Numéro 17 :
Promotion des médecins du 24 juin 2000
Discours des étudiants :
Charlotte Dézé, David Hercot, Denis Jacques, Gwendoline Plennevaux, Muriel Quisquater et Pierre-Olivier Schmit
Nous avons longuement mûri ce discours, dans nos rêves, dans notre inconscient, dans nos réflexions, d’abord seuls puis ensemble.
Il y a tant d'idées que nous avons déjà exprimées, défendues, manifestées, … dans le cadre de notre rôle de délégués ou de représentants des étudiants, dans les nombreuses commissions académiques. Parfois avec succès, souvent sans résultat.
D'autre part, en préparant ce discours, nous en avons consulté de nombreux autres , le plus ancien datant de 1959, et, de façon bien surprenante, nous y avons souvent retrouvé, exprimé dans des styles différents, les mêmes préoccupations, les mêmes espérances, les mêmes déceptions.
Si les conditions pour qu'elles soient réellement entendues, voir même dites, n'ont pas été réunies jusqu'à présent, y a-t-il un sens à le répéter encore aujourd'hui ?
Nous avons donc décidé de ne pas nous étendre sur les problèmes académiques mais de partager avec vous autrement notre histoire.
Lorsque nous sommes arrivés à l’Université, il y a 7 ou 8 ans, c’était un fabuleux pari que nous étions prêts à tenir : nous retrouver au même endroit, 7 ans plus tard, pour la remise des diplômes. Certains d’entre vous penseront : ce n’est pas très compliqué ! Je plante ma tente au milieu de l’auditoire en 1993 et j’attends tranquillement l’an 2000 pour recevoir le bout de papier tant convoité ! Pourquoi pas ? Cependant, l’auditoire, ce n’était pas vraiment le camping “ du bon repos ”. D’abord, réveil aux aurores par nos chers professeurs. Ils vous tirent de votre sac de couchage et vous parlent, vous parlent et vous parlent encore. Et ils sont forts ces profs, car chaque jour, ils trouvent un sujet de conversation différent. 7 ans de bavardages et jamais à court d’arguments ! Certains de ces êtres ayant droit sur votre sommeil vous font l’effet d’un bon café. Ça vous réveille, ça vous stimule et vous passez une bonne journée. D’autres y mettent tellement de lait que vous referiez bien quelques heures de sieste. La nuit, vous avez le droit de vous échapper du camping pour aller au bal du village, mais pas de pitié, dès le lendemain matin, ça reprend !
Lorsque arrive le printemps et que l’envie vous prend de vous égayer dans la nature et de respirer l’éclosion des fleurs, vous êtes alors retenus par toutes ces feuilles qui se sont accumulées sur votre table depuis l’automne. Vous nous direz que des campings comme celui-là, vous n’en connaissez pas beaucoup. Et pourtant, pendant que certains subissaient ce sort à Woluwé, d’autres faisaient de même à Namur et à Mons.
Au bout de trois ans de ces douloureuses vacances, les trois campings fusionnèrent en un grand village. Pour fêter dignement l’événement, on enterre alors les années passées séparément et on célèbre le mariage des populations, ce que certains d’entre nous prirent à la lettre. La vie en communauté se révéla très riche. Un des moments forts fut le Half-Time ! Alors que la plupart des jeunes de notre âge finissaient leurs études, nous fêtions fièrement la moitié des nôtres … Ce fût une semaine inoubliable : repas gargantuesques et cabaret magigue, jeu de nuit et nuits blanches. Jour après jour, la vie du village s’organisait, autour des KAP, du cercle et des soupers. Et toujours le même repère, le même lieu de rassemblement, l’auditoire, qui chaque matin nous ouvrait grand ses portes et était la scène d’histoires de plus en plus fantastiques : les globules blancs livrant aux virus un combat acharné, les influx nerveux parcourant les chemins les plus ardus, les médicaments faisant la queue pour obtenir le nom le plus compliqué.
Au-delà de ces histoires, un nouveau monde apparaissait, un monde d’hommes, de femmes et d’enfants en souffrance, emplis d’attente et d’espoir. Ainsi, nous découvrions enfin ce qui, pour la plupart d’entre nous, était une grande motivation : tenter d’aider ces hommes et ces femmes et soulager au mieux leur mal-être. Nous réalisions aussi que l’Université, la vie en communauté avec nos pairs, et l’enseignement de nos pères, nous apportaient quelque chose de rare : l’ouverture vers l’autre, un esprit plus large et plus réfléchi pour offrir à nos futurs patients une meilleure écoute et le dévouement nécessaire.
Après toutes ces émotions partagées, il fallait nous séparer pour partir à la découverte de l’hôpital et s’adapter à nos nouvelles fonctions : travailler le jour, dormir la nuit, euh pardon … travailler le jour et étudier la nuit, voilà de quoi nous occuper pour un an et demi. Ce n’était certes pas le moment le plus facile, mais sans doute le plus enrichissant.
Au terme de nos études, nous voilà prêts à nous lancer dans la vie… C'est un bon moment pour prendre le temps de s'arrêter, de regarder en arrière, de réfléchir aux chances que nous avons eues. Tout d'abord la chance d' avoir vécu en Belgique, avec un accès démocratique et non limité aux études. Ensuite d'avoir pu bénéficier d'un enseignement, qui malgré ses imperfections, est d'une grande qualité.
Nous tenons à remercier les professeurs qui se sont investis dans leur enseignement, ceux qui se sont attachés à nous apprendre les bases de la médecine comme des points de repère pour notre future pratique, ou qui nous ont transmis des valeurs humaines à travers leur approche clinique.
Nous remercions également nos tuteurs et nos maîtres de stage qui ont su nous accompagner dans nos premiers pas cliniques et qui, par leur exemple, nous ont rappelé toute la richesse tant relationnelle que scientifique de cette profession.
Merci très spécialement à l’équipe du Centre Universitaire de Médecine Générale pour l’accueil confraternel et attentionné qu’il a réservé à nombre d’entre nous. Son travail humble et acharné tend à adapter au mieux notre apprentissage à la réalité du temps, des milieux et de l’individu. Il a réveillé en nous ce sens critique et responsable qui nous a rendu enfin acteurs de notre formation.
Nous voudrions adresser un remerciement tout particulier à nos parents, nos conjoints, nos frères et soeurs, nos amis, nos proches, qui nous ont permis d'effectuer ces longues études, qui nous ont soutenus, encouragés tout au long de ces années, de ces durs printemps, et qui sont responsables beaucoup plus qu'ils ne le croient probablement, de la réalisation de ce projet qui nous était si cher.
Petit clin d’œil aussi à toutes les personnes qui discrètement, contribuent au fonctionnement de la faculté, du cercle et à la vie sur le site.
Enfin, nous garderons dans nos cœurs nos compagnons d’étude, avec qui nous avons partagé tant de bons moments.
C'est maintenant à nous de passer à l'action. A nous de trouver un équilibre entre épanouissement professionnel et personnel, et, quels que soient nos chemins, de garder la flamme de notre idéal pour qu’elle nous guide vers une médecine toujours plus humaine.