Numéro 41 :

Promotion des médecins du 25 juin 2005

Discours des jeunes promus

 

Monsieur le Recteur,
Monsieur le Doyen
Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Chères familles,
Chers amies, amis et futurs consœurs et confrères, bonjour à tous.

D'aucuns diront enfin, et d'autres diront déjà.  Pour tous, ce jour de promotion restera une étape clef dans nos vies.  Au nom de tous les étudiants rassemblés ici, nous tenons à vous remercier de votre présence parmi nous en ce jour si particulier.  
Merci au Professeur Krémer ainsi qu'à toute l'équipe d'AMA-UCL pour l'organisation de cette journée, point d'orgue de sept années d'études.
Merci aussi à nos professeurs qui nous ont guidés sur ce long chemin.  Nous avons une pensée particulière pour ces quelques enseignants passionnés de partager leur savoir qui, sans aucun doute, se reconnaîtront dans cette assemblée.  Leur dynamisme, leur motivation et leur enthousiasme resteront un exemple pour nous tous.

Résumer nos sept années d'études en quelques lignes serait un exploit. Que nous soit donnée ici l'occasion d'aborder les événements clés qui ont jalonné notre parcours !

L'actualité de ces dernières semaines a remis en exergue la question brûlante du numerus clausus, problématique récurrente depuis 1997.
 En 1998, année de notre première candidature, les règles du jeu étaient les suivantes : au terme de la troisième année, un nombre limité d'étudiants recevait un visa -synonyme de numéro INAMI-  permettant l'accès au second cycle.  La sélection se basait sur nos résultats académiques d'une part mais aussi sur des épreuves para-académiques dans le but de déceler nos capacités sociales et humaines à exercer la médecine.  
Un moyen idéal de sélection n'existe pas, c'est évident !  Pour notre année malheureusement, les épreuves " socio-humaines " n'étaient pas des plus pertinentes.  Nouveauté du système ou erreur de jugement ?  De toute façon, ce sont les étudiants qui en ont fait les frais ! Heureusement, nous avons réussi à maintenir une ambiance sereine et décontractée tout en nous serrant les coudes.   Nous garderons tous le souvenir de nos soupers de cours déjantés, des soirées Mémé jusqu'aux petites heures, du tragique enterrement de Dame Candi, du mémorable mariage Namur-Woluwe, de cette formidable semaine de "half-time" et enfin du grandiose "full-time" que nous clôturons ce jour.  Merci à vous tous pour ces moments inoubliables!

Aujourd'hui, nous sommes fiers de recevoir notre diplôme.  Cependant,  nous tenons absolument à penser à tous ceux qui, découragés par un système inhumain dans son fondement et dont les règles changeaient perpétuellement de surcroît, ont été forcés d'abandonner.  Difficile à encaisser quand on sait que le pouvoir communautaire a supprimé le numerus clausus peu de temps après...
Il est illusoire de penser que la suppression de cette mesure nous a été favorable : le cadeau était empoisonné !  En effet,  les limitations d'accès à la profession en fin de septième année, du ressort du pouvoir fédéral, restent d'application...  Les dispositions prises tout récemment par Madame Simonet visent à éviter des désastres en fin de parcours.  La réintroduction d'une limitation sera effective dès la rentrée académique 2006. Celle-ci trouvera place en fin de première année, ce qui est humainement plus acceptable.
La problématique du numerus a été le cheval de bataille de notre Doyen, le Professeur Rombouts.  Il a toujours été disponible pour défendre les étudiants et la profession médicale face aux politiciens, souvent mal informés sur la réalité du terrain et les conséquences de leurs décisions.  Nous l'en remercions vivement !  En effet, la position de l'université n'a malheureusement pas toujours été aussi cohérente dans ce domaine au cours de notre formation.

L'arrivée aux portes des doctorats nous réservait d'autres surprises : la mise en place de la réforme " GSF ", mieux connue sous le nom de " gérer sa formation ", projet ambitieux dont l'objectif principal est de promouvoir l'implication personnelle de l'étudiant dans son apprentissage. Les moyens mis en œuvre pour y arriver : sectorisation de l'enseignement, diminution de la charge horaire théorique au profit de séminaires pratiques, temps de travail personnel pour l'étudiant  et augmentation du temps de stage. En réalité, peu de professeurs ont fait l'effort d'adapter leur cours en fonction de ces nouveaux objectifs ; par conséquent la recherche personnelle et les séminaires pratiques n'ont pas vraiment trouvé leur place...
Par contre, l'augmentation du temps de stage en premier et deuxième doctorats a été unanimement appréciée.  Le système de trimestrialisation avec trois sessions d'examens par an, même s'il nous décalait socialement par rapport aux autres facultés, nous a permis d'arriver à l'hôpital avec un bagage théorique souvent fort utile, l'examen précédant de peu l'application sur le terrain.

