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Lionel JospinUne certaine idée de l'ÉtatPour le Pr Christian Franck (ESPO/ EURO), le choix de Lionel Jospin s'accorde on ne peut mieux au thème de l'engagement dans les affaires publiques choisi par le Conseil académique : "Plus que la virtuosité dans le jeu des rapports de force, Jospin illustre l'articulation entre réflexion sur la société et l'économie d'aujourd'hui et conduite des politiques publiques". D'où la méthode Jospin : engager l'action publique dans la durée, sur base d'une réflexion préalable certes marquée par des convictions fortes, mais non pas bridée par des constructions idéologiques qui peuvent devenir des impasses. Le Premier Ministre n'est pas un inconnu des milieux académiques. Si, après une formation à l'École nationale de l'administration (ENA), Lionel Jospin s'était tout d'abord orienté vers une carrière diplomatique (qui lui fournit l'occasion d'approcher en profondeur la problématique Nord-Sud), on le retrouve quelques années plus tard professeur d'économie à Paris XI, puis ministre de l'Éducation nationale de 1988 à 1992. Il est l'auteur d'un plan "Université 2000". Son directeur de cabinet n'était autre que Claude Allègre, aujourd'hui à son tour ministre, bien connu lui aussi du monde académique et scientifique, notamment pour son projet européen d'harmonisation des curricula sur un modèle français, bien entendu. Félicitons-nous aussi que ce soit sous le mandat de Lionel Jospin et tout récemment qu'un accord de coopération ait été signé entre la France et la Communauté française de Belgique sur les chapitres linguistique, culturel, éducatif et scientfique. Pour sa part, l'UCL a signé pas moins de septante conventions avec des universités françaises, ce qui a fait dire à un ambassadeur de France que l'UCL avait plus d'accointances avec les universités françaises que ces mêmes universités n'en avaient entre elles. Le Pr Franck distingue dans l'action de Lionel Jospin trois lignes de force qui pourraient inspirer la réflexion universitaire. Tout d'abord, cette petite phrase qui est à elle seule un programme politique : "Oui à l'économie de marché, non à la société de marché". Quelque nécessaires que soient les mutations de l'État-Providence, l'État doit rester à la fois le régulateur de l'activité économique et le garant comme l'organisateur de la solidarité entre les citoyens. En cela, Jospin ose être en retrait par rapport à ses collègues anglais et allemand Blair et Schröder, chantres du "nouveau centre", d'une "troisième voie". Ensuite, une autre petite phrase qui tient peut-être de l'incantation : "La mondialisation ne rend pas les États impuissants". Elle appelle une régulation politico-juridique au niveau international. Quant à l'Europe, elle reste déterminée par l'engagement des États : c'est au sein des systèmes politiques nationaux qu'il y a débat sur l'Europe, à défaut d'une opinion publique européenne. C'est aussi au plan de la politique européenne et internationale de la France que la cohabitation, entre un premier ministre de gauche et un président de droite, "fonctionne" harmonieusement. L'exercice impose une certaine vertu démocratique, un sens des règles du jeu constitutionnel. Dans ces trois lignes de force, une constante : une haute idée de l'État, de l'engagement, du bien public. Ce qu'il fallait démontrer. (B.D.) |