Numéro 51 :

Promotion des médecins du 30 juin 2007

Discours des jeunes promus

 

 

Monsieur le Recteur, Monsieur le Pro-Recteur, Monsieur le Doyen,  Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Chères familles, Chers amis,
Chers futurs consœurs et confrères, Bonjour à tous,

Nous sommes heureux de vous voir tous rassemblés dans cet auditoire, en ce jour si important pour nous.  Merci à vous d’être à nos côtés aujourd’hui, comme vous l’avez été pendant ces nombreuses années.

Les sept années écoulées ont été riches et intenses !  Que de soirées endiablées, de délires, de fous rires !  Que de cours manqués, de blocus acharnés, de syllabus tant et tant retournés !  Ces matières, à peine étudiées et déjà oubliées.  Que d’amis rencontrés, de ragots racontés, de regards échangés !  Il est difficile pour nous de vous les résumer en un simple discours…  Nous allons tenter dans les quelques minutes qui suivent de vous dresser un portrait de tous ces moments forts que nous avons vécus ensemble et qui nous ont fait grandir.

Félicitations !  Félicitations à vous d’avoir obtenu une des rares places VIP pour assister à cette proclamation.  Nous voudrions, en cette occasion, vous raconter une histoire.  Une histoire en sept temps.  Une histoire de sept jours.  Notre histoire de tous les jours…

LUNDI, première CANDI !

Tout frais sortis de rhéto, encore pleins d’idéaux, de vies à sauver et les derniers épisodes de « Urgences » en tête, nous voilà embarqués pour cette grande traversée vers notre rêve.  Après quelques heures d’électricité, d’optique, de chimie et de biologie… c’est la désillusion.  Sept ans, ça va vraiment être long !  Heureusement qu’à Woluwe on a été bien encadré…mmh.. : horaires introuvables, syllabus éparpillés, délégués inconnus et jeux de piste pour les TPs.   Merci à Namur de nous avoir tenu la main pendant trois ans !
Par contre, d’un côté comme de l’autre, pas besoin de parcours fléché pour trouver le chemin des cercles…  Pardon Maman pour nos chaussures à l’odeur douteuse, nos pantalons tenant debout tout seul, mais les Bunkers de Namur et les Mémés de Woluwé, on en avait vraiment besoin…

MARDI, deuxième CANDI !

Sous le signe de l’anatomie !  Nous nous souvenons des bousculades dans l’auditoire - Quoi ! C’était les soldes ? - Non c’était le cours du Professeur Lengelé.  Trois teintes de bleu, deux teintes de verts, une craie noire, et une bonne dose de précision nous étaient nécessaires pour reproduire ses œuvres !
C’est avec courage que nous commençons nos premiers longs blocus, avec la pile de syllabus et le demi squelette sur le bureau !  Nous expérimentons également nos premières angoisses et nos premières nuits blanches… Après de longues semaines de marathon intellectuel, nous attendons avec inquiétude le classement du Numerus Clausus.

MERCREDI, troisième CANDI

C’est la dernière occasion pour nous de faire sauter ce numerus.  Il nous reste une seule solution : la manifestation !  Premiers passages à la télé !  Tentatives de négociations et rencontres au sommet, le numerus clausus en troisième candi c’est terminé.  Pourtant, la partie n’est pas encore gagnée !
Mais pendant ce temps, les cours se suivent et ne se ressemblent pas.  Nous découvrons les cours théâtraux du Professeur Zech et ceux, encyclopédiques, du Professeur Flamion.  Cinq ans après, nous nous souvenons encore des questionnaires à choix multiples avec coefficients de certitude. +1 - 2, ça fait mal.  Nous garderons de nos candis des souvenirs inoubliables de soirées kitch et de soupers de cours déguisés, avec à la clef, un diplôme bien mérité (à l’utilité franchement discutée !)

JEUDI, premier DOCTORAT

Presque arrivés à la moitié, c’est avec impatience que nous attendons le mariage de Namur et de Woluwe et nos premiers contacts avec la clinique.  Enfin nous entrons dans la cours des grands ! Premiers patients, premiers diagnostics, et ces interminables listes de symptômes !
Professeur Lambert, lorsque nous rencontrerons un syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada,  nous penserons bien à vous !
Mais c’est aussi en premier doctorat que même les plus studieux d’entre nous ont découvert les joies de la guindaille.  En octobre 2003, l’union émouvante des Woluwetois et des Namurois a permis de nouvelles rencontres et plus car affinités.  2, 3 filles pour un garçon, ça stimule l’imagination !
Ensuite, février 2004 a été l’occasion de célébrer la moitié de nos études.  Par respect pour la bonne éducation que nous avons reçue, nous passerons sous silence les détails de cette semaine !
Le premier doctorat enterre l’époque des blocus mammouths au profit des micros sessions de deux jours, pour 48 examens !  Ces sessions de décembre, avril et juin propres aux doctorants en médecine de l’UCL nous ont apporté des vacances mais nous ont aussi écartés du reste de la vie estudiantine.
C’est également durant cette année qu’avec de maigres notions de sémiologie nous avons enfilé pour un mois notre blouse de stagiaire, et avons plongé dans l’univers hospitalier. L’habit ne fait pas encore le moine !

