Numéro 37 :
Promotion des médecins du 26 juin 2004
Discours des jeunes promus
Monsieur le Recteur,
Messieurs les Vice-Recteur et Pro-Recteur,
Monsieur le Doyen,
Mesdames et messieurs les Professeurs,
Chers Parents, chers Amis,
Et avant tout chers Confrères,
Vous n'ignorez pas que cette année est une année un peu particulière : en effet la 167ème promotion des docteurs en médecine est la première génération d'étudiants à avoir subi le filtre du Numerus Clausus. C'est aussi la première fois que huit d'entre nous ne serons pas proclamés en même temps que les autres, à cause d'une seconde session. A la question : faut-il ou non filtrer les étudiants en médecine, nous n'apporterons pas de réponse aujourd'hui puisque le débat est encore toujours ouvert dans l'arène politique belge. Mais sur la question de comment mettre ce filtre en place, nous avons une réponse très claire et très nette : certainement pas comme ça !
En instaurant le numerus clausus en fin de 3ème année, puis en le déplaçant en fin de 7ème année, à coup de décret pervers et de flou légal artistique, les études en médecine se sont sournoisement déshumanisées au profit d'un climat de compétition égoïste, de classement alphanumériques, et d'étudiants code barres.
Au terme de ces 7 années individualistes, nous sommes fiers de vous annoncer que malgré tout, les futurs médecins ont pu garder un visage humain...
A vous, chers Carabins, félicitations. Et bravo d'avoir su privilégier la solidarité face à l'individualisme, la bonne humeur face aux moments de découragement, et la persévérance sur une route parsemée d'embûches.
Bien sûr, cela n'a pas été sans mal. Nous avons en particulier à l'esprit tous ces étudiants et ces étudiantes, qui, découragés par ce système inique, ou pénalisés par une moyenne trop gaussienne, se sont crus sur une voie sans issue et ont abandonné leurs études avant la fin du parcours.
Et si aujourd'hui nous, nous nous sentons rescapés de la bataille, nous savons que si nous sommes arrivés au bout du chemin, c'est aussi parce que nous avons pu puiser nos forces auprès de nos amis, de nos conjoints, de nos familles. Nous les remercions infiniment pour leur présence, leur écoute, leurs encouragements, leur patience et leur compréhension. Nous sommes heureux de les savoir présents aujourd'hui pour partager ensemble ce jour de joie.
Vous l'avez compris, ces années furent denses, non seulement en événements politiques, mais aussi bien sûr en émotions fortes, en rencontres, et en apprentissage. Il serait vain et absurde de vouloir retracer chronologiquement les étapes de ce parcours, tout comme il serait fastidieux de vouloir être à tout prix exhaustif. Nous avons donc délibérément choisi de nous laisser guider par les émotions et les souvenirs marquants que nous ont laissés ces dernières années...
Nous espérons ainsi être fidèles à l'esprit qui nous a unis sur les bancs de l'auditoire, et dans la continuité du travail de ces 7 années passées ensemble.
Notre formation
Notre histoire commune débute en septembre 2000. Le mariage en 1er doctorat des étudiants de Namur, Mons et Bruxelles se fait pour le meilleur et, nous ne le savions pas encore, aussi pour le pire.
L'université nous offrit un présent nuptial inédit : la Réforme des doctorats inspirée par le programme GSF : "gérer sa formation". Cette réforme avait pour objectifs de recentrer notre formation sur une médecine plus générale. Elle faisait appel à une sectorisation de l'enseignement ; une réduction de la charge horaire théorique au profit de séminaires, de plus de pratique ; et à un temps prévu pour le travail personnel de l'étudiant. Derrière ce concept novateur, il y avait également l'ambition alléchante d'augmenter le temps de stage tout en restructurant le temps imparti aux cours. Nos années seraient désormais réparties en trimestres, et donc ponctuées de 3 sessions d'examens.
Gérer sa formation allait marquer nos doctorats à plus d'un titre. Comme toute première fois, des imperfections et des défauts sont apparus en cours de route.
Gérer sa formation c'est d'abord la gestion du temps d'enseignement.
En effet, ravis de bénéficier d'un stage plus long, nous nous sommes vite rendus compte que le prix à payer était une surcharge horaire, conséquence d'une mauvaise évaluation des heures théoriques et d'une sous-évaluation du temps nécessaire à l'étudiant pour appréhender sa matière. Le recours limité aux enseignements par problème et le nombre restreint de cours ayant réellement été remaniés ont également participé à cette surcharge horaire.
