Promotion des médecins : 16 juillet 1988

Discours du Professeur E.G. Lebacq, Président de l'AMA-UCL

 

Je vous félicite pour l'issue heureuse de vos études et je félicite vos parents qui ont montré beaucoup d'abnégation et qui ont consenti tant de sacrifices pour arriver à cet heureux couronnement.

La nouvelle organisation des études a fait de vous déjà des cliniciens avertis, alors qu'on nous faisait précédemment le reproche de diplômer des médecins au crâne bourré de théorie, mais peu expérimentés en pratique clinique.

Notre faculté s'est fait effectuer un lifting et elle s'est modernisée.  Pour ceux qui ont connu la situation il y a 40 ans, le chemin parcouru est considérable.

Je me vois avec un de mes amis, débarqués dans la ville de leuven, pour préparer une carrière qui faisait l'objet de toutes nos aspirations. Nous rencontrions autant de sujets d'irritation que de sagesse et au lieu d'une voie unique et claire conduisant à la vérité, nous apercevions mille voies conduisant à mille vérités lointaines et douteuses.

Nos cours pratiques de candidature consistaient en petites expériences classiques et surannées à la portée des vieilles demoiselles. Nous attendions en vain l'étude de la médecine.  Nous étions capables de dire plus de choses sur le petit orteil que les étudiants actuels ne peuvent en dire concernant toute la jambe. On nous serinait une terminologie apprise par coeur pour passer les examens. Des malins inconnus avaient inventé des systèmes mnémotechniques rimés qu'on répétait à la longue table du restaurant "In de Belle Vue" en ingérant les frites biquotidiennes.

A la salle de dissection on apprenait peu l'anatomie; c'était surtout une sorte d'enseignement moralisateur sur les effets terribles de l'alcool sur les clochards et les conséquences d'une vie désordonnée chez cette espèce d'hommes qui fournissait les macchabées pour la salle de dissection.

Actuellement, vous avez été initiés rapidement à la démarche clinique et vous n'êtes pas assez conscients de la supériorité que vous avez sur vos aînés dans la façon que vous avez d'arriver à un diagnostic.

Un sujet important pour votre pratique future est de savoir ce que vous devez lire pour vous tenir au courant.

"Ars longa, vita brevis", aurait dit Hippocrate s'il avait parlé latin.  La vie estudiantine est limitée à 7 ans, mais l'art médical s'accroît de façon exponentielle.

Le temps n'est plus où le vieux Doc Wickerson pouvait dire au jeune Martin Arrowsmith qu'il y avait trois livres essentiels pour le médecin, et qui se trouvaient dans son cabinet au milieu des fusils de chasse et des cannes à pêche : c'était le " Traité d'anatomie " de Gray, la Bible et Shakespeare.

A côté des textbooks classiques, il y a toujours eu de bonnes revues pour assurer votre formation continue.  Parmi elles, il en est une que nous devons soutenir tous, c'est Louvain Médical. Le comité de rédaction de Louvain Médical veille à en faire une revue savante de haut niveau et il y réussit !  Nous tenons à féliciter publiquement le comité de rédaction, avec son rédacteur en chef, pour la tenue exemplaire de notre revue.

Mais on nous reproche d'en faire un journal peu attractif, plein d'articles savants et originaux, mais peu adapté aux besoins de formation continue des médecins et pas assez spécifiquement louvaniste.
Louvain Médical se doit de représenter les anciens de la Faculté de médecine dont vous faites partie maintenant, les tenir au courant de ce qui se passe à la faculté, pour que ce ne soit pas la grande presse qui vous apprenne qu'il y a de nouveaux Docteurs Honoris Causa.  

Enfin, Louvain Médical assure votre formation continue; il est normal en effet qu'après vous avoir formés, la Faculté prenne la responsabilité de votre recyclage permanent.  La commission de l'enseignement postuniversitaire vient d'être mise sur pied et déjà nous organisons des cours et des conférences partout dans le pays.

Louvain Médical, c'est votre revue. Vous estimez que des modifications sont nécessaires ?  Nous sommes d'accord et nous attendons vos suggestions. J'ai l'intention de vous écrire à tous pour solliciter vos avis et vos souhaits.

Vous devez soutenir Louvain Médical. Je considère que la source principale de votre information ne peut pas être la littérature médicale gratuite dont vous êtes inondés.  L'industrie pharmaceutique a réalisé qu'il y avait beaucoup d'argent à faire avec ces journaux à jeter, constitués pour une bonne moitié par de la publicité pour des médicaments.

Autrefois nous recevions un barrage ininterrompu de propagande postale avec des échantillons de médicaments qui s'accumulaient tous les matins sur le paillasson, qui finissaient par irriter les médecins et filaient tout droit au panier.   Pour mettre en condition les médecins prescripteurs, il faut autre chose et c'est ainsi que nous recevons presque chaque jour des revues attractives, souvent sur papier glacé, merveilleusement illustrées en couleur, avec de jolies personnes peu habillées prônant l'un ou l'autre médicament contre les varices, avec des échos, des bavardages, un grand nombre de graphiques multicolores.

Vous recevez des conseils pratiques concernant vos impôts, les perspectives de récolte dans le Beaujolais, les films de la semaine, etc...  Ces revues accompagnent "Le Cayoteu" et "Les échos de la Haute Senne" qui nous incitent à acheter une lessiveuse ou une nouvelle bicyclette.  Vous feuilletez tout cela distraitement au petit déjeuner et vous vous en servez pour allumer votre feu de bois.

Louvain Médical a  bien entendu des difficultés à concurrencer toute cette presse.  Par ailleurs, il n'aura aucun impact commercial s'il n'a pas un grand nombre d'abonnés.    Et j'attends de vous, qu'outre votre affiliation à l'association des anciens, vous lui apportiez votre soutien et que vous vous affichiez fièrement ancien louvaniste, comme le prouvent déjà les cravates et les parapluies qui sont notre signe de ralliement.

Je vous souhaite de bonnes vacances.

Professeur E.G. Lebacq,
Président de l'AMA-UCL. 

AMA-UCL Association des Médecins Alumni de l'Université catholique de Louvain

Avenue Emmanuel Mounier 52, Bte B1.52.15, 1200 Bruxelles

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