Numéro 18 :
In Memoriam Henoch Meunier
C’est avec émotion que nous avons appris le décès du Professeur Henoch Meunier survenu le 7 novembre 2000, à la veille de ses 72 ans.
Proclamé docteur en médecine en 1953, il se spécialisa en Médecine Interne sous l’égide du Professeur Lambin puis il occupa un poste d’interniste à l’hôpital de Châtelet. Ensuite, le Professeur Lavenne le rappela pour lui confier la Médecine interne générale dans le service qu’il dirigeait et qu’il était occupé de structurer. Déjà à cette époque, jeune interniste, il avait été remarqué pour ses compétences extrêmement étendues et pour la conception qu’il avait de la relation entre le médecin et son malade.
Monsieur Meunier était un médecin et un interniste érudit, il avait des connaissances encyclopédiques. Sans bruit, il se tenait informé de la littérature médicale. Dans un désir de toujours progresser et de mieux comprendre, il a souhaité poursuivre une activité de laboratoire en mettant au point différentes techniques de dosages au laboratoire de la Clinique « Le rayon de soleil » à Montignies-le-Tilleul. Il s’intéressait particulièrement au métabolisme des lipides.
La culture médicale du Professeur Meunier n’était pas pour lui un prétexte pour se mettre en évidence. Trop modeste, il fallait être confronté à des situations difficiles pour lui demander conseil et se rendre ainsi compte de l’étendue de ses connaissances. Il était d’une réserve parfois excessive.
Le Professeur Meunier exerçait la médecine comme un véritable sacerdoce. Bien sûr, il accompagnait ses jeunes assistants, leur enseignait la médecine interne dans un véritable compagnonnage. Mais le dialogue singulier du médecin et du malade restait son leitmotiv absolu. Il revoyait ses malades, seul dès la première heure de la journée ou souvent tard le soir. Il ne pouvait pas quitter son service sans s’être enquis de l’évolution d’un malade grave ou tout simplement aller souhaiter la bonne nuit à un de ses fidèles patients.
Outre la qualité de la formation qu’il prodigua à des générations d’internistes, le Professeur Meunier avait marqué d’un signe indélébile les étudiants des doctorats. Il assumait une partie du cours de séméiologie médicale d’abord en cotitulariat avec le Professeur Arcq, ensuite avec les Professeurs Jacques De Plaen et E. Coche. Il enseignait aussi la pathologie interne aux futurs pharmaciens et aux futurs dentistes.
Cependant, là où il excellait, c’était sûrement lors des leçons cliniques. Quel est l’étudiant qui ne se souvient pas de quelques expressions favorites du Professeur Meunier. "Dis, Madame, pourquoi es-tu venu à l’hôpital ? » Dis, Madame, où tu as mal ? ». La plupart du temps, il tutoyait ses malades et personne ne trouvait à redire à cette façon de faire. Il était tellement proche de son malade qu’il lui pardonnait tout.
Proche du malade, médecin à la vaste culture scientifique, enseignant ayant marqué des générations d’étudiants et de jeunes spécialistes, il fut souvent sollicité pour représenter son université.
Il fut entre autre membre du Conseil technique médical, de la Commission d’agrément en Médecine interne dont il assura la présidence et du Conseil de l’ordre des médecins du Brabant. Alors qu’il était déjà parmi les aînés, il s’est engagé dans le Conseil médical afin de mieux faire entendre la voix de la Communauté médicale.
Que dire de l’homme dans son intimité ? Il est certain qu’il ne se livrait qu’à quelques initiés. Il parlait peu de sa famille, il avait établi des balises quasi imperméables entre sa vie privée et sa vie à l’hôpital.
Nul ne sait quelle fut sa souffrance profonde en raison de son handicap. Sous certains aspects, il semblait négliger ce problème, mais celui-ci le tenaillait continuellement. Son dernier accident qui mit fin prématurément à son activité médicale l’a certainement marqué profondément. Il vécut sûrement des moments extrêmement pénibles. Il ne s’en remit jamais et il assista impuissant à une lente descente qui lui donna le sentiment amer de son inutilité.
Cher Monsieur Meunier, tout le monde aux Cliniques universitaires Saint-Luc vous connaissait. Tous ceux qui ont pu vous approcher de plus près ont reconnu un enseignant, un maître, un modèle. Ceux qui étaient vos confidents ont pu mieux juger encore de votre humanité et de votre souffrance. Tous nous garderons le souvenir d’un médecin au grand cœur proche de ceux qui souffrent.
Les Membres du Service de Médecine Interne Générale