Certains professeurs ont joué le jeu, et ont pris le temps de revoir leur cours et de l'ajuster à un tronc commun recentré sur la médecine générale. Ils sont pour nous des modèles de pédagogie et d'innovation, et nous les en remercions.
Cette réforme en premier doctorat était donc loin de nous apporter la quiétude légitimement espérée après nos candidatures imprégnées par le numerus clausus .
Nous étions embarqués avec l'ensemble des intervenants dans un projet qui, si nous ne l'avions pas choisi, était néanmoins réalité.
Cette réforme allait aussi nous faire prendre nos responsabilités, car les étudiants se sont montrés parti prenant dans la critique et l'amélioration de la réforme. Gérer sa formation devenait aussi en gérer sa mise en place et y participer pleinement.
Face à la surcharge horaire, nous avons pris le taureau par les cornes et, pour être entendus, nous avons rédigé une lettre signée de tout l'auditoire et envoyée à l'ensemble du corps professoral. Nous fûmes entendus et ce fut le début d'un long travail de collaboration étudiante qui jalonnera nos 4 années de doctorats.
Cette collaboration, timide au départ, a progressé au fil des années. Petit à petit nos interventions ont porté leurs fruits. On nous a donné la parole, nous l'avons prise, et nous avons été entendues, parfois écoutées.
A l'heure où cette participation étudiante devient plus que jamais présente au sein de nos institutions, nous souhaiterions encourager les cohortes suivantes à se montrer partie prenante de leur formation. Ce n'est qu'au prix d'une mobilisation de l'ensemble des étudiants que la réforme peut progresser. Vaincre un individualisme encouragé par le système pour espérer des améliorations tant sur des sujets académiques que sur des dossiers sensibles comme le numerus clausus.
Nous tenions en tant que déléguées à remercier les étudiants de notre cours pour la confiance qu'ils nous ont témoignée durant ces années. Si nous avons vécu des moments de grande remise en question, de perpétuels changements, nous sommes restés malgré tout solidaires et nous avons pu connaître durant ces 4 années des moments inoubliables comme l'ont été entre autre l'half-time et full-time.
Une spécificité de cette réforme est aussi d'introduire dès le 1er doctorat la formation en médecine générale, et de sensibiliser les étudiants à la collaboration entre médecins généralistes et médecins spécialistes. A notre connaissance, cette opportunité n'est pas proposée dans d'autres facultés. Cette découverte précoce, enrichie par la possibilité d'effectuer un mois de stage en médecine générale dès le 2ème doctorat, a permis pour un bon nombre d'entre nous un choix positif et éclairé vers cette discipline. La revalorisation de la médecine générale passe par son enseignement et ses enseignants. Le Centre Universitaire de Médecine Générale n'a eu de cesse de se montrer à l'écoute et constructif face aux remarques et suggestions des étudiants. Nous les en remercions.
Gérer sa formation c'est aussi gérer son temps. Comme nous l'avons souligné plus haut, nos doctorats étaient marqués par une trimestrialisation et par une charge horaire importante. Ceci n'a pas été sans répercussions sur la vie extra académique de nos étudiants. Il est de fait de plus en plus difficile de mener de front nos études et l'implication dans des kots à projets, dans des activités sociales,... Un bon médecin n'est-il pourtant pas celui qui, déjà au cours de sa formation, développe ses qualités de praticien, d'humain, de compagnon...et arrive à concilier tous les divers aspects de sa vie sans se limiter à l'apprentissage d'une connaissance livresque de la médecine ? Est-il normal que, pour devenir médecin et avoir la chance d'exercer, certains d'entre nous aient dû mettre durant 7 ans une partie de leur vie en suspens ?
La réforme a donc pour nous été un parcours du combattant. Et nous espérons que de continuelles remises en question la feront progresser pour qu'elle réponde pleinement à ses objectifs premiers.
Permettez-moi à présent de vous parler de l'importance des stages.
Les stages sont une étape essentielle dans notre formation. Ils sont le premier vrai contact avec notre métier. Ils représentent les premiers moments de joies et de coups durs, les premières 24 heures sans dormir dans l'atmosphère si particulière d'une nuit passée à l'hôpital.
