Numéro 13 :

Les interviews de l'AMA-UCL

Professeur Dominique Pestiaux, nouveau responsable du Centre Universitaire de Médecine Générale (CUMG)

 

Dominique Pestiaux est appelé à jouer un rôle important au Centre Universitaire de Médecine Générale. AMA-Contacts a saisi l'occasion pour l'interroger sur sa conception de l'enseignement de la médecine générale à l'UCL.

AMA-Contacts : Docteur Pestiaux, pourquoi un enseignement spécifique de la médecine générale à l'Université ?

D.P. : Cet apprentissage est une nécessité à partir du moment où il existe une discipline particulière sous-tendue par une pratique bien définie et une base théorique. La spécificité de la médecine générale a été reconnue par la Communauté européenne puisque celle-ci a publié il y a plus de 10 ans des directives qui sont aujourd'hui d'application dans les différents pays. A l'UCL, le CUMG existe depuis plus de vingt ans.

AMA-Contacts : Au cours de leur formation, comment les étudiants vont-ils faire le choix de la médecine générale ?

D.P. : A mes yeux, ce choix doit être positif et non un pis-aller. Ceci est une priorité : il est donc indispensable que dès le 1er doctorat, les étudiants perçoivent la spécificité de la médecine générale et sa complémentarité avec le milieu spécialisé. Le contact avec la médecine générale peut se faire de plusieurs manières :

• un cours d'initiation à la médecine générale dès le 1er doctorat, prévu pour l'année académique 2000-2001;
• un projet de stage d'observation en médecine générale dès le 2ème doctorat;
• les rencontres "à la carte" avec diverses pratiques médicales, organisées par l'AMA-UCL pour les étudiants de 1er et 2ème doctorat.

AMA-Contacts : Les spécialistes n'ont-ils pas un rôle important dans la formation des généralistes ?

D.P. : Le rôle des spécialistes dans cette formation n'est certes pas à remettre en question, mais il est par ailleurs évident qu'un rééquilibrage de cette formation est nécessaire avec notamment une orientation vers les soins de santé primaires, les problématiques médicales, sociales et relationnelles propres à la médecine générale. Des particularités de la médecine générale, comme par exemple la continuité des soins, la globalité, l'intégration, le suivi de pathologies chroniques ou l'accompagnement du patient en fin de vie doivent être enseignées en tenant compte de la situation concrète et de l'approche spécifique du médecin généraliste.

AMA-Contacts : Certains étudiants ne choisissent-ils pas la médecine générale sans réelle vocation, parce que les places sont limitées pour la formation spécialisée ?

D.P. : C'est possible. La solution à ce problème dépend d'une présence effective de la médecine générale dans la formation médicale de base pour y décrire le rôle et le mode d'insertion du généraliste dans les soins de santé.

AMA-Contacts : Comment les étudiants qui ont échoué au concours pour une formation spécialisée peuvent-ils se réorienter en médecine générale ?

D.P. : C'est un problème difficile, si ces étudiants n'ont pas constitué un capital correspondant aux 200 heures de formation préalable obligatoire pour avoir accès à la formation spécifique de deux ans en médecine générale. L'idéal serait que l'étudiant doive accomplir le parcours universitaire recommandé par les directives européennes. C'est-à-dire, après six années d'études, une première année de pré spécialisation donnant accès au permis de pratique et à la formation spécifique de deux ans. Pour le petit groupe d'étudiants qui ont échoué au concours, le CUMG va mettre en place un programme de remédiation utilisant des moyens pédagogiques originaux. Ceci afin de compléter les heures manquantes pour atteindre le quota requis de 200 heures.

AMA-Contacts : Quelles sont les particularités de l'enseignant en médecine générale au CUMG ?

D.P. : Les trois caractéristiques de l'enseignant universitaire sont la pratique médicale, l'enseignement des futurs médecins, la recherche en vue de développer de nouvelles connaissances dans son domaine. Historiquement, et c'est un article du New England Journal of Medicine du mois de septembre qui le précise, la fonction de recherche est privilégiée à l'Université avec la reconnaissance liée aux publications dans des revues de prestige. Le même article évoque la notion de "clinicien éducateur" qui correspond assez bien à la tâche d'enseignant au CUMG. Ceci dit, il y a encore trop peu de recherches réalisées et publiées en médecine générale et il s'agit, là aussi, d'une priorité pour le CUMG.  

AMA-Contacts : Y a-t-il au CUMG des formations spécifiques ?

D.P. : Jusqu'à présent, il y a deux formations qui sont certifiantes dans le cadre d'une pratique de médecine générale. Il s'agit d'une part de la formation à la consultation de l'Oeuvre Nationale de l'Enfance (ONE) et d'autre part de la formation à la pratique de l'électrocardiographie. Il serait intéressant d'envisager la formation à certains aspects de la pratique du généraliste en l'envisageant de manière globale depuis le début des doctorats jusqu'à la fin de la formation spécifique. Une réflexion intéressante a lieu actuellement à l'UCL, sur un projet de formation à la gestion des urgences à partir du 2ème doctorat.

AMA-Contacts : Le CUMG ne devrait-il pas avoir accès aux Cliniques Saint-Luc ?

D.P. : Si le CUMG n'est certes pas marginalisé à la Faculté de Médecine grâce à sa présence dans plusieurs commissions, il est vrai qu'il n'est pas présent dans les cliniques universitaires, n'y a pas la responsabilité de patients et pas d'activité de recherche. L'idéal serait que des médecins généralistes soient impliqués dans la prise en charge de patients, par exemple à la salle d'urgence. Le rapprochement des Cliniques Saint-Luc avec l'Institut Albert-Elizabeth, dirigé par des généralistes, est également intéressant pour l'avenir.

AMA-Contacts : Y a-t-il en Belgique des revues destinées au généraliste autres que les journaux toutes boîtes, sous forte influence publicitaire ?

D.P. : Il y a la revue de la Société Scientifique de Médecine Générale avec son équivalent néerlandophone (Huisarts Nu). A l'étranger, les revues sont nombreuses, mais anglophones pour la plupart, tel "The European Journal of General Practice". On peut également citer en France la revue "Prescrire" ou "La revue du praticien". La connaissance de l'anglais est dans ce domaine plus que souhaitable et un cours d'anglais médical serait peut-être le bienvenu dans le curriculum. Rappelons également que dans le domaine de la formation continue, la Commission d'Enseignement Continu de l'UCL est très active, propose une formation décentralisée de qualité dans laquelle les généralistes jouent un rôle important et pour chaque séance d'enseignement continu édite un fascicule reprenant les diverses interventions.

AMA-Contacts : Devrait-on élargir la panoplie des examens techniques confiés au médecin généraliste ?

D.P. : Ces examens techniques posent le problème de la validité des résultats et de la qualité de l'appareillage. L'échographie est une bonne illustration de ce problème : cet examen est très opérateur-dépendant et les appareils performants sont très coûteux. Je pense que le champ de la médecine générale est tellement vaste qu'il est difficile de demander à l'omnipraticien d'assimiler une technologie sophistiquée dont l'apport n'est pas toujours évident en comparaison de l'anamnèse, de l'interrogatoire et d'un examen clinique bien conduits.

AMA-Contacts : Y a-t-il des contacts et des échanges entre les CUMG de notre pays ?

D.P. : Il existe une volonté d'actions communes entre les trois entités francophones du pays. On peut prévoir une concertation, des colloques, une évaluation commune des compétences … mais l'on se heurte parfois aux clivages bien connus dans ce pays.

AMA-Contacts : Tous nos vœux de réussite au CUMG de l'UCL et à tous ses membres.