Numéro 12 :
In memoriam Joseph J. Hoet (1925-1999)
Joseph Hoet était un médecin universitaire.
Cette apparente évidence résume cependant le mieux les multiples facettes d'un homme qui fut pleinement ce que ses convictions, son enthousiasme et sa générosité lui commandaient d'être.
Médecin, il le fut sans doute dès 1951, année de son diplôme de docteur en médecine. Spécialiste en médecine interne en 1957, il fut, depuis 1969, chef de clinique dans le département de médecine interne des Cliniques Universitaires Saint-Luc.
Mais, médecin, il l'était surtout par son approche des malades, qu'il accueillait avec compétence et attention. Il savait écouter et respectait celles et ceux qui s'adressaient à lui. Médecin, il l'était aussi par son souci d'approcher le patient dans sa globalité. Un des premiers, il réalisa la nécessité d'une approche multidisciplinaire du patient diabétique, par exemple, dans la prise en charge des lésions des pieds. Mais c'est la femme enceinte diabétique qui fut sa principale préoccupation. Des réunions multidisciplinaires (diabétologues, obstétriciens et pédiatres) furent initiées et poursuivies pendant de nombreuses années. Outre qu'elle permit la prise en charge optimale des patientes (en ce y compris le dépistage du diabète de grossesse), cette initiative, dont le caractère indispensable est à présent admis de tous, fut, de plus, un moteur éducatif et formatif pour toute une école, dont les réalisations se sont développées tant à l'UCL qu'à la KUL.
Médecin, il l'était encore par son souci d'améliorer les conditions de santé, notamment des diabétiques, dans les pays moins favorisés. C'est ainsi qu'il fut, en 1985, appelé comme membre du Comité de Coordination, Fédération Internationale du Diabète - O.M.S., pour le diabète et les maladies chroniques non transmissibles. Ses multiples voyages dans divers pays d'Amérique du Sud ou d'Asie visaient non seulement à recueillir des informations, mais surtout à apporter un enseignement adapté aux situations locales parfois dramatiques.
Comme universitaire, Joseph Hoet était, en effet, aussi un enseignant. Un enseignant "extraordinaire", si l'on me permet d'utiliser ici un de ses idiomes favoris.
Professeur à la Faculté de Médecine de l'Université Catholique de Louvain en 1969, Joseph Hoet enseigna la diabétologie aux étudiants de doctorat. Mais il parcourait aussi le monde, à l'invitation d'institutions académiques ou médicales, pour y prodiguer des leçons ou des conférences ou y animer des séminaires. Des médecins de plus de 45 pays ont ainsi bénéficié de sa fougue et de sa persuasion. Allez n'importe où dans le monde, où l'on parle de diabète, on se souvient de l'enseignement de Joseph Hoet !
Cette qualité d'enseignant, soutenue par une passion de communiquer un savoir, s'alimentait aussi à une source intarissable faite de curiosité et d'imagination. Homme de science, sans doute, Joseph Hoet en avait les intuitions et les audaces.
C'est ainsi qu'un des premiers, il encouragea, dès les années soixante, la mise au point du dosage radio-immunologique de l'insuline, "invention" de Yalow (qui reçut plus tard le prix Nobel) et Berson, qui devait révolutionner toute l'endocrinologie clinique et scientifique. Il stimula également les recherches sur les îlots de Langerhans, tant à l'UCL qu'à la KUL. Plus récemment, il initia, dans le département de biologie de la Faculté des Sciences, une recherche moderne visant à découvrir le rôle de l'environnement nutritionnel maternel dans le développement fœtal. Cette recherche s'inscrit dans une perspective nouvelle, postulant une origine fœtale à certaines maladies chroniques de l'adulte (comme le diabète de type 2 ou certaines maladies cardio-vasculaires). Cette ouverture scientifique valut au laboratoire dont Joseph Hoet était co-directeur, d'être reconnu comme "Centre Collaborateur O.M.S. pour le Développement de la Biologie du Pancréas Endocrine". De nombreux jeunes, doctorants et mémorants, ont ainsi bénéficié du contact souriant et dynamisant de Joseph Hoet, qui les soutenait dans leurs efforts de recherche, attentif à leurs observations qu'il les aidait à intégrer dans une vision globale.
Membre titulaire de l'Académie Royale de Médecine de Belgique en 1988 et premier vice-président en 1993, membre de l'Academia Nacional de Medicina de Argentina en 1991, membre fondateur du Diabetes Pregnancy Study Group de l'EASD en 1970, président de la Fédération Internationale du Diabète de 1988 à 1991, vice-président du Comité d'Éthique Européen en 1982, administrateur fondateur de l'Association Belge du Diabète, membre de nombreuses sociétés scientifiques étrangères, éditeur pour l'Europe de Diabetes Research and Clinical Practice, Joseph Hoet avait assumé encore d'autres responsabilités qu'il serait trop long d'énumérer ici.
Qu'il me soit permis de terminer en évoquant brièvement l'homme. Il était accueillant pour tous, conciliant parfois à l'excès, persévérant et animé fortement d'une vie intérieure presque contagieuse. L'espoir sans doute, sa foi dans l'homme et la conviction de bien faire, l'ont amené, par delà les obstacles, à la reconnaissance que nous lui devons. Issu, comme son épouse, d'une famille nombreuse, père d'une famille nombreuse également, grand-père choyé, Joseph Hoet aimait la vie. Il aimait aussi le sport et le pratiquait avec la passion et la fougue qui le caractérisaient. Joseph Hoet est mort comme il a vécu : en pleine action.
Que sa famille trouve dans cette vie exemplaire la force de surmonter l'épreuve qui l'a frappée inopinément.
R. De Hertogh
(service d'endocrinologie, Cliniques St-Luc)