Ces périodes sont des moments privilégiés qui resteront marqués dans nos mémoires car elles soulignent nos premières expériences et nos premières émotions, probablement les plus pures sans être encore les plus fortes. Tous, dans vingt ans, nous nous souviendrons de telle situation ou de tel assistant qui nous ont marqués.
Elles sont aussi le moment de la prise de conscience de l'importance du capital santé et du rôle que nous pouvons jouer en première ligne dans sa préservation. Mais elles nous confrontent aussi, et je dirais presque malheureusement, avec les dysfonctionnements du système de santé. Dans ces périodes politiques troubles que nous vivons actuellement, dominées par la gestion et le coût de la pratique médicale, il est regrettable que la formation du jeune médecin passe après des obligations financières imposées par le gouvernement et l'institution hospitalière.
Dans notre discipline, le compagnonnage est un vocable presque moyenâgeux, peu utilisé à notre époque où formation doit, dans des délais peu tolérables, rimer avec production. Ce terme convient pourtant admirablement et devrait être le maître mot de nos périodes de stages. On y retrouve des aînés qui portent le nom de maître de stage, concept important dans l'esprit du compagnonnage. Le maître de stage est le maître d'art.
La médecine est un art et il n'est pas anormal de considérer que son apprentissage puisse être artisanal. Personne ne peut nier que la formation d'un médecin doive prendre du temps car l'assimilation d'un art est toujours tâche ardue et hasardeuse. Qui peut se vanter de pouvoir assimiler un traité de médecine interne ou de pédiatrie en deux années, par exemple, alors qu'une vie entière ne suffit à une seule de ces disciplines?
La formation de l'apprenti, qui n'est autre que le jeune médecin, est une collaboration de longue haleine. C'est un investissement en temps, en temps d'apprentissage et d'enseignement. Nous déplorons que ce temps soit noyé dans une surcharge de travail, dont un excédent administratif peu tolérable.
Ce temps qui nous est consacré est précieux et les acteurs qui participent à notre formation, à quelque niveau que ce soit, ont toute notre gratitude.
Il ne tient qu'à nous de nous en souvenir lorsque des stagiaires nous seront confiés. Nous devrons leur consacrer le temps nécessaire à leur formation aussi bien théorique que technique. A nous de relever ce défi dans le contexte de pénurie d'assistants et indirectement de maître de stage que le gouvernement nous a programmé.
Nous ne pouvons que regretter le manque de reconnaissance de la part des autorités de l'investissement des assistants et maîtres de stage, acteurs de première ligne de notre apprentissage.
Les périodes de stage doivent nous apprendre beaucoup en peu de temps. Nous n'avons que deux mois dans différentes spécialités pour nous familiariser avec des pratiques médicales importantes. L'apprentissage se perd parfois dans des objectifs trop larges ou trop spécifiques. Nous pensons que certaines priorités nous échappent.
Le rang de médecin où nous nous élevons aujourd'hui amène des droits mais aussi des devoirs et des obligations auxquels les stages pourraient nous aider à faire face avec plus de sérénité lors de nos premiers mois de pratique, livré presque seul à l'inconnu.
Ce sont ces concepts de compagnonnage, de formation, d'investissement de soi pour les autres, de temps réservé à la pratique et non à l'administratif qui feront que la médecine de demain, qui se verra résolument multidisciplinaire, pourrait s'épanouir.
Les concours
Les concours, toutes disciplines confondues, ont été l'apothéose des gros chamboulements de notre formation. Les modalités de sélection ont été conditionnées par un décret de Madame Dupuis datant de 2003. La sélection s'effectuerait en 7ème année via des quotas de spécialités revus à la baisse.
Le CV, d'une importance toute relative jusqu'alors, permettait à quelqu'un de motivé de réussir le concours et de se voir classé en ordre utile. Cette année l'importance du CV a pris des dimensions démesurées. Comme si la décision politique de nous sélectionner à la fin de nos 7 années ne suffisait pas, la faculté a eu à nos yeux une interprétation élitiste du décret, rendant l'accès à bon nombre de spécialités quasi impossible pour un étudiant ayant, par exemple, satisfait en première session chaque année. L'importance accordée au CV ne lui laissait aucune chance de se voir classer.
Nous ne perdrons pas notre temps à expliquer les effets rétroactifs pervers de ces bouleversements et du passage au bleu de l'évaluation humaine, sociale et relationnelle de l'étudiant.
