Numéro 65 :

In Memoriam Paul Hennebert

Guy Cornu

Françoise Dolto a raison de penser que la mort n’est pas un évènement, du moins un évènement que nous avons à vivre, car nous ne le vivrons jamais, pas plus que nous n’avons vécu notre naissance.  Ce sont les autres qui nous ont vu naitre : ce sont les autres qui nous voient mourir.  Notre mort touche les autres, ceux qui nous ont accompagnés durant notre vie, ceux qui nous ont aimés, ceux qui se souviennent de nous en bien, ceux qui devront apprendre à vivre sans nous et qui en souffrent.  Ce sont tous ceux qui ont côtoyé Paul Hennebert et liront ces lignes pour lui dire un dernier adieu, se souvenir de ses qualités de cœur, son sens de l’humain, ses principes de vie.  Sa disparition, le 2 mars 2010, nous a fait percevoir la perte d’un compagnon de route dont chacun appréciait la personnalité attachante et courageuse.

Souvenons-nous du médecin.  Diplômé en 1948, le docteur Paul Hennebert devient assistant en chirurgie aux Cliniques universitaires St. Pierre à Leuven dans le service des professeurs Georges Debaisieux, Jean Morelle et Albert Lacquet.  Spécialiste en chirurgie générale avec certification en urologie, il est sollicité en 1952 par le professeur Guy Malengreau pour rejoindre l’Hôpital de la fondation médicale de l’Université de Louvain au Congo à Kisantu.  Il y assure les soins et l’enseignement au personnel soignant. En outre, il résout de multiples problèmes techniques : équipement de salles d’opération, stérilisation du matériel, création d’un service d’anesthésie…

En 1953, de retour en Belgique, Paul Hennebert est nommé aspirant au Fonds national de la recherche scientifique et poursuit ses travaux sur les cellules granuleuses des artérioles afférentes au rein et en 1957, il défend une thèse d’agrégation d’enseignement supérieur sur «  les cellules granuleuses du rein » qui seront identifiées par la suite comme génératrices de la sécrétion de rénine.

A cette époque, l’Université de Louvain souhaitait fonder une université au Congo. Paul Hennebert et sa femme décident de retourner en Afrique dans le cadre de la future université.  En 1957, il est nommé professeur de pathologie chirurgicale à la Faculté de médecine de l’Université Lovanium à Kinshasa pour y structurer un service universitaire.  Il s’entoure de collaborateurs de qualité, notamment : Ernest Wibin, Pierre Renoirte, Michel Seghers et Bernard Gribomont.  Se réservant l’urologie, il réalise des mises au point urodynamiques dont les résultats seront publiés dans le British Journal of Urology.  L’esprit qui animait cette équipe était de favoriser la création d’une élite intellectuelle congolaise capable de prendre le relai.

Paul Hennebert était aussi un homme de cœur témoignant d’une préoccupation sincère pour toute détresse.  A Kinshasa, il était frappé de rencontrer à l’entrée des magasins de nombreux handicapés, victimes de la poliomyélite.  Aucune structure de soins n’existait à cette époque !  Sur l’initiative de Madame De Craeye, un centre de rééducation pour handicapés physiques est mis sur pied.  Paul Hennebert y apporte son aide sur le plan diagnostique et thérapeutique.  Il traduit, avec l’autorisation de l’auteur, le professeur Huckstep, une brochure sur le traitement chirurgical et la réhabilitation de plusieurs handicaps physiques par appareillage simplifié.  Ce fascicule sera largement diffusé en Afrique francophone.

Rentré d’Afrique en 1965 pour raisons familiales, il est nommé professeur extraordinaire à la Faculté de médecine de l’UCL, chargé de l’enseignement de la propédeutique chirurgicale et, ensuite, de l’urologie pédiatrique.  Soutenu par le F.N.R.S., il développe un laboratoire d’urologie expérimentale qui accueillera de nombreux médecins étrangers.  Le déménagement de la Faculté de médecine à  Woluwe lui permettra de poursuivre ses activités de recherche et de soins en urologie pédiatrique et en uro-dynamique et d’organiser sa relève par les professeurs Renier-Jacques Opsomer et François-Xavier Wese.

Si ses activités scientifiques furent fécondes - plus de cent publications dans le domaine de l’urologie - il y a lieu de mettre aussi en exergue son investissement dans la société.  De 1978 à 1988, Paul Hennebert a assumé la présidence du Conseil d’administration de la Fondation médicale de l’Université de Louvain en Afrique centrale.  Il fut ensuite membre fondateur de « Louvain Développement », association d’aide au Tiers Monde.

Souvenons-nous aussi de l’humaniste, époux de Bernadette Etienne et père d’une famille nombreuse.  Est-il possible de rendre hommage à Paul Hennebert sans y associer son épouse Bernadette, artiste aquarelliste, qui a soutenu son mari dans tous ses projets et l’a encouragé à développer ses talents artistiques.  Dans leur maison d’Oud-Heverlee, si accueillante pour leurs enfants et petits-enfants, les amis pouvaient découvrir un double atelier : celui de Bernadette, artiste peintre, et celui de Paul : reliure et restauration de livres, à laquelle il appliquait son habileté de chirurgien.  De nombreux livres anciens, confiés par d’importantes bibliothèques, sont passés entre ses mains pour retrouver leur beauté d’origine.

C’est à Néthen qu’il a poursuivi jusqu’à ses derniers jours un projet africain : créer une école primaire dans le village congolais dont le curé de la paroisse était originaire.  Dans cette église de Néthen où la messe de funérailles a été célébrée, de nouvelles chaises, un Christ en croix et des objets de culte restaurés sont témoins de sa générosité.

La photo souvenir nous rappelle son sourire accueillant et son regard bienveillant.

Chère Madame Hennebert et vous, ses enfants et petits-enfants, nous vous remercions d’avoir accepté que Paul partage sa vie avec la nôtre, de l’avoir soutenu de votre affection et encouragé de votre compréhension.  Nous voudrions que cet éloge que nous faisons de votre mari, de votre père, vous le compreniez comme un merci que nous vous adressons.  A vos côtés, nous garderons sa mémoire, celle d’un ami cher, d’un collègue respecté, d’un maitre particulièrement apprécié.

N.B. Voir l’interview dans l’AMA-Contacts n° 45 et les articles du professeur Hennebert dans l’AMA-Contacts n° 50 consacrée à Lovanium.