Numéro 37 :

Promotion des médecins du 26 juin 2004

Discours du professeur Jean-Jacques Rombouts, Doyen de la Faculté de Médecine UCL

 

Chers promus, Chers Confrères,

La cérémonie d'aujourd'hui est solennelle.  Elle marque une étape importante de votre formation professionnelle, mais également et surtout un tournant dans votre vie d'hommes et de femmes.

Le diplôme de Docteur en Médecine est à la fois un couronnement et un commencement.  C'est une étape dans un processus de formation professionnelle qui fera de vous dans 2, 3, 5 ou 6 ans des " Médecins généralistes " ou des " Médecins spécialistes ".  Cette étape est importante puisqu'elle vous donne accès dès demain à une pratique, certes encadrée, mais responsable.  Cette pratique vous ouvrira des droits et en particulier celui d'une juste rémunération, mais elle engagera votre responsabilité personnelle.

Pour arriver à ce passage, à cette autonomie personnelle, vous avez suivi un long chemin sur lequel vous avez été guidés et soutenus par vos parents qui ont fait confiance à l'UCL et auxquels je tiens à exprimer la reconnaissance de la Faculté de Médecine.  Votre formation, vous la devez avant tout à vous-même, à ces efforts de tous les jours.  Les professeurs, les adjoints, les assistants et vos amis étudiants ont été là pour vous diriger, vous orienter et stimuler votre apprentissage.

Dans votre formation, au fur et à mesure de sa progression, la part des leçons théoriques est devenue plus ténue pour laisser la place à un apprentissage au contact du patient.  Votre formation doit beaucoup à vos efforts personnels, mais il faut également rappeler combien les diplômés de l'UCL sont marqués par ce milieu, par cette ambiance que nous, la Faculté et les Cliniques,  créons autour de vous.  Il y a deux ans, j'avais développé, à cette tribune, l'importance de ce " curriculum caché ", de cette formation par l'exemple...1  Le législateur, qui devrait nous donner un exemple de rigueur, n'a malheureusement pas toujours fait preuve de cohérence.  De récents événements induits par la loi santé votée en fin d'année dernière vont à nouveau créer le désordre.  L'administration de l'art de guérir a créé cette année une certaine cacophonie dans l'attribution des numéros INAMI qu'elle organise avant que les jurys interuniversitaires instaurés par la communauté française ne se soient réunis...  

L'an dernier, 2004, c'était l'an 1 du " numerus clausus ", mesure regrettable induite avant tout par le dérapage des dépenses de santé.  Réduire le nombre des médecins est une solution simpliste à un réel problème.  J'avais plaidé pour la solution alternative, à savoir la pratique d'une médecine sobre mais efficace 2.

L'actualité met malheureusement à nouveau l'accent sur les performances économiques critiquables de la médecine en Communauté française de Belgique. Il est indéniable que les examens préopératoires sont plus coûteux en Wallonie qu'en Flandre. Est-ce parce que les francophones se laissent aller à une bureaucratie, préférant la radiographie du thorax à l'auscultation, ou est-ce déjà la manifestation d'un comportement défensif des médecins qui craignent des actions en " responsabilité médicale " ?   Il n'est pas possible de répondre avec les données actuelles.

Je voudrais m'arrêter à un comportement médical exemplatif, la prescription des antibiotiques, et prendre un peu de distance par rapport à nos communautés...  La très sérieuse revue " The Lancet "  a comparé les prescriptions d'antibiotiques dans 26 pays européens en 2002 : le médecin français prescrit, pour une même population, trois fois plus d'antibiotiques que le médecin hollandais 3.  Si on observe le comportement des médecins des pays du Nord (Finlande, Suède, Danemark, Hollande) et celui des pays du Sud (France, Portugal et Espagne), la différence est frappante. Cela est corrélé avec des dépenses majorées mais surtout de plus nombreuses résistances bactériennes qui sont à l'origine d'une spirale inflatoire 4.  La Belgique se trouve au centre de l'Europe. La Flandre est tournée vers le Nord et la Wallonie vers le Sud.  La différence de référence culturelle induit des comportements différents et des incompréhensions...5

Chers nouveaux confrères, chers collègues, au moment où s'ouvrent les frontières d'une Europe de 25 pays, il est de notre responsabilité d'éviter qu'en matière de comportement médical, Bruxelles soit le centre d'une faille sismique... Nous devons être un facteur de cohésion entre le Sud et sa culture " personnaliste " et le Nord et sa tendance " rationaliste ".  La médecine est aux confins de l'art et de la science... Le médecin traite un individu dans son contexte social et est responsable vis à vis de la société.  Respectez les règles de bonne conduite et gardez un comportement basé sur votre très solide formation scientifique.

Les pères fondateurs de l'Europe ont bien compris que l'avenir de notre communauté européenne était lié à une interpénétration des cultures et à une meilleure compréhension mutuelle.  La mobilité des étudiants instaurée par le programme Erasmus a précisément pour objectif la création d'une culture européenne.  Les étudiants en médecine ont très peu bénéficié jusqu'à présent de ces opportunités, si ce n'est dans le cadre de stages cliniques.  Pour effacer cette césure entre le Nord et le Sud, il faut que nos étudiants puissent parcourir l'Europe...sans rechercher le soleil en la matière qui nous concerne aujourd'hui.

Les Facultés de médecine ont des responsabilités sociales et éthiques.  Elles sont " imputables ", pour utiliser du Français à la Bolognaise.  Cette responsabilité est, bien entendu, au centre de notre réflexion sur la formation des médecins : ( je cite la charte de l'éthique des facultés de médecine ) " il s'agit de former des médecins responsables, c'est-à-dire des hommes de sciences, à l'écoute et au service de la population, capables de prendre soin de la santé individuelle et collective des personnes qui se confient à lui ou que la société lui confie " 6.  Ce médecin responsable, c'est dorénavant chacun d'entre vous. Nous vous souhaitons une belle carrière professionnelle.  Nous nous sentons responsables du chemin que vous prendrez.  La Faculté assure un accompagnement professionnel et une formation continue.  N'oubliez jamais que vos comportements rejailliront sur votre Université.

Ce jour est un jour de joie, un apogée, une apothéose.  Vivez-le intensément.  Au nom de la Faculté, je vous souhaite bon vent et vous confirme que nous comptons sur vous pour maintenir " l'esprit " et la " tradition " de l'Université catholique de Louvain à laquelle vous avez et à laquelle vos parents ont fait confiance.

J.J. Rombouts

 

  1. Hafferty F.W., Franckx R : The hidden Curriculum, Ethics teaching, and the structure of medical
    education. Academic Medicine. 69 : 861-871, 1994.
  2. Rombouts J.J. : Quelle alternative au numerus clausus ? La Libre Belgique 25 juin 2004
  3. Lancet 2005 ;365 :579-587
  4. Mayor S. : Antibiotic resistance is highest in south and east Europe. B.M.J. 330 : 383, 2005
  5. de Maeseneer J.: Het verband tussen gezondheid en cultuur. De Standaard 25.11.04
  6. Conférence internationale des Doyens et de Facultés de Médecine d'expression française (CIDMEF) : Charte de l'éthique des facultés de Médecine.

 

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