aise dans le mouvement.  Leurs cours sont toutefois moins axés vers des techniques sportives, mais plus vers la motricité générale : ils doivent être à l’aise à l’eau, avec un ballon, etc…

AMA : Quelles sont les carrières qui s’offrent à ces licenciés ?
Patrick Willems :Un quart des licenciés vont vers l’enseignement.  Nos licenciés étant universitaires, leur créneau principal doit être ou devrait être les dernières années de l’enseignement secondaire.  Un tiers vers le secteur médical et paramédical : ils sont très appréciés dans le domaine de la représentation médicale parce qu’ils ont appris les techniques de communication et ont une formation en physiologie, suffisante pour appréhender les notions nécessaires au délégué médical.  15 % des licenciés vont vers le monde sportif, comme entraîneurs de club, créateurs de centre de « fitness », gestionnaires de centres sportifs.

AMA : Pour diriger un centre de fitness, exige-t-on un diplôme ?
Patrick Willems : Je ne le pense pas.  Par contre, pas mal d’éducateurs physiques se lancent dans ce domaine.  Le monde des loisirs prend une place de plus en plus importante dans notre société : l’éducateur physique peut y jouer un rôle important.

AMA : Pour suivre ces études, une bonne condition physique est-elle exigée ?  Y a-t-il un examen d’entrée, avec épreuves physiques ?
Patrick Willems : Il n’y a plus d’examen d’entrée, mais un examen médical qui vise uniquement à s’assurer qu’il n’y a pas chez le candidat un problème majeur qui empêcherait d’avoir une activité physique : les études sont relativement exigeantes, surtout en candidature.  Il faut à la fois suivre des cours de pratique sportive et de motilité générale et des cours théoriques (chimie, biochimie, physique, mécanique, biologie, etc …)  Se mettre à étudier de la physique et de la chimie après quatre heures de pratique sportive demande pas mal de volonté.

AMA : Y a-t-il des tests d’aptitude physique au cours des études ?  Des performances sont-elles exigées ?
Patrick Willems : Il y a des cours de motricité générale, de sport collectif, de gymnastique et de combat : le professeur demande évidemment qu’un certain niveau soit atteint.  Au début des études, on va s’efforcer que l’étudiant soit à l’aise dans la pratique du sport, mais ultérieurement le but est que l’élève apprenne à enseigner.
Dans un petit fascicule destiné à l’étudiant, sont décrites des capacités conseillées.  Par exemple, s’il ne sait pas nager, il aura des problèmes au cours de la première candidature.

AMA : Des handicapés peuvent-ils entreprendre ces études ?
Patrick Willems : Nous avons actuellement en première licence un étudiant ancien médaillé des jeux olympiques pour personnes handicapées.  Il est en chaise roulante et certains cours pratiques ont été adaptés pour lui.

AMA : Au cours des études, il doit vous arriver de dépister certaines maladies qui peuvent demander une surveillance particulière ou une adaptation des activités sportives : je songe aux diabétiques, aux épileptiques …
(Réponse Prof. Sturbois ?)
Patrick Willems : Historiquement, l’enseignement de l’éducation physique a débuté à Leuven il y a plus de 50 ans : la 50ème promotion a été fêtée en 1996, les études avaient donc commencé pendant la guerre par un centre sportif créé par le professeur Jean-Paul Denayer, puis par le Sport Kot localisé près de la porte de Namur.  A partir des années 60, la licence en éducation physique a pu être complétée par une formation en thérapie par le mouvement, c’est-à-dire la kinésithérapie.  Le volet kinésithérapie a pris de plus en plus d’importance, surtout après le déménagement à Louvain-la-Neuve, notamment avec l’accueil des filles qui à Leuven faisaient leurs études au Parnasse et ne venaient au Sport Kot que pour des compléments de formation.