VENDREDI, deuxième DOCTORAT

C’est pour nous l’occasion de poursuivre les cours théoriques.  L’auditoire développe un soudain engouement pour la gynécologie (ou serait-ce pour son professeur ?), suivi d’une admiration sans précédent pour les exposés du professeur Houssiau.  Certains professeurs auront en effet marqué les esprits des étudiants par leur aptitude pédagogique et leur désir de transmettre leur passion. Cependant, la forme et le fond de plusieurs cours nous laisseront toujours perplexe.  Nous pensons aux cours TGV sur PowerPoint, aux syllabus obsolètes, à l’approche fragmentée et parfois contradictoire de certaines matières et à la pléthore des séminaires d’éthique et de déontologie.  Tous persuadés de l’importance d’une formation psychosociale en médecine, nous espérons qu’à l’avenir son approche sera plus adéquate.
Notre cinquième année nous confronte aussi à nos premiers choix : cours à option, disciplines et lieux de stage.  Les premières orientations se dessinent… Alors que certains établissent déjà leurs stratégies pour obtenir leurs précieuses places, d’autres se perdent en calculs savants.  La distinction en fin d’année suffira-t-elle ?
Notons notre désarroi face à la dévalorisation de la réussite et des grades.  Il est inacceptable que la satisfaction ne permette plus d’être satisfait, que la distinction n’ait plus rien de distingué.

Troisième DOCTORAT : enfin le WEEKEND…  de garde le samedi !!!

Après avoir gravi la montagne de la théorie, nous plongeons pour de bon dans la pratique.  Nous embarquons pour 12 mois de stage obligatoires réglés comme du papier à musique.   Nous profitons de l’occasion pour remercier l’administration des stages pour l’efficacité de son travail.  Cependant nous avons parfois eu à regretter le manque de tact lors des moments difficiles…
Dans le cadre des stages à option, nombre d’entre nous ont bénéficié d’une expérience inoubliable à l’étranger, d’une part en pays en voie de développement, d’autre part en pays dits « civilisés ».  Munis de leur tête bien pleine et bien faite, nos globe-trotters découvrent les limites de la science face à la réalité d’un autre terrain et prennent conscience de la pauvreté de notre bagage pratique.  Nous espérons que les échos positifs de ces expériences faciliteront à l’avenir les démarches et multiplieront les échanges.
Au cours de cette année, nous découvrons l’exercice du plus beau métier du monde.  Quel bonheur d’être à l’écoute d’autrui, de trouver la reconnaissance dans le regard du patient, et de lui offrir un peu d’humanité.  L’application de nos connaissances fait partie intégrante de notre vie de stagiaire et lui confère tout son sens.  Anamnèses, examens cliniques, actes techniques, discussions multidisciplinaires, staffs et sandwichs se multiplient.

Toutefois, au-delà de la belle découverte, le stage représente également une lourde corvée : une vie à double fonction, un double plein temps, un savant mélange entre étudiant et médecin en herbe.  Concilier gardes, examens, vie sociale tout en gardant la santé, paraît impossible.  Qui accepterait de prester 60 heures par semaine non rémunérées ?  Quel étudiant passerait la nuit du samedi au dimanche à la faculté ?  Qui aurait cru que ces mois de stage nous mèneraient à une formation en dactylographie ?  Pour seul salaire, nos maîtres de stage, trop rarement présents, remplissent nos évaluations, avec automatisme et générosité.

Dimanche…. Quatrième DOCTORAT : l’heure de vérité !