Notre formation se termine par 18 mois de stage à plein temps.  L'occasion tant attendue de s'essayer à la pratique s'offre enfin à nous.  Rencontrer un patient, faire son anamnèse, l'examiner, discuter de sa pathologie en équipe, poser un diagnostic... : tous ces actes de la pratique quotidienne qu'il nous faut apprendre, quel défi !  
L'organisation logistique de ces stages est excellente, les personnes responsables faisant leur possible pour contenter tous les étudiants.  Dommage cependant que la plupart des maîtres de stages, faute de temps ou de formation pédagogique, ne soient pas toujours des plus adéquats dans leur encadrement.  En pratique, les stagiaires sont souvent supervisés par des assistants parfois surchargés de travail et non par un patron ayant accepté une mission d'enseignement.     Dans certains services, ce sont même les stagiaires de dernière année - en l'occurrence, nous - qui guident les premiers gestes cliniques des plus jeunes.  Quel niveau de formation pouvons-nous leur offrir après une seule année de pratique?
De même, qu'en est-il de nos compétences cliniques au terme d'une telle formation ?  Nos évaluations de stage sont-elles pertinentes ?  En effet, il n'est pas rare d'être coté par un médecin qui nous a peu vus !
Conscientes de ces problèmes, les autorités académiques mènent en ce moment une réflexion approfondie afin de trouver des solutions.  Que ce soient de nouvelles grilles d'évaluation plus objectives ou encore le développement de formation en pédagogie de base à l'attention de tout praticien susceptible d'encadrer le stagiaire, nous ne pouvons qu'encourager ces heureuses initiatives et espérer leur mise en application au plus vite.   En cours de stage, des conseils ou remarques sur notre attitude et nos actes seraient également bienvenus pour en  améliorer la qualité.  Peur d'importuner de la part du stagiaire ou distraction du maître de stage, l'évaluation de mi-période n'est malheureusement pas une réalité...A chacun de faire un effort pour y parvenir.  
Autre réflexion: toutes les heures prestées sont-elles profitables ?  Les fonctions de stagiaire-facteur qui va chercher les résultats, de stagiaire-technicien ECG ou de stagiaire-dactylo ne sont pas fort épanouissantes et encore moins formatrices.  C 'est d'autant plus regrettable que ce soit surtout le cas au sein de l'hôpital universitaire de référence.  D'autre part, si tous les hôpitaux s'équipaient de manière moderne avec les radios et les résultats de consultations on-line immédiatement, les stagiaires pourraient peut-être se consacrer pleinement à leur formation...  

Dans la lignée de l'UCL ouverte aux autres cultures,  la Faculté de Médecine nous permet d'effectuer une partie de nos stages en Europe, au Canada ou en pays dits en voie de développement.  Dans l'ensemble, les étudiants sont revenus de l'étranger enchantés de leur expérience, tant sur le plan humain que médical.  De tout cœur, nous espérons que la Faculté continue à proposer cette expérience enrichissante à un grand nombre de futurs médecins, et ce malgré les réformes académiques potentielles...
Les séjours à l'étranger ont souligné l'intime conviction que nous avions avant de partir.
En effet, bien que dotés d'un solide bagage théorique à la pointe de l'actualité scientifique, la mise en pratique reste plus laborieuse que pour nos collègues ! Perdus dans les méandres de nos connaissances, il nous est parfois difficile de faire la part des choses entre pathologies courantes et raretés anecdotiques.  L'expérience nous devrait nous y aider...