Comment peut-on espérer une collaboration multidisciplinaire efficace dans les années à venir, quand pendant 7 années le système pousse et oblige pour ainsi dire les étudiants à être hyper-individualistes voir même à considérer les autres comme des adversaires. Peut-on leur en vouloir quand le seul leitmotiv est chacun pour soi et Dieu pour tous...
Cette situation politique est intolérable et profondément injuste.
-Intolérable car elle n'est pas justifiée ! Où est cette pléthore de spécialistes ? Lors de nos stages nous n'avons croisé que des assistants et patrons surchargés de travail, des patients se plaignant du peu de temps que le médecin leur consacre.
-Profondément injuste car les règles du jeu ont été trop souvent modifiées en cours de route avec bons nombres de changements rétroactifs, à n'y rien comprendre, impression désagréable que le bateau navigue sans capitaine...
Nous ne souhaitons pas conclure ce paragraphe délicat car actuellement, une dizaine d'étudiants restent encore ce jour en attente d'une place en spécialisation. Du jamais vu !
Etonnant aussi, pour tous les autres, les vacances sont prolongées de force jusqu'au 1er octobre. Pourtant, après 7 années d'études, beaucoup d'étudiants aspirent à pouvoir enfin gagner leur vie, et ne peuvent se permettre 3 mois d'inactivité.
Les quelques semaines suivant les concours furent sombres. Les étudiants ont été divisés en 3 groupes :
- ceux classés en ordre utile,
- ceux ayant réussi mais ne se voyant attribuer aucune place (vu le peu de places octroyées).
- et enfin ceux refusés.
Il fallait donc pour ceux qui avaient échoué retomber vite et bien sur leurs pieds, et se réorienter vers un nouveau concours disposant encore de places. Le puzzle se devait d'être complet, chacun devant combler une place même si ce n'était pas celle souhaitée.
La tension perceptible augmenta encore suite à l'attitude de certains professeurs, changeant une fois de plus les règles du jeu ou jouant sur les mots. Nous avons à plusieurs reprises fait savoir nos désaccords face à cette manière de procéder, que nous trouvions si peu courtoise.
Il y a 10 jours, nous prenions connaissance d'un nouvel arrêt de la Cour d'Arbitrage, nous obligeant à éplucher méticuleusement les conséquences possibles de celui-ci sur le classement provisoire.
" Les derniers deviendraient-ils les premiers ? ". En effet, les étudiants ayant bissé une année en doctorat et s'étant retrouvés dans la cohorte du numerus clausus ont gagné leur procès. Si les quotas sont appliqués de façon stricte, ces étudiants qui devaient se voir attribuer un numéro INAMI en fin de peloton sont maintenant, grâce à cet arrêt, prioritaires sur tous les autres.
Face à tant de changements de dernière minute, incroyables mais vrais, nous avons toujours trouvé une oreille attentive : que ce soit l'équipe PEDM ou notre doyen. Ces nombreuses discussions nous ont aidé à y voir plus clair. Nous les en remercions.
Vous l'avez compris, la période post- concours était et est toujours difficile à vivre...
Heureusement notre Doyen est optimiste et cet optimisme est contagieux...
Le numerus clausus et autres limitations
Le moment est venu de vous parler de ce qu'on a probablement vécu de pire : les limitations d'accès à la profession. Tout le monde ici présent le sait : nous sommes la 1ère année de la génération numerus clausus. Mais qu'est-ce que cela veut dire ?
Le numerus clausus c'est avant tout des règles de sélection, pour nous instaurée au bout de 3 ans. Trois ans, c'est long ! Et pour l'avoir vécu, on peut vous le dire : il est impératif de changer ce système mis en place avec la complicité des universités, car il laisse les étudiants en sursis pendant beaucoup trop longtemps !
Enfin, soit, pour nous ça a duré trois ans, et tout le monde le savait en commençant. Mais le problème c'est que c'est à peu près la seule chose qu'on savait : pour le reste flou artistique total ! Comme on vous l'a déjà dit, les règles ont été créées ou modifiées en cours de route, et ce à de nombreuses reprises. Les jeux étaient serrés, les écarts chèrement payés. Et si, dans ce contexte, l'un ou l'autre avait la mauvaise idée de tomber malade, de trouver l'amour de sa vie, ou d'avoir des soucis personnels, pas de chance ! Il perdrait certainement quelques points, et donc quelques places au classement.
