Allocutions de Monsieur Bernard Swartenbroeck, président de l'Assemblée générale des étudiants de Louvain

 L'université est un espace public

 

Chers professeurs,
Chers étudiants,
Mesdames, Messieurs,

En cette rentrée académique, j’aurais pu mettre à profit la tribune qui m’est donnée pour développer avec vous bien des sujets.

Tout d’abord, actualité oblige, j’aurais pu m’insurger, au nom des étudiants, contre l’application du numerus clausus dans notre Université. En effet, la nouvelle a été rendue publique jeudi dernier : neuf refus d’inscription sont tombés en faculté de médecine. Neuf d’entre nous ont ainsi été exclus alors qu’ils s’étaient montrés parfaitement capables de poursuivre leurs études en réussissant les épreuves académiques.

J’aurais pu, à cette occasion, vous interpeller, monsieur le Recteur. Et vous demander quelle attitude l’UCL comptait adopter pour défendre ses étudiants. De même, j’aurais pu profiter de votre présence, Mesdames et Messieurs les Ministres et Parlementaires pour vous interroger. Quelles suites donneriez-vous à la motion que vous votiez à l’unanimité l’an dernier pour condamner le numerus clausus ?

Pourtant, en cette matière, les arguments ont déjà tous été échangés. Le système a déjà été maintes fois critiqué. Dans ces conditions, qu’aurais-je pu apporter de plus? C’est de décisions politiques dont nous avons besoin aujourd’hui !

J’aurais ensuite pu commenter l’application du processus de Bologne à notre Université. J’aurais pu vous dire combien nous jugions dangereuse l’évolution vers un enseignement supérieur élitiste et concurrentiel. Evolution vers un enseignement élitiste d’abord dans la mesure où les mécanismes de sélection et de relégation sont amenés à se multiplier avec l’harmonisation européenne. Plus précisément, je parle de sélections pour stigmatiser les limitations d’accès au second cycle. Quant au terme de relégation, il exprime la dualisation que vont connaître les filières et les institutions en fonction de leur prestige et de leurs moyens financiers. Cette évolution ne nous paraît absolument pas souhaitable dans une société démocratique. Evolution vers un enseignement concurrentiel ensuite dans la mesure où les régulations publiques sont réduites au strict minimum. J’aurais pu partager avec vous nos doutes sur le fait que le rayonnement intellectuel de l’Europe doit inéluctablement passer par cette libéralisation douce.

J’aurais encore pu souligner combien ce bouleversement profond de l’enseignement supérieur était peu démocratique. Et c’est un euphémisme puisque le processus de Bologne n’a fait l’objet d’à peu près aucun débat dans les assemblées parlementaires compétentes et que sa mise en œuvre se fait en dehors de tout cadre normatif commun.

Mais tous ces points appellent des développements que le temps qui m’est imparti ne me permet pas d’entreprendre..

J’aurais pu alors vous parler d’un sujet sur lequel nous avons plus de prises : la pédagogie.

Dans cette veine, j’aurais pu vous décrire le gouffre qui séparait jusqu’il y a peu, les savoirs enseignés des attentes des étudiants.J’aurais pu vous parler avec enthousiasme de la possibilité de lutter contre l’échec. J’aurais pu vous parler aussi de la nécessité de donner sens aux formations universitaires en confrontant toujours mieux cadres théoriques et expériences des réalités. J’aurais encore pu vous dépeindre des étudiants amenés à devenir de véritables acteurs sociaux capables de penser, de critiquer et d’agir sur le réel. Mais ce discours-là, vous l’avez déjà entendu. Il est porté par l’AGL depuis des années et certains d’entre vous y adhèrent d’ailleurs.

J’aurais aussi pu attirer votre attention sur les dérives qui, quoiqu’à l’opposé d’un enseignement complètement abstrait de la réalité, peuvent aussi caractériser une pédagogie toute entière basée sur la résolution de problèmes. Celle-ci peut en effet conduire à une intrumentalisation progressive des savoirs et à une professionnalisation qui ne dit pas son nom.

Et d’espérer avec vous, que " gérer sa formation " évite cet écueil et s’avère à la hauteur des espoirs mis en lui.

Enfin, j’aurais pu exprimer une nouvelle fois, en long et en large, l’aspiration des étudiants à plus de démocratie interne au sein de notre Université et, notamment, une présence des différents corps de notre communauté universitaire au Conseil d’administration. J’aurais pu vous dire combien refuser cette participation nous paraîtrait anachronique et combien, au contraire, l’accepter contribuerait, à notre sens, au dynamisme et à la cohésion de notre Université.

Chacun des quatre sujets que j’ai trop brièvement abordés aurait sans nul doute mérité que l’entièreté cette courte allocution leur soit consacrée. Mais le balayage de ces quatre thèmes qui nous tiennent particulièrement a l’avantage de révéler une préoccupation commune : notre attachement profond à la dimension publique de l’université. Lieu de science et de culture ouvert sur le monde, l’université doit d’abord être accessible au plus grand nombre. Ensuite, ses missions d’enseignement, de recherche et de service à la société vont ben au-delà de la fourniture de simples services marchands. En particulier, celui qui se forme à l’université doit combiner la rigueur du scientifique et l’interrogation de l’intellectuel. Enfin, considérée comme un service publique, l’université est un espace politique faisant dès lors l’objet de choix démocratiques.

Cet idéal d’une université publique, Mesdames, Messieurs, nous voulons le porter avec vous. Au delà des difficultés et des désillusions, nous persistons à croire non seulement que cela est possible mais aussi que cela est nécessaire.

 


[UCL] [Pointeurs utiles]

Dernière mise à jour : 18 septembre 2001. Responsable : Jean Blavier. Contact : Joseline Polomé