Promotion des médecins du 30 juin 2007
Discours du Professeur R. Krémer, Président de l'AMA-UCL
Félicitations. Vous êtes dès à présent nos plus jeunes anciens. Vos aînés vous félicitent et vous accueillent.
L'AMA – l’Association des médecins Anciens étudiants de l'UCL – a besoin de votre soutien pour maintenir et développer ses activités : aide aux anniversaires de promotions, Prix Jean Sonnet, parrainage à la carte des étudiants, tarif réduit aux activités de l’enseignement continu, abonnement à la Revue Louvain et à notre revue Ama Contacts.
En 2009, notre association fêtera son centième anniversaire. Nous voulons en faire un événement. Cet anniversaire nous est commun avec la KUL, car pendant plus de 50 ans l'association des médecins anciens de l'UCL fut commune aux deux régimes linguistiques de l'Université Catholique de Louvain.
Au cours du XXe siècle, l'UCL a fait face à deux défis gigantesques : la création de l'Université Lovanium, à Léopoldville, puis Kinshasa, au cœur de l'Afrique Centrale, sur le mont Amba, appelé depuis" la colline inspirée" et la transplantation forcée de l'Alma Mater de Leuven à Louvain-La-Neuve et à Woluwe.
Par devoir de mémoire, nous nous sommes attachés à évoquer des souvenirs de Lovanium et nous publions aujourd'hui, à l'occasion du cinquantième numéro de l'Ama Contacts et du cinquantième anniversaire de l'inauguration des cliniques universitaires de Lovanium, un épais numéro illustré consacré au souvenir de la Faculté de Médecine de Lovanium, écrit par des pionniers de l'époque.
Il ne s'agit pas d'une oeuvre historique, mais de témoignages qui risquaient de se perdre et de ne laisser de Lovanium qu'un souvenir décharné, uniquement basé sur des documents officiels.
Il faut souligner la créativité et l'acharnement des autorités académiques et ecclésiastiques de l'époque, malgré les réticences de l'état belge. Pendant la période coloniale, notre Université peut s'honorer de cette épopée : la création, d'une université complète de très haut niveau, dans un esprit sage et généreux, et, dans l'optique de l'indépendance à venir et le but de doter l'ancienne colonie d'une élite intellectuelle formée sur place. On était loin de la mentalité coloniale, qu'il est de bon ton de critiquer de nos jours et plus loin encore du capitalisme sauvage actuellement appliqué aux populations de l'hémisphère sud.
L'Université Catholique de Louvain a envoyé à Lovanium des jeunes médecins, agrégés pour la plupart, idéalistes, promis à un brillant avenir, accompagnés de leur famille. Dans leur travail, ils ne soignaient pas sans accorder une place essentielle à la prévention et ils n'enseignaient pas sans consacrer une partie de leur temps à la recherche.
Monseigneur Gillon, recteur de Lovanium de 1954 à 1974 a exprimé le but et l'idéal de la nouvelle université. Je cite : "Lovanium doit être pour tous un foyer de lumière, de jugements objectifs et sincères et un haut-lieu de vérité"
Vous trouverez dans ces textes de nombreux exemples de dévouement, d'amour pour le Congo et d'affection pour ses habitants. Je voudrais mentionner trois anecdotes qui témoignent de l'esprit qui règnait à Lovanium.
Au cours d'une réception, chez Mgr Gillon, à laquelle j'assistais, un appel téléphonique informe le recteur qu'un ouvrier s'est blessé sur un chantier de l'Université. Mgr Gillon s'excuse, nous plante là et part aussitôt s'assurer que la prise en charge du blessé est correcte. Un épisode minime qui témoigne de la sollicitude du recteur vis-à-vis de la communauté universitaire.
La seconde anecdote se passe dans le service de pédiatrie. Léon Fiasse écrit à propos des enfants en état de dénutrition ou atteints de la malaria : "Ces enfants étaient tristes et inertes : ils ne jouaient plus. Quand après plusieurs semaines d'efforts, un de ses enfants particulièrement atteint lors de son hospitalisation, avait retrouvé la joie de vivre et courait dans les couloirs de l'hôpital, il arrivait que tout le service, médecins et infirmiers fêtent son départ de l'hôpital.. On diffusait un disque de musique africaine et l'enfant dansait devant tout le service. C'étaient des moments de pur bonheur."
Troisième anecdote. Le docteur Van Braekel retient, parmi ses souvenirs de médecine en brousse, " l'adieu du soleil sur les eaux du Kwango, la joie des villageois venus accueillir le " muganga", le médecin, des gamins mimant des danses d'adultes, pour se quereller ensuite lors de la distribution des friandises, des attroupements de "mamas" venues assister à la toilette de notre bébé que ma femme laissait barboter dans une cuvette intentionnellement placée à l'extérieur."
Quelle est la situation actuelle à Lovanium ?
René Fiasse a visité l'hôpital appelé aujourd'hui Cliniques Universitaires de Kinshasa en mars 2007 : " J'ai visité les bâtiments bien préservés de l'université que le peuple kinois appelle toujours Lovanium... La majorité des professeurs de la République démocratique du Congo se trouvent à l'Unikin.. Il y a donc une infrastructure bien conservée, une masse critique d'enseignants et de cliniciens... Le trouble majeur est le manque de moyens techniques et de rémunération du personnel médical et paramédical... Lovanium est toujours là et tous les espoirs sont permis."
Comme le dit Mgr Plevoets, ancien secrétaire général de Lovanium dans la préface de notre publication (et je lui laisse la responsabilité de ses paroles), il faudrait que la KUL et l'UCL considèrent l'université de Kinshasa, comme le fruit de leur amour et continuent comme une Alma Mater à se soucier concrètement de son fonctionnement et de sa croissance et que le gouvernement belge accorde à l'université de Kinshasa la même enveloppe de subsides qu'elle accordait à Lovanium en 1971 au moment de sa nationalisation.
Aujourd'hui, l'UCL doit faire face à un nouveau défi : prendre place au premier rang des Universités de l'Europe en gestation. Notre Recteur vous parlera certainement tout à l'heure des changements en cours à l'UCL, dans cette optique.
Encore mes félicitations pour votre promotion. J'aime répéter que la médecine est l'un des rares métiers où nous devons faire aux autres ce que nous voudrions que l'on nous fasse.
René Krémer
Président de l'AMA-UCL