Car oui, entre les étudiants " tête de série ", pour qui tout va bien et à qui il ne peut rien arriver ; et ceux pour qui ça ne valait même pas la peine de s'inscrire ; il y a un tas de gens. Ce sont ceux-là, les plus nombreux, qui ont souffert du système. C'est parmi ceux-là aussi qu'il y a eu des abandons, conséquences de trop de découragement face à ce stress qui pesait sur nos épaules.
Arrivés en fin de 3ème candi, nous avons été " classés ", et donc répartis en 3 catégories. Ceux qui sont repris dans les quotas, les " visas A ", qui pourront faire ce qu'ils veulent. D'autres, les " visas B ", peuvent continuer leur formation mais ne pourront pas avoir accès à la médecine curative. D'autres encore, appelés " visas C ", n'acquerront la certitude d'avoir le droit de continuer leurs études qu'au terme d'un procès. Mêmes études, même diplôme, mais pas même valeur.
Notez que, pour finir, toutes ces différences n'ont plus d'importance, vu que dans notre année tout le monde devrait avoir son numéro INAMI, et donc un accès à la médecine curative. Compliqué nous direz-vous ? Attendez, ça va être pire ! Il ne faut pas oublier que, comme d'habitude, les règles ont changé en cours de route : ce qui vaut pour nous ne vaut pas forcément pour les suivants. Ainsi, si nous avons tous un numéro INAMI cette année et l'année prochaine parce que nos doyens ont le pouvoir d'en décider ainsi, ce ne sera plus le cas à partir de 2006. Au contraire même, il faudra récupérer l'excédent qui nous a été attribué.
Une autre différence encore, peut-être la pire, c'est que pour les actuels étudiants en premier doctorat, il n'y a pas eu de sélection, du moins officielle, en fin de 3ème candidature. Et cela à cause d'un retard dans la publication des quotas au Moniteur. (Retard plus qu'intentionnel d'ailleurs, à attribuer à Madame Dupuis).
Alors que va-t-il se passer pour tous ces étudiants ? C'est simple : ils sont tout simplement pris en otage, car ils devront subir une sélection au terme de leurs 7 années d'études, la Communauté Française n'ayant pas rempli ses obligations. Donc 7 années d'études, pas des plus faciles, peut-être pour rien.
Ca va, vous avez compris ? Non ? Ca tombe bien, nous non plus on n'y comprend plus rien !
Enfin, on va clôturer là le chapitre numerus clausus, pour passer au suivant : celui des quotas de spécialisation. Autant vous prévenir tout de suite, ce n'est pas plus simple.
On commence notre premier doctorat, on nous dit : " Bravo, vous avez réussi, vous pourrez faire ce que vous voudrez ! ". Enfin sauf pour les visas B et C et les bisseurs, à qui on dit plutôt " On ne sait pas encore ce qu'on va faire de vous ".
En fin de 2ème doctorat, changement de programme : on ne pourra pas vraiment faire ce qu'on veut, parce qu'il va falloir strictement répartir les étudiants entre les différentes spécialisations.
C'est en 3ème doctorat que nous découvrons enfin les modalités de sélection pour les concours. Par un décret de Madame Dupuis (encore elle !), nous apprenons que le curriculum vitae prend une part de 50% dans l'évaluation, alors que 3 années sur 4 sont déjà jouées.
En conclusion, " vraiment pas de chance" nous direz-vous ?
Et bien non, pas tout à fait. De la chance, on en a quand même eu.
Elle vient tout d'abord de nous. Car dans cette ambiance malsaine faite de stress et de compétition, au lieu de se tirer dans les pattes et de jouer la carte du chacun pour soi, nous nous sommes serrés les coudes, nous sommes restés solidaires, et nous avons fait en sorte que l'atmosphère de notre auditoire ne soit pas détestable comme elle aurait pu l'être.
C'est tous ensemble que nous avons manifesté, à plusieurs reprises ; entrepris des actions de sensibilisation comme la distribution de tracts dans St Luc, car même dans l'hôpital qui nous forme, tout le monde n'était pas vraiment au courant de la situation. Tous ensemble encore que nous nous sommes mobilisés, pour arriver finalement, cette année, à faire des réunions regroupant des étudiants représentant les 5 facultés de médecine de la communauté française : Liège, Namur, Mons, l'ULB, et nous-mêmes ; avec en point d'orgue la manifestation du 18 mars dernier, regroupant tous ces étudiants avec leurs doyens à leur tête.