Il est temps que chacun trouve son chemin.  Les futurs spécialistes s’apprêtent à affronter leur concours avec un zeste de numerus et une louche de stress, tandis que les futurs médecins généralistes découvrent l’enseignement du Centre Académique de Médecine Générale, ou CAMG pour les intimes.  A l’image d’un staff louveteau, Akela Pestiaux, Baloo Van Welde, Baguera Vanthuyne et le reste de la troupe préparent consciencieusement les réunions du vendredi. 
Durant six mois, cette équipe dynamique nous a transmis le B.A.-BA de la médecine générale.
Enfin du concret, enfin des pathologies de tous les jours !  Pourquoi attendre si longtemps pour un tel enseignement.  Nous rêvons qu’un jour la médecine générale prenne une place plus importante dans notre programme de cours et cela dès le premier doctorat.  En effet la  médecine générale est aussi scientifique et ne se limite pas qu’à des cours de formation à la relation.
Nous regrettons que cette discipline se résume parfois à un lot de consolation pour les déçus de concours ou les curriculum vitae considérés comme insuffisants.  Heureusement que la plupart d’entre  nous ont choisi la médecine générale par vocation !
Depuis de nombreuses années, l’équipe du CAMG se bat pour revaloriser cette profession et nous tenons à les en remercier !  Merci à vous, membres du CAMG, pour votre sympathie et votre dévouement.  Merci de nous avoir considérés comme des confrères et non pas comme des stagiaires.  Merci également pour votre ouverture d’esprit et votre humilité.  Quelle bouffée d’oxygène dans le monde parfois trop élitiste de l’UCL.

Du côté de Saint-Luc, le mois de mai est traditionnellement consacré aux concours de spécialité, point culminant du stress pour les candidats spécialistes.
Les articles « up to date » circulent, les derniers tuyaux se partagent.  Le jour J arrive enfin avec son lot de palpitations et autres manifestations psychosomatiques qui ne nous surprennent plus.  Un soupir de soulagement résonne sur le site de l’Alma mais au moment des résultats, la tension est palpable devant la porte de Gisèle.  Joie pour la plupart, tristesse et incompréhension pour certains, les sentiments se mêlent.  Nous pouvons maintenant penser à l’avenir et profiter pleinement de nos stages post-concours et des vacances qui se profilent.  Il persiste néanmoins un énorme désarroi parmi les étudiants non classés.  Peu de solutions idéales leur sont offertes mais grâce à notre Doyen, une lueur d’espoir existe, verdict début juillet !

Ce 30 juin signe la fin de notre histoire : sept années d’apprentissage, sept jours de fêtes et d’émotions.  Et ces sept années d’études en médecine c’est aussi 5400 heures de cours, 138 syllabus, 27.612 pages, entre 17 et 26 sessions d’examens, 632 litres de bière par étudiant, 84 couples, 2.297 ragots et enfin 34 promus dans un jacuzzi.  Une page de notre vie se tourne aujourd’hui, mais demain un nouveau livre s’ouvrira.
Forts de nos connaissances et fiers de notre diplôme nous tenterons d’appliquer une règle transmise par un de nos maîtres : la règle du CHA.  Deux C pour Compétence et Connaissance, deux H pour Honnêteté et Humanité et deux A pour Amour et Audace, quel programme !

Durant nos études nous avons été souvent écoutés mais trop rarement entendus.  Afin que les futurs étudiants en médecine puissent bénéficier d’une formation optimale, nous espérons qu’en ce jour nos paroles auront suscité en vous de l’intérêt, éveillé des émotions et provoqué la réflexion.

Nous voudrions rendre hommage à tous ces étudiants à qui les hasards de la vie n’ont pas facilité le parcours et qui sont aujourd’hui doublement méritants.  Nous pensons à ceux qui ont dû travailler pour financer leurs études, aux médecins étrangers qui ont dû repartir à la case départ faute de reconnaissance de leur diplôme, à ceux que la maladie a pris par surprise et, sur une note plus positive, aux quelques jeunes mamans, donc à tous ces étudiants qui ont dû se battre deux fois et qui sont pourtant présents, avec nous aujourd’hui.

Nous tenons à remercier toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin à notre défi.
Nous souhaiterions aussi mettre en avant le Professeur Krémer et son équipe de l’AMA UCL, qui ont contribué au succès de cette journée.  Merci au Recteur, au Doyen et aux Professeurs de s’être réunis autour de nous pour suivre nos premiers instants de médecins.

Et enfin merci à vous, mes amis, merci à nous, merci pour ces années de solidarité, d’épreuves franchies ensemble et de souvenirs inoubliables.  Nos chemins se séparent aujourd’hui mais les liens qui nous unissent sont solides.  Ces amitiés véritables nous accompagneront tout au long de notre route…  Vivons heureux et bon vent à tous !

Bernard, Caroline, Catherine, François, Géraldine, Valérie et Vincent. (Sept étudiants…)


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