Numéro 62 :

In Memoriam Lucien Brasseur

Christian Brohet

 

C’est le 5 mai 2009 que nous a quitté le professeur Lucien Brasseur et je voudrais ici rendre hommage à celui qui fut, pour nombre d’entre nous, membres des services de pneumologie et de pathologie cardiovasculaire des Cliniques universitaires de l’UCL, un vrai « grand patron ».

Le professeur Lucien Brasseur, après avoir décroché son titre de docteur en médecine de l’UCL en 1951, entama une spécialisation en médecine interne et, très tôt, s’investit dans la recherche clinique.  Il devint aspirant au FNRS et réalisa des séjours de perfectionnement en Angleterre et en France.  Dès l’année 1968, il fonda aux Cliniques universitaires St-Pierre à Leuven le centre d’évaluation et de réadaptation des affections cardiorespiratoires – une première en Belgique – auquel succéda en 1976 aux Cliniques universitaires St-Luc le centre de réadaptation pour cardiaques dont il fut également le premier directeur.  Cette même année 1968, le professeur Brasseur devint président de l’Institut supérieur du travail et il créa le laboratoire d’explorations fonctionnelles cardio-pulmonaires qui allait s’avérer une pépinière de jeunes spécialistes, non seulement des médecins mais aussi des ingénieurs, chimistes et technologues œuvrant au renom, en Belgique et à l’étranger, de nos deux services de pneumologie et de pathologie cardiovasculaire.  D’ailleurs, durant toute sa carrière, le professeur Brasseur gardera un intérêt marqué pour la recherche clinique dans ces disciplines : cardiologie, pneumologie et médecine du travail, dans leurs différents aspects : prévention, diagnostic et traitement.  Après le décès du professeur Lavenne, le professeur Brasseur assura la direction du service de pathologie cardiovasculaire des Cliniques St-Luc, jusqu’à son admission à l’éméritat en 1988.

De par ses qualités d’organisateur, son dynamisme et son incessante quête de l’excellence, Lucien Brasseur fut le véritable moteur de la recherche clinique dans les deux services de pneumologie et de pathologie cardiovasculaire.  Homme d’action, il eut toujours la volonté de s’entourer d’une équipe de collaborateurs dont il exigeait le meilleur, aussi bien en pratique clinique que dans la recherche scientifique.
Mais il était d’abord exigeant pour lui-même.  Doué d’une force de travail hors du commun, il était présent à son bureau quasi dès potron-minet.  Comme le rappelait le professeur Melin dans l’éloge prononcé lors de ses funérailles, le professeur Brasseur téléphonait parfois le matin à 8h05 à ses collaborateurs en leur disant qu’il les avait cherchés toute la matinée et, si un numéro de téléphone ne répondait pas, il composait systématiquement les numéros de téléphone voisins.  Il gardait précieusement un gros agenda de poche avec toutes les choses à réaliser chaque jour.  La perte momentanée de cette précieuse liste envoyait immédiatement plusieurs secrétaires à sa recherche !

Le professeur Brasseur était aussi un médecin exigeant pour ses patients.  Il insistait sans cesse sur l’importance des règles d’hygiène de vie, notamment la diététique et l’activité physique, indispensables dans le cadre de la prévention cardiovasculaire.  Très humain, il n’hésitait pas à accompagner personnellement ses patients, les prenant par la main pour les mener dans le dédale des couloirs de St-Luc vers la réalisation d’examens complémentaires.  Il n’hésitait pas non plus à solliciter l’avis de collègues chaque fois que cela lui paraissait nécessaire.  Certains d’entre nous se sont parfois cru victimes de « harcèlement intellectuel » quand, le dimanche matin, sous la douche, ils recevaient un appel téléphonique du patron au sujet d’une précision à apporter dans la rédaction de son courrier médical.
Vis-à-vis de ses collègues et collaborateurs, le professeur Brasseur donnait l’image d’un chef d’entreprise qui ne laissait au hasard aucun détail.  Il ne comptait pas son temps quand il s’agissait de récolter des fonds extérieurs pour le financement du centre de réadaptation ou de la médecine du travail.  Il a largement contribué à la formation des jeunes qu’il choisissait pour travailler sous sa direction, les conseillant et les suivant pendant tout leur parcours académique.  Avant l’ère des contacts par Internet, il n’hésitait pas à nous écrire de longues lettres, à nous téléphoner longuement et, aussi, à prendre l’avion pour traverser l’Atlantique et venir passer quelques jours en notre compagnie.  Dès notre retour nous étions soumis à une bienveillante pression de sa part pour mener à bien, aussi vite que possible, une thèse d’agrégation de l’enseignement supérieur.

En ce qui concerne son institution, l’UCL et les Cliniques universitaires Saint-Luc, le professeur Brasseur les appréciait et il était apprécié des autorités cliniques et académiques, même si on l’entendait parfois se plaindre de ce que « les universitaires sont des gens difficiles ».  Parfait trilingue (français, néerlandais et anglais), le professeur Brasseur avait l’art de nouer des contacts fructueux avec d’autres institutions dans le pays et à l’étranger, et il contribua de la sorte à assurer la notoriété de notre Alma Mater.

Et finalement, cette exigence dans le travail s’est toujours accompagnée pour nous, ses proches collaborateurs, d’une amitié et d’une franche cordialité amenant des contacts occasionnels avec sa famille, son épouse Gaétane et son fils Philippe.  Jamais un appel téléphonique ne se terminait sans un « et comment vont ta femme et tes enfants ? »

Pour tout cela, tous ces moments partagés au travail et en famille, nous pouvons remercier le professeur Lucien Brasseur et lui dire que nous garderons effectivement de lui le souvenir d’un « grand monsieur ».

 

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