Nos chemins se séparent en quatrième doctorat, en janvier.  
Les futurs généralistes poursuivent leur formation hors milieu hospitalier : visites à domicile, consultations au cabinet, à l'O.N.E. ou en maison médicale seront dès lors leur quotidien. Ils consacreront en outre leurs vendredis à l'enseignement théorique.  Pour notre promotion, 56 places  étaient disponibles pour la médecine générale. 46 étudiants ont opté pour ce métier en première intention : ils ont fait un choix dit "positif" pour cette spécialité.  L'introduction de ce choix positif dans le système d'accès à la médecine générale répond à une volonté de revaloriser cette pratique au sein de la faculté et de l'opinion publique.  Dans la même optique, dès le deuxième doctorat, le Centre Universitaire de Médecine Générale ou CUMG sensibilise les étudiants aux richesses de cette médecine de première ligne.  Que ce soit par un stage d'un mois chez un médecin de famille, des cours théoriques ou encore des séminaires de mise en situation, des occasions de plus en plus nombreuses nous sont données de découvrir cette forme de l'art de guérir. Nous tenons à remercier le CUMG pour son engagement au service de la médecine générale ainsi que pour la disponibilité de ses enseignants, leur encadrement et leur écoute attentive des  étudiants. Ces qualités ont permis un épanouissement optimal des futurs médecins généralistes malgré certaines attitudes trop scolaires, comme le relevé des présences.
Seule ombre au tableau, le statut d'assistant généraliste qui mériterait d'être uniformisé.  En effet, les jeunes diplômés étant engagés par des médecins indépendants, de nombreuses disparités existent tant au niveau des horaires, des salaires que des activités...

Quatre mois de stages pré-concours se profilent à l'horizon des postulants en médecine spécialisée.  Qui dit concours dit sélection, le problème se pose à nouveau... Pour rappel, depuis la réforme introduite l'an dernier, le classement  se base sur le curriculum des quatre doctorats à concurrence de 50%.  Nouveauté cette année, grâce à la modification de la grille de pondération des points en fonction des grades, la différence de résultats académiques entre les étudiants est d'entrée de jeu moins discriminante.  L'autre moitié des points est répartie à parts égales entre la cote du stage pré-concours et celle obtenue lors de l'examen et de l'interview de spécialité,  ce qui à notre avis, laisse la porte ouverte à toujours trop de subjectivité dans le choix des futurs spécialistes.  Fort heureusement, pour notre promotion, la répartition des postulants dans chaque spécialité a été plus ou moins adaptée au nombre de places disponibles.  Reste à savoir si cet équilibre précaire s'est établi spontanément ou à force de découragements émanant de personnes outrepassant parfois leur rôle, et surtout s'il sera à nouveau atteint dans les années à venir... Rappelons que le moratoire, signé en septembre 2004 et valable pour deux années seulement, nous accordait quelques places supplémentaires pour chaque spécialité.  Il serait dommage qu'il y ait encore plus de déçus que cette année...

La problématique du statut d'assistant se pose aussi en médecine spécialisée: nous ne comptons plus les infractions à la loi Collas qui régit les heures de travail et le nombre de gardes.  Entre de trop nombreuses gardes largement sous-payées et l'importante charge horaire journalière, la place laissée à la formation scientifique se réduit comme peau de chagrin.  Et que dire alors de la vie extra-professionnelle ? La médecine reste une vocation mais pourtant, pour chacun de nous, homme ou femme, concilier vie de famille et vie professionnelle reste une priorité!  Le temps de la médecine-apostolat est révolu.

Nous ne pouvons fermer les yeux sur l'affaire récente de Namur qui nous a fait froid dans le dos!  L'emprisonnement d'une assistante pour des décisions professionnelles a rouvert le débat sur les responsabilités des assistants. Espérons que les réflexions y soient profondes et aboutissent à de réelles solutions.

Par ailleurs, la profession se féminise: s'il y a 60% de filles dans notre promotion, elles sont 72% en première candi 2005.  Immanquablement, les demandes de travail à temps partiel vont se majorer.  Ceci, ajouté à la diminution du nombre d'assistants imposée par le numerus clausus, risque de mettre gravement en péril le système de fonctionnement actuel des hôpitaux et la qualité des soins prodigués.

Nous ne pourrions clôturer ce discours sans encore remercier toutes les personnes qui nous ont aidés à arriver, ici, aujourd'hui.
Merci à tout le personnel de la faculté et au cercle pour l'impression des syllabi.
Et surtout merci à nos familles, nos parents, nos conjoints et tous nos amis qui nous ont soutenus et encouragés dans les bons comme dans les mauvais moments durant ces sept longues années.  
Dorénavant honorés consœurs et confrères mais avant tout chers amis : Félicitations à tous et bonne continuation !  Soyez heureux et épanouis dans votre vie professionnelle et familiale...


AMA-UCL Association des Médecins Alumni de l'Université catholique de Louvain

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