AMA : Qu’en est-il de la formation en physiothérapie ?
Patrick Willems : Nous formons des licenciés en kinésithérapie et réadaptation : la kinésithérapie englobe donc la physiothérapie et couvre de plus en plus de domaines dans le secteur médical, tels les domaines respiratoire, neurologique, orthopédique, vasculaire, pédiatrique, maxillo-facial …  L’art de la kinésithérapie est en pleine mouvance, tandis que la physiothérapie est un peu en recul.  Les techniques de physiothérapie ne seront plus remboursées dorénavant que si elles sont associées à d’autres actes : thérapie manuelle, mobilisation, massage…

AMA : Il est donc possible de se spécialiser en kinésithérapie après un tronc commun ?
Patrick Willems : Actuellement, les spécialités de kinésithérapie ne sont pas reconnues.  Nous formons des kinésithérapeutes pluri-spécialistes.  Ensuite, ce que nous constatons c’est que le kiné, soit s’installe en privé et devient un kinésithérapeute généraliste, soit travaille en hôpital et habituellement ne travaille plus que dans l’un des domaines spécialisés.

AMA : Est-ce que vous assurez vous-mêmes une formation spécialisée ?
Patrick Willems : Nous avons actuellement une formation complémentaire (DES) d’une cinquième année dans trois domaines : la kinésithérapie du sport, la revalidation locomotrice et la kiné respiratoire.  Nous espérons étendre ces formations spécialisées à l’avenir.

AMA : Les études comportent-elles des stages hospitaliers ?
Patrick Willems : Les quatre années d’études en kiné ont grosso modo la structure suivante :
- la première année est pratiquement commune avec l’éducation physique, avec essentiellement des cours de base : physique, chimie, biologie, anatomie ;
- la deuxième année, les cours principaux sont ceux de physiologie et de pathologie, et les techniques de base en kinésithérapie ;
- la troisième année (première licence) est consacrée à l’apprentissage des techniques dans les différents domaines médicaux ;
- la quatrième année est consacrée aux stages dans différents services hospitaliers universitaires et non-universitaires.  Il y a également possibilité de stages de 2 mois à l’étranger, notamment à Montréal et dans des pays en voie de développement.  C’est ainsi que sur les 90 étudiants qui accèdent à la seconde licence l’année académique prochaine, 40 feront un stage dans les pays en voie de développement et une trentaine iront au Canada.

AMA : Avez-vous des échanges ERASMUS ?
Patrick Willems : Non, parce que la Belgique est un des rares pays européens à avoir des études universitaires en kinésithérapie et que les échanges ERASMUS doivent se faire entre institutions universitaires.
Un maître de stage ne peut avoir qu’un seul stagiaire en kiné.  Il y a 4 stages obligatoires : orthopédie, neurologie, pneumologie et le stage dit ambulant privé ; pour les autres stages, l’étudiant peut choisir : vasculaire, maternité …

AMA : Qu’en est-il de la recherche à l’IEPR ?
Patrick Willems : Nous avons actuellement une quinzaine de doctorants.  Nous essayons d’ouvrir notre formation doctorale à des étudiants venus de l’étranger : deux américains viendront faire leur thèse de doctorat à l’institut.  Une recherche a lieu dans le laboratoire du professeur Carlier orienté vers les sciences humaines et la pédagogie.  On y évalue les interventions de l’éducateur physique dans l’enseignement primaire ou secondaire.  Une recherche a notamment été consacrée à l’image de l’éducation physique parmi les professeurs, les parents et la direction des établissements scolaires.  Le laboratoire des professeurs Sturbois et Marc Franco étudie la physiologie de l’effort, chez le commun des mortels, chez l’athlète de haut niveau et chez les personnes non valides, tout particulièrement les paraplégiques, chez qui un problème important est la thermorégulation, notamment au niveau des membres inférieurs.
A côté du domaine de la recherche, nous assurons un service à la société : un athlète, un handicapé ou toute autre personne peut venir à l’IEPR pour savoir s’il est apte à pratiquer tel ou tel sport.