Et nous remercions aussi l'Association des Parents pour son dynamisme, et pour le soutien qu'elle nous a fourni et nous fournit encore pour le procès que nous menons contre ces injustices.
Nous avons eu la chance aussi d'avoir certains professeurs qui se sont mobilisés de leur côté, qui ont tenté d'interpeller les responsables politiques pour faire changer les choses. Même si leurs efforts sont en grande partie restés vains, nous les en remercions. Ils sont peu nombreux, mais ils se reconnaîtront. Car dans son ensemble, le corps professoral est plutôt resté inerte...
Là où nous avons encore eu de la chance, beaucoup de chance, c'est d'avoir eu ces 2 dernières années un doyen qui a pris conscience du problème, qui ne s'est pas borné à constater l'injustice du système et à s'y soumettre, mais qui a essayé de le changer, en proposant, en collaboration avec les autres doyens francophones, un moratoire sur 4 ans.
Le principe était simple : comme sur les 4 années à venir l'excédent d'étudiants n'est pas trop important, laissons-les tous continuer, le temps de peaufiner et de fixer une fois pour toutes les modalités de sélection, mais aussi de se rendre compte des réels besoins de la population belge en terme d'offre médicale.
Les doyens ont trouvé auprès de Monsieur Demotte une oreille attentive. Et oui, notre ministre de la santé, contrairement à ses prédécesseurs, s'est réellement intéressé à la problématique qui nous touche. Il a relancé les travaux de la Commission de Planification de l'Offre Médicale, celle-là même qui détermine le nombre de médecins dont le pays aura besoin. Les résultats sont sans équivoque : on aura besoin demain de plus de médecins que ce qu'on en forme aujourd'hui.
Malheureusement, dans sa tentative de faire entendre raison au gouvernement fédéral, ses efforts sont jusqu'à présent restés aussi vains que les nôtres....et nul besoin de vous dire de quel côté de la frontière linguistique il a rencontré des résistances.
Ainsi donc, le gouvernement fédéral ferme les yeux sur les besoins de sa population en terme de santé, et ce pour d'éternelles querelles communautaires.
Conclusion
Nous sommes fiers de ce diplôme hors du commun, riche de sa polyvalence scientifique, mais aussi chargé de responsabilité au service de la Santé publique, et au service des personnes qui souffrent. Savoir prendre ses responsabilités dans le monde d'aujourd'hui est en soi un petit défi, à l'heure où les procès se multiplient pour un oui ou pour un non, et où se renvoyer la balle à l'intérieur d'une hiérarchie est devenu un sport national. Face à cette irresponsabilité et aux démissions en tous genres, faisons survivre le bon sens, le travail en équipe, et la remise en question. Ayons l'audace d'être présents sans nous croire irremplaçables, pour assumer ni plus ni moins que notre part de travail. Car s'il est une chose que nous retenons de toutes ces années d'études, après avoir dû mettre en veilleuse notre vie personnelle pour assurer notre avenir, après avoir été écorché dans notre confiance par un système de régulation absurde et injuste, et forts de l'élan nouveau inspiré par la féminisation de la profession, c'est que nous n'avons pas peur d'affirmer qu'aujourd'hui nous voulons penser à nous. Apprendre à concilier vie professionnelle et vie personnelle. Et apprivoiser le temps. Parce que nous voulons vivre de la médecine mais pas pour la médecine. Et parce qu'aujourd'hui est le premier jour du reste de notre vie.
Merci de votre attention.
P.S.
Durant cette cérémonie, vous avez certainement pris conscience qu'un certain nombre de problèmes restent en suspens. En effet, un arrêt récent de la cours d'arbitrage rendu le 16 juin dernier a une fois de plus bousculé les perspectives d'avenir pour les étudiants en situation délicate. En 2003, étaient promus 236 jeunes médecins, cette année nous ne sommes plus que 154, il est pour nous difficile de supporter qu'une poignée d'entre nous se voient refuser l'accès à la profession suite aux incohérences politiques. C'est pourquoi il nous tient à cœur de faire jouer la solidarité en menant une action en justice collective, mise sur pied grâce à l'organisation et au soutien de l'Association des Parents. Pour soutenir financièrement cette initiative, nous avons pu récolter des fonds grâce à l'organisation d'activités estudiantines, et si vous le souhaitez, nous vous proposons de vous joindre à nous par une simple participation symbolique que vous pouvez déposer dans les tirelires confiées à nos hôtesses. Merci infiniment.