Doctorats Honoris Causa 2000 : Discours des étudiants. Chers Ministres, Chers Professeurs, Mesdames, Messieurs. Madame la Directrice Générale, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Président, vous recevez aujourd'hui un doctorat honoris causa sur le thème de l'engagement au service de la société. Vous le méritez amplement, vos 3 parrains ou marraines pourront témoigner encore mieux que moi que vous êtes, pour nous, étudiants, des exemples d'engagement. Des exemples d'engagement, c'est-à-dire, pour nous, de " prise de risques afin d'oser affronter les vrais problèmes ". Et en matière de prise de risque, je désire vous parler du meilleur exemple que nous connaissons jusqu'à aujourd'hui : il s'agit de Madame Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la Paix et leader de la majorité démocratique birmane, à qui vous succédez dans cette Université puisqu'elle recevait il y a un an le titre de docteur honoris causa. Le thème de la cérémonie de l'an passé était la défense des droits de l'homme et de la démocratie. Celui de cette année est : " Des idées aux actes ". Vous ne nous en voudrez donc pas de mettre en rapport les idées défendues par nos docteurs de l'année passée avec les actes que vous posez en tant que personnalités au service de la société. Avec ce thème en tête &endash; les idées et les actes-, nous aurions pu vous parler en termes généraux de nombreux autres engagements au service de la société que celui de la défense de la démocratie, tant les attentes sont encore immenses dans bien d'autres domaines. Pourtant, nous avons choisi de nous centrer sur un seul exemple, afin que nos propos ne restent pas vagues et dépourvus de sens. En effet, nous sommes, à l'UCL, historiquement attachés à la défense de la démocratie : notre Université a, par exemple, participé depuis plus de vingt ans à la reconstruction de la démocratie au Chili. Mais depuis plus d'un an, nous sommes particulièrement attachés à cet engagement pris envers Aung San Suu Kyi. Pourquoi ? Parce que la Birmanie n'est pas seulement " une dictature de plus ". Parce que c'est un pays qui compte, d'après le B.I.T. plus de 600,000 travailleurs forcés. Parce que l'ensemble des universités sont fermées depuis la répression dans le sang, il y a 10 ans, des manifestations étudiantes non-violentes. Parce que ces générations de jeunes sans éducation hypothèquent l'avenir, le développement durable, Madame Bruntland, de ce pays. Alors voilà pourquoi, aujourd'hui, en tant que représentant étudiant démocratiquement élu, m'adressant à vous, personnalités d'Europe démocratiquement élues, à l'occasion d'une fête célébrant des personnes qui passent " des idées aux actes ", je ne vois pas de meilleur thème de discours que celui qui nous permet à vous et moi d'exercer nos fonctions : celui de la démocratie. De même, je ne puis penser qu'à une seule idée en m'adressant humblement à vous : celle de vous demander de toujours continuer à poser aujourd'hui les actes qui permettront aux idées universellement reconnues que sont le respect des droits de l'homme et la défense de la démocratie, de se propager demain. Et ce, même si cela implique quelques prises de risques car, Madame Bruntland, M. Jospin, M. Prodi, le titre que vous recevez aujourd'hui n'est pas décerné à titre posthume. Je dirais même plus : nous, étudiants, aimerions vous voir prendre une nouvelle fois la succession d'Aung San Suu Kyi, mais à un autre titre : Pourquoi pas le Prix Nobel de la Paix ? Lorsque vous aurez posé les actes qui auront permis la fin du travail forcé, la réouverture de universités et le rétablissement de la démocratie en Birmanie. Vous le savez, ce sont les élus birmans de la majorité réprimée qui appellent eux-mêmes à l'arrêt de toutes relations commerciales avec leur pays. Ce sont eux qui l'affirment : " les investissements ne bénéficient qu'à une minorité tout en lui permettant de mieux réprimer. " En effet, ils savent mieux que nous que cet argent va uniquement à l'armée et à la répression et non aux populations locales. Alors voilà, pour concrétiser le titre que vous recevez aujourd'hui, je vous propose, je vous demande de passer " des idées aux actes " au service de la démocratie et plus particulièrement en Birmanie. Madame Bruntland, les problèmes d'épidémie du sida, de malnutrition chronique des enfants et de mortalité infantile seront plus facilement résolus en Birmanie le jour où les universités seront réellement ouvertes. Madame, vous qui symbolisez le développement durable dans le monde entier, pouvez-vous nous dire si nous sommes des idéalistes en espérant vous voir intervenir auprès des Nations Unies pour que le siège de la Birmanie soit octroyé aux élus légitimes de 1990 et non à des futurs condamnés du Tribunal Pénal International. Monsieur Jospin, vous qui avez été Ministre de l'Education Nationale et avez uvré pour le progrès de l'enseignement, serait-ce un rêve de vous voir prendre la décision de geler les investissements français en Birmanie ? Allez-vous faire le choix de retirer les 150 à 450 millions de dollars que la première entreprise française apporte à un régime dictatorial qui fait honte à l'humanité ? Monsieur Prodi, vous qui avez rendu confiance aux Italiens en restaurant l'image de leur gouvernement, allez-vous appliquer une nouvelle fois le principe " des idées aux actes " en mettant en uvre les résolutions adoptées depuis 1996 par les députés européens au sujet de la Birmanie ? Allez-vous mettre à l'ordre du jour du Conseil des Ministres des Affaires Etrangères l'arrêt des relations commerciales avec la Birmanie. C'est ce que vous demandent les élus birmans incarcérés, mais aussi les députés européens. Madame, Mesdemoiselles, Messieurs, mon discours a été ciblé sur un seul sujet car, à l'Université catholique de Louvain, on nous apprend à appliquer la devise " Réfléchissez globalement, agissez localement ", devise qui nous rappelle le thème d'aujourd'hui : Des idées aux actes. Je ne pouvais donc faire autrement que de relayer les appels d'autres étudiants, d'autres citoyens du monde et de notre docteur honoris causa Aung San Suu Kyi qui nous résumait sa demande en ces mots simples : " Que votre liberté puisse servir la nôtre. " Gaëtan Vanloqueren, Président AGL 1999-2000 |