AMA : Vous allez les évaluer, les réévaluer éventuellement, leur donner des conseils, mais ce n’est pas vous qui allez les entraîner.  Avez-vous des accords avec certaines organisations sportives .
Patrick Willems :  Le professeur Marc Franco a, par exemple, un accord avec l’ADEPS.  Tous les athlètes financés par l’ADEPS doivent passer chez nous pour vérification de leur condition physique et de leur niveau d’entraînement.

AMA : Si vous constatez ou suspectez un dopage, que faites-vous ?
Patrick Willems : Le dépistage du dopage est très onéreux et les techniques de dopage de plus en plus raffinées : nous ne sommes pas équipés pour le dépistage.
(Avis professeur Sturbois ?)
A côté de ce que je pourrais appeler l’aspect préventif, il y a également un domaine curatif.  Les blessés doivent se soigner et être ensuite réadaptés.  C’est une médecine du sport que nous assurons.

AMA : Quelles sont vos installations ?  Quelles sont vos relations avec le complexe sportif ?
Patrick Willems : Nous avons la chance de disposer d’installations sportives toutes proches : les installations du Blocry ont été créées en co-propriété par l’UCL, l’ADEPS et la ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve.  Il y a des salles pour le sport collectif, des salles de badmington, de squash, de judo, de musculation, d’escalade et une salle de gymnastique récente, une des plus belles de la communauté française, mais aussi des terrains de tennis, de football, d’athlétisme et même de tir à l’arc.  Le choix a été fait de construire deux piscines de 25 mètres plutôt  qu’une seule de 50 mètres.  L’une est publique, accessible aux particuliers et aux écoles, l’autre est réservée à l’IEPR, à des clubs sportifs de haut niveau et à l’association du personnel.  Toutes ces installations sont à trois minutes à pied de l’Institut.  L’UCL a priorité sur l’occupation des salles pendant l’année et l’ADEPS pendant les périodes de congé.  Le privé et les clubs peuvent louer des salles en dehors des occupations prioritaires.

AMA : Vous avez, je crois, une antenne à Woluwe ?
Patrick Willems : Pour des raisons de proximité avec les cliniques, un des laboratoires de l’Institut se trouve sur le site de Woluwe : c’est le laboratoire de réadaptation qui s’occupe de l’évaluation sensori-motrice de la personne handicapée dans trois domaines : la douleur (Professeur Plaghki), l’évaluation sensori-motrice du membre supérieur (professeur Thonnard) et la marche pathologique : cela concerne les problèmes de spasticité, l’évaluation de la marche chez l’enfant infirme moteur cérébral, chez l’hémiplégique et les problèmes de marche après les prothèses de genou.  Ce laboratoire travaille en étroite collaboration avec l’équipe du professeur Rombouts.

AMA : Quelle est la participation des étudiantes à l’IEPR ?
Patrick Willems : En kiné il y a plus de filles que de garçons, c’est plutôt l’inverse en éducation physique.

AMA : Organisez-vous des activités d’enseignement continu ?
Patrick Willems : En éducation physique cet enseignement postgradué a été créé il y a une vingtaine d’années et marche très bien : chaque année plus de mille professeurs viennent se recycler et suivre des formations, ces formations ont généralement lieu au mois de juin, parce qu’à ce moment les éducateurs physiques n’ont pas d’examens à faire passer.  En kinésithérapie, la formation continue va probablement être organisée avec une accréditation par points comme en médecine.  On en parle.

AMA : La forme physique des jeunes n’est-elle pas moins bonne ?
Patrick Willems : L’impression générale des professeurs de pratique est qu’il est de plus en plus difficile de trouver des étudiants qui ont une pratique sportive de bon niveau.

AMA : Merci, professeur Willems, de vous être si aimablement soumis à la question ;  je suis convaincu que ces informations sur l’IEPR intéresseront nos confrères.